Archive pour la catégorie ‘Le blog’

Industrie : quelques chiffres…

Mercredi 28 février 2018

La France fait-elle partie des gagnants ou des perdants de la mondialisation ? Cette question revient sur le tapis chaque fois qu’une usine menace de baisser le rideau dans l’Hexagone.

Une note publiée lundi 26 février par Clément Malgouyres, chargé d’études à la Banque de France confirme que la concurrence exercée par la Chine juste après son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001, a contribué à détruire des emplois industriels tricolores. « Les résultats suggèrent qu’environ 13 % du déclin de l’emploi manufacturier observé en France de 2001 à 2007 serait imputable à la concurrence chinoise », explique l’étude, qui résume les travaux publiés par l’auteur sur le sujet en 2016 et 2017.

En 2017, la Chine a exporté pour 49,1 milliards d’euros de biens et services vers la France, et en a importé 18,8 milliards d’euros, d’après les douanes. Cela signifie que Paris affiche un déficit commercial de 30,3 milliards d’euros envers Pékin. C’est presque deux fois plus que celui enregistré envers l’Allemagne (17,2 milliards d’euros). « La croissance des exportations chinoises a ainsi été très forte dans le textile, l’habillement et les jouets, et plutôt limitée dans les industries chimique, pharmaceutique ou agroalimentaire », précise l’auteur.
En outre, les départements des Pays de la Loire ont été beaucoup plus exposés que ceux de Provence-Alpes-Côte d’Azur. « Chaque emploi détruit dans le secteur manufacturier a induit la disparition d’environ 1,5 emploi supplémentaire au niveau local ».

C’est beaucoup moins qu’aux Etats-Unis. Dans une étude publiée en 2013 dans l’American Economic Review, une prestigieuse revue académique, les économistes David Autor (MIT), David Dorn (université de Zurich) et Gordon Hanson (université de Californie) ont en effet démontré que l’intensification de la concurrence de l’empire du Milieu est responsable du quart de la baisse des emplois industriels observés aux Etats-Unis entre 1990 et 2007. Elle s’est également traduite par une hausse des transferts sociaux dans les régions les plus affectées, notamment en matière de maladie, invalidité et retraite.

De ce côté-ci de l’Atlantique, les importations chinoises ont pesé sur l’ensemble des salaires du secteur manufacturier, où les destructions d’emplois de compétences intermédiaires ont été plus fortes que celle de postes peu ou très qualifiés, explique Clément Malgouyres. Dans les autres secteurs, en revanche, seuls les salaires au milieu de la distribution, correspondant aux jobs intermédiaires, ont été tirés vers le bas.

Est-ce à dire que la France n’a rien gagné aux échanges avec l’empire du Milieu ? Une évaluation d’ensemble exige en effet de prendre en compte les gains pour le porte-monnaie des ménages : les biens chinois moins chers ont profité à leur pouvoir d’achat. Les entreprises important des biens asiatiques pour leurs consommations intermédiaires sont également gagnantes. Selon une étude publiée par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) en 2013, remplacer des produits fabriqués en France par des biens conçus dans les pays à bas coût (électroménager, habillement…) entraînerait un surcoût de 1 270 à 3 770 euros par ménage et par an.

Toute la difficulté tient à ce qu’un consommateur gagnant peut aussi être un travailleur perdant…

(source le monde)

le voilà…

Mardi 28 novembre 2017

Comme chaque année il ne fat pas manquer de lire le best seller de l’automne : l’inévitable « portrait social de la France » vient d’être publié par l’INSEE (Insee Références, 272 p., 19,80 €).

c’est bourré d’informations essentielles et en plus c’est facile à lire.

Couverture collective et garanties équivalentes : le retour du flou ?

Vendredi 1 septembre 2017

Les Ordonnances (que tout le monde a ce matin sur son bureau) visant à modifier le code du travail offrent au spécialiste de la protection sociale une perspective de discussion sans fin :

« Article L. 2253-1 – La convention de branche définit les conditions d’emploi et de travail des salariés. Elle peut en particulier définir les garanties qui leur sont applicables dans les matières suivantes :

« 5° Les garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L 912-1 du code de la sécurité sociale » ;

« Dans les matières énumérées au 1° à 11°, les stipulations de la convention de branche prévalent sur la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche, sauf lorsque la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes ».

équivalente ? pas équivalente ?

En voilà une bonne rentrée.

PENDANT CE TEMPS-LÀ LE BOULOT CONTINUE…

Jeudi 4 mai 2017

La ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a présenté ce mercredi 3 mai 2017 en conseil des Ministres un projet d’ordonnance procédant à la refonte du code de la Mutualité, conformément à l’article 48 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Le texte doit permettre aux mutuelles, selon elle, de disposer d’un cadre juridique rénové et mieux adapté aux évolutions récentes du secteur afin d’améliorer leur fonctionnement et leur efficacité :

- la gouvernance des mutuelles et de leurs unions est modernisée ; les rôles respectifs de l’assemblée générale et du conseil d’administration évoluent, les modalités d’élection ou de désignation des délégués à l’assemblée générale sont clarifiées, les modalités de vote sont simplifiées, la formation des élus est renforcée ;

- l’information et la protection des assurés sont renforcées ; les règles applicables aux différentes catégories d’organismes exerçant une activité d’assurance sont harmonisées afin de garantir la qualité et la lisibilité de la législation ;

- le champ des activités autorisées aux mutuelles et unions régies par le livre III du code de la Mutualité est ouvert à de nouveaux secteurs ;

- enfin, le dispositif de substitution est revu, afin de permettre un contrôle et une sécurité renforcés au profit des adhérents et des organismes mutualistes.

PLUS AVEC MOINS…

Vendredi 7 avril 2017

Il n’y a pas de relation claire entre le niveau total des dépenses publiques et le bonheur moyen déclaré par les citoyens. Pour rendre les Français heureux, il faut améliorer la qualité des services publics.

En matière de dépenses publiques, les candidats à la présidentielle ont des préconisations aux antipodes. Entre les 100 milliards d’euros d’économies au terme du quinquennat proposées par François Fillon et le méga-plan de relance de 273 milliards d’euros (dont 100 milliards pour un plan d’investissement) imaginé par Jean-Luc Mélenchon, le grand écart est manifeste.

Les candidats s’opposent sur le remède à apporter aux maux français (une croissance faible et un taux de chômage structurel élevé) à la manière des joutes entre économistes keynésiens et néoclassiques. Les premiers croient aux vertus de la relance quand les seconds la considèrent au mieux comme inutile.

D’un côté, il y a la foi dans le multiplicateur des dépenses publiques (un euro de dépenses publiques augmenterait de plus d’un euro le produit intérieur brut), de l’autre l’idée que les dépenses publiques seront compensées par moins de dépenses privées de la part d’agents rationnels et soucieux de l’avenir, surtout lorsque l’Etat est déjà très endetté et que la croissance à long terme est incertaine.

L’impact des dépenses publiques sur le bonheur est aussi peu évident que leur effet sur la croissance. Les recherches en économie du bonheur montrent qu’il n’y a pas de relation claire entre le niveau total des dépenses publiques et le bonheur moyen déclaré par les citoyens.

En haut des classements internationaux selon la satisfaction de la vie, on trouve autant de pays à haut niveau de dépenses publiques (au-delà de 52% du PIB : le Danemark, la Suède, l’Autriche) que de pays ayant des niveaux de dépenses faibles (en-dessous de 37% : la Suisse, l’Australie, les Etats-Unis) ou intermédiaires (la Norvège et les Pays-Bas).

L’influence du niveau de dépenses sur le bonheur est en fait modérée par la qualité de ces dépenses, réelle ou juste perçue par les citoyens. L’effet dépend concrètement de la satisfaction vis-à-vis de l’Etat, de la confiance dans celui-ci et de la perception de son efficacité. Or, la France combine à la fois un niveau de dépenses extrêmement élevé (57% du PIB, au deuxième rang mondial derrière la Finlande) et des indicateurs de qualité des dépenses publiques relativement faibles.

En France, la satisfaction vis-à-vis de services publics comme l’éducation ou le système judiciaire est légèrement inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE. Seul le système de santé suscite une approbation franche, avec un taux de satisfaction de 80%, de 10 points supérieur à la moyenne de l’OCDE.

En matière d’efficacité, un indicateur composite publié par la Banque mondiale place la France dans une position moyenne, loin derrière les meilleurs. De très nombreux pays font mieux avec moins, voire avec beaucoup moins de dépenses (Singapour, la Suisse, la Nouvelle-Zélande). Inversement, il n’existe aucun pays faisant moins bien que la France avec plus de dépenses…

L’anomalie française – des résultats moyens pour des dépenses publiques totales très élevées – disparaît en partie lorsqu’on regarde la structure des dépenses publiques. Malgré l’apparente omniprésence de l’Etat, la France ne se distingue pas par une fonction publique boursouflée. Avec 5,45 millions de salariés (fonctionnaires et contractuels), le secteur public représente environ 20% de l’emploi total en France, soit… un peu moins que la moyenne des pays de l’OCDE !

La fonction publique n’est pas l’armée mexicaine que laissaient présager les chiffres agrégés des dépenses publiques. Et donc, il n’est pas complètement anormal d’obtenir des scores d’efficacité inférieurs aux pays qui ont davantage d’effectifs publics, de l’improbable Royaume-Uni (23% de l’emploi) jusqu’au Danemark (35%).

Au-delà du nombre de salariés du public, ce qui fait enfler la facture pour le contribuable français, c’est le coût unitaire de ces salariés. Selon les standards internationaux, la France paie environ 3% de points de PIB en plus en rémunérations que ce que l’on pourrait attendre au vu de la taille de sa fonction publique. Et autant que la Suède qui a, rapporté à l’échelle, un tiers d’emplois publics en plus !

L’autre spécificité française est le très fort poids des dépenses de retraite dans le panier total des dépenses publiques (un quart des dépenses, soit 13% du PIB). Il traduit un transfert massif des actifs vers les retraités, qui laisse les seniors français dans une situation inégalée en Europe. Les plus de 65 ans en France ont aujourd’hui un revenu net médian équivalent à 101% de celui des 18-64 ans, contre 92% en moyenne dans l’UE et seulement 76% au Danemark.

Au vu de ces différents chiffres, un candidat soucieux de l’équilibre des finances publiques (la France n’a connu que des déficits budgétaires depuis 1975 !) et du bonheur de ses concitoyens devrait diminuer la dépense publique en baissant le coût du travail dans la fonction publique (plutôt que le nombre de fonctionnaires) et en rognant le poste sur lequel la France a une position extrême non justifiable économiquement et socialement : le montant des transferts pour la retraite.

Et parallèlement améliorer la qualité des services publics par des mesures ad hoc et un transfert de dépenses des retraites vers lesdits services publics, un mouvement qui pourrait paradoxalement générer du bonheur chez les seniors. Sur ce point, ce candidat (politiquement courageux) suivrait l’exemple danois : des dépenses publiques élevées mais jugées par tous comme globalement très efficaces car en nature plutôt qu’en espèces. Le Danemark est régulièrement classé comme le pays le plus heureux au monde. Avec des seniors comblés…

Source : Les Echos – Mickaël Mangot
(enseignant à l’Essec et directeur général de l’Institut de l’Economie du Bonheur. Il vient de publier « Heureux comme Crésus ? Leçons inattendues d’économie du bonheur » (Eyrolles).)

Article 4 loi Evin ce matin au JO

Jeudi 23 mars 2017

Décret n° 2017-372 du 21 mars 2017 relatif à l’application de l’article 4 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques

NOR: AFSS1704073D
ELI: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/3/21/AFSS1704073D/jo/texte
Alias: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/3/21/2017-372/jo/texte

Publics concernés : entreprises d’assurance relevant du code des assurances ; institutions de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale ; mutuelles relevant du code de la mutualité.
Objet : détermination des tarifs des contrats d’assurance applicables aux personnes visées par l’article 4 de la loi du 31 décembre 1989.
Entrée en vigueur : le décret entre en vigueur au titre des contrats souscrits ou des adhésions intervenues à compter du 1er juillet 2017 .
Notice : l’article 4 de la loi du 31 décembre 1989 impose aux organismes assureurs d’organiser les modalités de maintien de la complémentaire santé, afin de permettre aux anciens salariés bénéficiaires d’une garantie collective de conserver leur couverture complémentaire à un tarif encadré. L’article 1er du décret du 30 août 1990 prévoyait que les tarifs ne pouvaient être supérieurs de plus de 50 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs. Le présent décret modifie cette tarification en organisant un plafonnement progressif des tarifs, échelonné sur trois ans. La première année qui fait suite à la sortie du contrat d’assurance collectif, il est prévu que les tarifs restent identiques aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs. La deuxième année, il est prévu que ces tarifs ne peuvent être supérieurs de plus de 25 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs. La troisième année qui suit la sortie du contrat d’assurance collectif, ces tarifs ne peuvent être supérieurs de plus de 50 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs.
Références : le décret du 30 août 1990 modifié par le présent décret peut être consulté, dans sa rédaction issue de cette modification, sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr/).

Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l’économie et des finances,
Vu la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, notamment son article 4 ;
Vu le décret n° 90-769 du 30 août 1990 pris pour l’application des articles 4, 9 et 15 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ;
Vu l’avis du Conseil supérieur de la mutualité en date du 5 décembre 2016 ;
Vu l’avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières en date du 12 janvier 2017,
Décrète :

Article 1 En savoir plus sur cet article…

L’article 1er du décret du 30 août 1990 susvisé est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 1. – Les tarifs applicables aux personnes mentionnées à l’article 4 de la loi du 31 décembre 1989 susvisée sont plafonnés, à compter de la date d’effet du contrat ou de l’adhésion, selon les modalités suivantes :
« 1° La première année, les tarifs ne peuvent être supérieurs aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs ;
« 2° La deuxième année, les tarifs ne peuvent être supérieurs de plus de 25 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs ;
« 3° La troisième année, les tarifs ne peuvent être supérieurs de plus de 50 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs. »

Article 2

Les dispositions du présent décret s’appliquent aux contrats souscrits ou aux adhésions intervenues à compter du 1er juillet 2017.

Article 3

Le ministre de l’économie et des finances et la ministre des affaires sociales et de la santé sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 21 mars 2017.

Bernard Cazeneuve

Par le Premier ministre :

La ministre des affaires sociales et de la santé,

Marisol Touraine

Le ministre de l’économie et des finances,

Michel Sapin

Lundi 13 mars 2017

Matthieu Auzanneau est journaliste, spécialiste des questions énergétiques. il anime un blog nomé oïl man et, si je ne comprends pas tout ce sui est écrit, je vois bien que c’est important;

comme je ne sais pas mettre de lien, voici une interview de Gaël Giraud, directeur de recherche au Centre d’économie de la Sorbonne, spécialisé en économie mathématique, et membre depuis 2004 de la compagnie de Jésus.

Quels sont d’après vous les indices d’un lien intime entre consommation d’énergie et croissance de l’économie ?

Depuis deux siècles, depuis les travaux d’Adam Smith et de David Ricardo par exemple, la plupart des économistes expliquent que l’accumulation du capital est le secret de la croissance économique inédite que connaissent les sociétés occidentales, puis une partie du reste du monde. Marx était, lui aussi, convaincu de cette apparente évidence. Or, historiquement, l’accumulation du capital (au sens moderne) n’a pas commencé au 18ème siècle avec le début de la révolution industrielle, mais au moins deux cents ans plus tôt. Inversement, la première “révolution marchande” des 12ème et 13ème siècles, qui permit à l’Europe de sortir de la féodalité rurale, coïncide avec la généralisation des moulins à eau et à vent. Une nouvelle source énergétique, en plus de la photosynthèse (agriculture) et de la force animale, devenait disponible. De même, qui peut nier que la découverte des applications industrielles du charbon, puis du gaz et du pétrole (et, plus récemment, de l’atome) a joué un rôle décisif dans la révolution industrielle, et partant, comme moteur de la croissance ? De 1945 à 1975, les “trente glorieuses” ont été une période de croissance accélérée et aussi de consommation inédite d’hydrocarbures. Depuis lors, la planète n’a jamais retrouvé la vitesse de consommation d’énergies fossiles qui fut la sienne après guerre. C’est une bonne nouvelle pour le climat. Mais cela n’est pas étranger au fait que nous n’avons jamais retrouvé non plus les taux de croissance du PIB des trente glorieuses.

Au cours des dix dernières années en France, la consommation d’énergie et de pétrole en particulier a diminué, tandis que le PIB, lui, a progressé. Cela ne prouve-t-il pas qu’il n’y a pas de lien entre consommation d’énergie et croissance économique ?

La consommation d’énergie primaire française est passée de 255 millions de tonnes d’équivalent pétrole (MTep) en 2000 à 265 MTep en 2004 [corr.]. Elle a ensuite décliné légèrement jusqu’en 2008, avant de connaître un trou d’air en 2008-2009, suivi d’un second trou d’air en 2011. Elle a touché un plancher (provisoire ?) en 2012 à 245 MTep. Le PIB français a connu des variations analogues, ces variations ont simplement été plus amorties. C’est tout à fait normal dans la mesure où, heureusement, l’énergie n’est pas le seul facteur de production qui “tire” le PIB. Le travail réalisé avec Zeynep Kahraman, membre du Shift Project, montre que l’efficacité énergétique joue également un rôle majeur, là aussi devant le capital.
Reste que sur le long terme, une relation extrêmement stable existe entre la consommation d’énergie et la croissance du PIB. On retrouve la même très grande stabilité lorsque l’on élargit la perspective non plus dans le temps, mais dans l’espace. Pour des pays importateurs comme la France, l’externalisation de la consommation d’énergie par le biais des importations conduit à sous-estimer l’influence de l’énergie dans l’évolution de la croissance économique. L’estimation de la relation entre énergie et croissance est beaucoup plus fiable à l’échelle mondiale qu’à l’échelle nationale.

Vos travaux aboutissent à une conclusion qui diverge totalement des analyses classiques : “l’élasticité”, c’est-à-dire la sensibilité du PIB par habitant vis-à-vis de la consommation d’énergie, est d’après vous de l’ordre de 60 %, et non de moins de 10 % (soit le coût de la facture énergétique dans la production), comme l’indique la littérature économique habituelle. [ Autrement dit, si la consommation d’énergie augmente de 100 %, la théorie économique conventionnelle prédit que la hausse induite du PIB par habitant se limitera à moins de 10 %. D’après Gaël Giraud, l’observation empirique montre que l’augmentation est en réalité de 60 %, pas moins ! ] Comment justifiez-vous cet énorme écart ?

La raison profonde de cet écart, c’est évidemment le très bas niveau du prix des hydrocarbures, même aujourd’hui.
Beaucoup d’économistes postulent que le marché international de l’énergie est à l’équilibre, et que les prix qui en émergent reflètent les tensions réelles s’exprimant sur ce marché. D’abord quelques remarques sur cette idée d’un équilibre naturel. Le prix de la plupart des énergies fossiles est influencé par celui du pétrole et, tout récemment, du gaz. Or le prix du pétrole, comme celui du gaz de schiste nord-américain, ne résulte pas d’une pure rencontre concurrentielle de l’offre et de la demande. Tous deux sont soumis à diverses manipulations. Il apparaît que le mode de fixation du prix du pétrole spot, livrable à court terme, ressemble davantage à la fixation des taux monétaires du LIBOR qu’aux fictions idéales des manuels d’économie. Nous savons aujourd’hui que ces taux interbancaires du LIBOR ont été sciemment manipulés par diverses banques de la City de Londres, cela durant des années et avec éventuellement la complicité passive de leur régulateur, la banque centrale d’Angleterre. De même, le prix du pétrole est un sujet politiquement très sensible, il n’est pas étonnant qu’il soit soumis à diverses pressions. Par exemple, la chute du prix du pétrole durant la seconde moitié des années quatre-vingt n’est pas étrangère à la stratégie de Washington qui visait à étrangler l’économie de l’URSS [en demandant à l’allié saoudien d’ouvrir ses vannes de brut à fond, NDLR], ce qui a conduit à précipiter la chute de l’empire soviétique. Je ne prétends pas que ce contre-choc pétrolier des années quatre-vingt ait résulté uniquement de cette initiative de l’administration Reagan, mais que l’on mesure, à travers un exemple de ce type d’exemple, la nature en partie géopolitique du prix de l’or noir.
A l’étage supérieur des marchés internationaux, celui des marchés financiers, le prix des futures, les contrats de livraison à terme sur le pétrole est, lui aussi, soumis à des mouvements de capitaux qui n’ont pas grand chose à voir avec la réalité économique de l’énergie, mais qui ont tout à voir avec des stratégies spéculatives mises en place par une poignée de grandes banques d’affaires américaines.
Enfin, concernant le gaz de schiste nord-américain, il fait très certainement l’objet d’un dumping à la baisse, favorisé par des subventions plus ou moins cachées de l’administration américaine.
Il résulte de tout ceci une déconnexion assez forte entre les réalités strictement économiques des hydrocarbures et leurs prix.

Revenons au point clé : le degré d’élasticité du PIB par rapport à l’énergie est selon vous très largement sous-estimé…

Si malgré les remarques liminaires que je viens de faire, vous croyez, comme la plupart des économistes universitaires, que le prix de l’énergie reflète fidèlement l’offre et la demande réelles, et si en plus et surtout, vous postulez que l’industrie des hydrocarbures n’est soumise à aucune contrainte du côté de l’extraction, alors vous concluez tranquillement que l’élasticité du PIB par rapport à l’énergie est proche de la part du coût de l’énergie dans le PIB, ce que l’on appelle son “cost share” en anglais. Soit moins de 10%, en effet. C’est ce raisonnement qui permet à certains de mes collègues économistes, à tort je pense, de prétendre que l’énergie est un sujet marginal et, pour tout dire, un non-sujet.
Admettons un instant, pour les besoins de la discussion, que le prix du pétrole soit vraiment un prix de marché concurrentiel. Même dans pareil cas, il est évidemment faux de prétendre que l’extraction physique des hydrocarbures n’est soumise à aucune contrainte géologique, politique, etc. Or, dès que l’on réintroduit ce type de contraintes, on peut aisément montrer que (même sur un marché purement concurrentiel), il y aura une déconnexion complète entre l’élasticité et la part de l’énergie dans le cost share : les calculs font apparaître des “prix fantômes”, lesquels reflètent la puissance des contraintes extérieures et déforment le cost share à la baisse par rapport à l’élasticité. Cette remarque a déjà été faite depuis longtemps par un physicien allemand, Reiner Kümmel, ainsi que par l’Américain Robert Ayres. Pourtant la plupart des économistes continuent de postuler que l’élasticité de l’énergie est égale à son cost share, c’est-à-dire très faible, sans eux-mêmes y être allés regarder de plus près. Je pense que cela est dû, en profondeur, au fait que beaucoup d’économistes préfèrent regarder des prix et des quantités monétaires plutôt que des quantités physiques. Ce qui est paradoxal, puisque beaucoup de leurs modèles fonctionnent en réalité comme des modèles sans monnaie ! (Je sais, ça vous étonne, mais il faudrait un autre entretien pour expliquer ce point…)
Mes propres travaux empiriques, menés sur près d’une cinquantaine de pays, et sur plus de quarante ans, montrent qu’en réalité l’élasticité du PIB par rapport à l’énergie primaire est comprise entre 40 %, pour les zones les moins dépendantes du pétrole, comme la France, et 70 % pour les Etats-Unis, avec une moyenne mondiale tournant autour de 60 %.

L’élasticité (la sensibilité) du PIB par rapport au capital vous apparaît par conséquent beaucoup plus faible que ce qui est couramment admis.
Quelles conséquences en tirez-vous sur le niveau des prix de l’énergie d’une part, et d’autre part sur la rémunération du capital ?

L’une des conséquences de la réévaluation à la hausse de l’élasticité du PIB par rapport à l’énergie est, en effet, une réévaluation à la baisse de l’élasticité par rapport au capital. D’après les manuels, cette dernière devrait de nouveau être égale au cost share du capital, traditionnellement évalué entre 30 et 40 % du PIB. Je trouve pour ma part des élasticités moitié plus faibles et ce, même en adoptant des définitions empiriques larges du capital, comme celle de Thomas Piketty. On pourrait être tenté d’en déduire que le capital est sur-rémunéré, et que l’énergie est sous-rémunérée. Ce n’est pas forcément faux mais, de mon point de vue, ce type de conclusion continue de raisonner comme si l’égalité de l’élasticité et du cost share devait être vérifiée dans un monde idéal. Or, et c’est un point fondamental, je ne connais pas de démonstration entièrement convaincante de cette égalité. Même si le prix de l’énergie (ou du capital) était fixé sur un marché mondial parfaitement concurrentiel, ce qui n’est nullement le cas en pratique, et même si l’on croit que les compagnies pétrolières ne sont soumises à nulle contrainte externe à leur business (de sorte qu’aucun “prix fantôme” ne viendrait déformer la relation élasticité/cost share, ce qui est une fiction), même dans un tel monde idéal, cette égalité reste encore suspecte. Cela est lié au fait que la micro-économie traditionnelle souffre de nombreuses erreurs internes, approximations et autres court-circuits intellectuels, qui rendent ses conclusions extrêmement fragiles. Un excellent livre, rédigé par un économiste australien, Steve Keen, fait le point sur ces problèmes d’apparence technique mais qui sont, au fond, décisifs pour le débat politique contemporain. J’assure la traduction de ce livre avec Aurélien Goutsmedt, il paraîtra à l’automne prochain (L’Imposture économique, Steve Keen, Ed. de l’Atelier).

Vous estimez qu’il existe une sorte de “force de rappel” entre la consommation énergie et le rythme de croissance du PIB. Les deux apparaissent “co-intégrés”, c’est-à-dire qu’ils seraient voués perpétuellement à revenir l’un vers l’autre, au bout d’un certain temps.
Existe-t-il un lien de cause à effet entre l’énergie disponible et le niveau d’activité économique, ou au contraire du niveau d’activité économique sur la consommation énergie, ou bien encore s’agit-il d’un lien réciproque ?

Cette question a déjà été étudiée abondamment par les économistes spécialisés dans l’énergie. Il n’y a plus de doute, aujourd’hui, sur le caractère co-intégré de l’énergie et du PIB. Mes travaux montrent que la force de rappel entre ces deux grandeurs est telle qu’après un choc exogène (un krach financier, par exemple), ces variables mettent en moyenne un an et demi à retrouver leur relation de long terme. Si vous regardez la séquence 2007-2009, c’est à peu près ce que l’on observe.
Vous posez à juste titre la question de la relation de causalité : est-ce la consommation d’énergie qui cause le PIB ou bien l’inverse ? Là-dessus, même les économistes énergéticiens sont beaucoup plus divisés. Mes travaux avec Zeynep Kahraman penchent clairement en faveur d’une relation causale univoque de la consommation d’énergie primaire vers le PIB, et non l’inverse. Jean-Marc Jancovici avait déjà anticipé ce résultat depuis un moment, en observant par exemple qu’à la suite du krach 2007, la baisse de la consommation d’énergie précède la baisse du PIB dans un nombre important de pays. Comme l’indique le bon sens physique, une relation de causalité ne peut se traduire que par une précédence temporelle de la cause sur l’effet. C’est exactement ce que confirme mon travail.
Il y a beaucoup de malentendus sur cette question de la causalité. La causalité est une notion métaphysique : même la mécanique newtonienne ne prétend pas démontrer que la gravité universelle fait tomber les pommes des arbres ! Tout ce qu’elle peut dire, c’est qu’elle dispose d’un modèle au sein duquel une grandeur appelée force gravitationnelle est supposée se manifester par le mouvement des masses, et que ce modèle n’a jamais été mis en défaut – pour des vitesses faibles par rapport à la lumière, évidemment ! Ici, il en va de même : tout ce que nous pouvons dire, c’est que nous observons une relation empirique entre l’énergie et le PIB, qui peut s’interpréter statistiquement comme une relation causale.

A vos yeux, dans quelle mesure la crise de 2008 pourrait-elle être une sorte de choc pétrolier ?

L’argument est facile à concevoir : en 1999, le baril est à 9 dollars. En 2007, il tourne autour de 60 dollars (avant de s’envoler à 140$ du fait de la tempête financière). Nos économies ont donc connu un troisième choc pétrolier au cours des premières années 2000, de même amplitude que ceux des années 1970, quoique davantage étalé dans le temps. Or ce “choc pétrolier” n’a pas eu l’effet récessif majeur de ceux de 1973 et 1979. Pourquoi ? Certains économistes avancent que cela serait dû à la plus grande flexibilité du marché du travail aux Etats-Unis, dans les années 2000, comparée à celle qui prévalait dans les années 1970, ainsi qu’à la politique monétaire très accommodante menée par la Réserve fédérale américaine (ainsi que par la Banque centrale européenne).
La première explication ne me convainc nullement : elle repose très largement sur le postulat de l’égalité élasticité/cost share, dont j’ai dit combien elle est suspecte. Elle vise de manière trop évidente à légitimer des programmes de flexibilisation tous azimuts du marché du travail, qui ont pourtant montré leur inefficacité. En revanche, la seconde explication se rapproche de ce que vous suggérez. La politique monétaire de taux directeurs très faibles a rendu possible une expansion significative du crédit, elle-même facilitée par la dérégulation financière. Autrement dit, nos économies se sont endettées pour compenser la hausse du prix du pétrole ! Comme le crédit était très bon marché, cela a permis de rendre le choc pétrolier relativement indolore. Dans le même temps, la politique monétaire, la déréglementation et la myopie du secteur bancaire ont aussi provoqué le gonflement de la bulle des subprimes, dont l’éclatement en 2007 a enclenché la crise. Le remède qui a rendu possible d’amortir le choc pétrolier a donc aussi provoqué la pire crise financière de l’histoire, elle-même largement responsable de la crise actuelle des dettes publiques, de la fragilisation de l’euro, etc. Tout se passe donc comme si nous étions en train de payer, maintenant, le véritable coût de ce troisième choc pétrolier.

L’évolution de la consommation d’énergie est, dites-vous, un non-sujet pour la plupart des économistes. D’autres travaux analogues aux vôtres (ceux de Robert Ayres, notamment) aboutissent également à la conclusion que le rôle de l’énergie dans l’économie est totalement sous-estimé. Où en est la prise en compte de votre type d’approche dans la recherche économique et dans la pensée économique en général ? Obtenez-vous un écho auprès de vos confrères, ou bien prêchez-vous dans le désert ?

La communauté des économistes universitaires n’est nullement homogène. Certains continuent de réciter le catéchisme des manuels, dont nous avons pourtant bien des raisons de penser qu’il contient de nombreuses contre-vérités majeures, lesquelles ne sont pas étrangères à l’incapacité d’une partie de la profession à anticiper une crise monumentale comme celle des subprimes, ou encore à imaginer d’autres solutions à la crise européenne que l’approfondissement des programmes de rigueur budgétaire qui, pourtant, nous condamnent à la déflation.
Mais d’autres économistes font un travail remarquable : vous avez cité à juste titre Robert Ayres, il y a aussi des personnes comme Michael Kumhof au FMI [son interview sur ‘Oil Man’], James Hamilton [présentation sur ‘Oil Man’], David Stern, Tim Jackson, Steve Keen, Alain Grandjean, Jean-Charles Hourcade, Christian de Perthuis,… Je suis convaincu qu’au fur et à mesure que la société prendra conscience du rôle vital de l’énergie – ce processus de prise de conscience a déjà commencé –, la première catégorie d’économistes sera contrainte de changer ses dogmes. Le reste appartient à la sociologie du champ académique.

Les contraintes du pic pétrolier et du changement climatique promettent de dessiner un avenir dans lequel la machine économique aura de moins en moins d’énergie à sa disposition pour fonctionner.
Ces deux contraintes impliquent-elles selon vous la fin prochaine de l’économie de croissance ?

Oui, très vraisemblablement. Sans transition énergétique (c’est-à-dire, sans réorientation volontariste de nos forces productives et de nos modes de consommation vers une économie moins dépendante des énergies fossiles), nous ne pourrons tout simplement plus retrouver la moindre croissance durable. Même si certains prétendent aller la chercher avec les dents. Les travaux que j’ai conduits avec Antonin Pottier suggèrent que des économies comme les nôtres ne peuvent connaître, au fond, que trois régimes de moyen terme : une croissance significative accompagnée d’une forte inflation (les trente glorieuses), la déflation (Le Japon depuis 20 ans, l’Europe et les Etats-Unis durant l’entre-deux-guerres), ou bien une croissance molle accompagnée de bulles spéculatives à répétition sur les marchés financiers. L’Europe de l’Ouest est à l’évidence dans le troisième régime, vers lequel nous avons bifurqué au cours des années 1980, à la faveur de la dérégulation financière. La question qui nous est posée aujourd’hui est de savoir si nous voulons poursuivre cette expérience, au prix du creusement des inégalités inouï que nous connaissons et de la destruction à terme du secteur industriel européen par la sphère financière. Ou nous pouvons nous laisser glisser paresseusement dans la déflation (le plus dangereux) comme c’est déjà le cas pour une bonne partie du sud de l’Europe. Ou bien encore, nous pouvons tenter de renouer avec la prospérité. Cette dernière ne coïncide pas avec la croissance du PIB. Comme vous le savez, le PIB est, à plein d’égards, un très mauvais indicateur. Il est temps d’en changer. Le rapport Sen-Stiglitz-Fitoussi ou, mieux encore, les travaux de Jean Gadrey et de Florence Jany-Catrice indiquent des pistes très prometteuses permettant d’aller dans ce sens. Autrement dit, faire croître le PIB n’a guère d’importance. D’où l’inanité des débats sur la croissance verte, qui s’interrogent sur le fait de savoir si la transition est compatible avec la croissance du PIB. La bonne question, c’est : comment opérer la transition de manière à assurer du travail pour le plus grand nombre, et un style de vie à la fois démocratique et prospère ?

L’anthropologue américain Joseph Tainter affirme qu’il existe une « spirale énergie-complexité » : « Vous ne pouvez avoir de complexité sans énergie, et si vous avez de l’énergie, vous allez avoir de la complexité », dit-il. Que vous inspire cette assertion ?

Le parallèle que Tainter propose entre la dépendance de l’empire romain à l’égard de l’énergie pillée chez les sociétés conquises, et notre propre dépendance énergétique me paraît très pertinent. Le colonialisme a constitué – n’en déplaise à certains historiens, tels que Jacques Marseille – une grande opération de captation d’un certain nombre de ressources énergétiques majeures, de la part d’un continent (l’Europe) qui manque cruellement de ressources énergétiques fossiles sur son propre sol. Que notre continent soit plus ou moins condamné au déclin s’il ne réalise pas la transition énergétique, cela également me paraît assez évident. En revanche, je suis moins Tainter sur sa thèse concernant le lien intangible entre la complexité d’une société et son usage de l’énergie. Cette notion de complexité ne risque-t-elle pas de justifier la démission du politique, si elle est comprise comme impliquant que, décidément, les choses sont beaucoup trop complexes pour qu’un gouvernement puisse prétendre décider quoi que ce soit ? Il est vrai, par ailleurs, que la déréglementation financière a provoqué un brouillard d’informations contradictoires (les prix de marchés financiers) qui sèment une énorme confusion sur les tendances économiques lourdes, et paralysent aussi bien les investissements de long terme que la décision politique. En ce sens-là, l’expérience de la déréglementation nous a plongés dans un monde “complexe”, au sens de confus. Mais ce n’est nullement irréversible, et c’est une raison supplémentaire pour ne pas faire dépendre notre prospérité des marchés financiers.
Si l’on suit Tainter, nous serions condamnés, dans la mesure où notre société aurait atteint son “pic de complexité”, au-delà duquel les gains de productivité de la complexité deviendraient négligeables ? Je peux me tromper, mais je suis convaincu, pour ma part, que seules deux régions au monde peuvent lancer la transition énergétique en tant que vaste projet économique et politique : l’Europe et le Japon. En effet, il faut, pour cela, d’excellents ingénieurs et une population à la fois riche et très éduquée. Si l’Europe devient leader dans la transition énergétique et, plus globalement, écologique, alors elle pourra, avec son propre retour d’expérience, exporter auprès du reste du monde son savoir-faire. Sinon, elle sera condamnée à devoir faire la guerre, comme l’empire romain, pour capter l’énergie des autres, ce qu’elle n’a plus guère les moyens de faire. La transition est devant nous : elle est le secret de la prospérité future de l’Europe si, du moins, notre continent se donne les moyens de la mettre en oeuvre.

Assurance emprunteur et résiliation annuelle : c’est reparti

Dimanche 19 février 2017

Alors que le Conseil constitutionnel l’avait retoquée le 16 décembre dans le cadre de la loi Sapin 2, la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur sera effective d’ici quelques jours suite à l’adoption de l’amendement Bourquin par le Sénat début février dans le cadre de la loi de ratification d’ordonnances du Code de la consommation.

Les anciens contrats résiliables dès janvier 2018

Tous les nouveaux contrats d’assurance emprunteur pourront être résiliés à date anniversaire et être substitué par un autre, à condition que les garanties soient équivalentes. Tous les contrats déjà souscrits (le stock est estimé à 6 Md€ de cotisation annuelle) pourront également être résiliés mais à partir du 1er janvier 2018 seulement.

L. 912-1 IV : le voilà

Lundi 13 février 2017

Décret n° 2017-162 du 9 février 2017 relatif au financement et à la gestion de façon mutualisée des prestations mentionnées au IV de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale

NOR: AFSS1631976D
ELI: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/2/9/AFSS1631976D/jo/texte
Alias: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/2/9/2017-162/jo/texte

Publics concernés : partenaires sociaux ; entreprises d’assurance relevant du code des assurances, institutions de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale et mutuelles relevant du code de la mutualité.
Entrée en vigueur : le texte s’applique aux accords conclus ou renouvelés à compter du lendemain de sa publication.
Notice : les accords professionnels ou interprofessionnels peuvent instituer des garanties collectives de protection sociale complémentaire présentant un degré élevé de solidarité et comprenant, à ce titre, des prestations à caractère non directement contributif. Les partenaires sociaux peuvent décider que des garanties seront gérées, de façon mutualisée, pour toutes les entreprises de la branche. Le présent décret a pour objet de définir les modalités selon lesquelles cette gestion mutualisée est mise en œuvre.
Références : le décret est pris pour l’application de l’article 14 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014. Les dispositions du code de la sécurité sociales modifiées par le présent décret peuvent être consultées, dans leur rédaction résultant de cette modification, sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).

Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre des affaires sociales et de la santé,
Vu le code de la sécurité sociale, notamment le IV de l’article L. 912-1 ;
Le Conseil d’Etat (section sociale) entendu,
Décrète :

Article 1

Le titre Ier du livre IX du code de la sécurité sociale est complété par un article R. 912-3 ainsi rédigé :

« Art. R. 912-3. – Lorsqu’ils mettent en œuvre les dispositions du IV de l’article L. 912-1, les accords mentionnés au premier alinéa du I du même article :
« 1° Définissent les prestations gérées de manière mutualisée qui comprennent des actions de prévention ou des prestations d’action sociale mentionnées à l’article R. 912-2 ;
« 2° Déterminent les modalités de financement de ces actions. Ce financement peut prendre la forme d’un montant forfaitaire par salarié, d’un pourcentage de la prime ou de la cotisation mentionnée à l’article R. 912-1, ou d’une combinaison de ces deux éléments ;
« 3° Créent un fonds finançant les prestations mentionnées au 1° et percevant les ressources mentionnées au 2° ;
« 4° Précisent les modalités de fonctionnement de ce fonds, notamment les conditions de choix du gestionnaire chargé de son pilotage par la commission paritaire de branche. »

Article 2

Le présent décret s’applique aux accords conclus ou renouvelés à compter de la date d’entrée en vigueur du présent décret.

Article 3

Le ministre de l’économie et des finances, la ministre des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d’Etat chargé du budget et des comptes publics sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 9 février 2017.

Bernard Cazeneuve

Par le Premier ministre :

La ministre des affaires sociales et de la santé,

Marisol Touraine

Le ministre de l’économie et des finances,

Michel Sapin

Le secrétaire d’Etat chargé du budget et des comptes publics,

Christian Eckert

Retour au Franc et autres fantaisies…

Jeudi 9 février 2017

Ce serait le tiercé calamiteux : après le Brexit et la victoire de Donald Trump, l’élection de Marine Le Pen.

Cette troisième ferait imploser l’Europe fondée sur la réconciliation franco-allemande et l’Alliance atlantique. Hantise des Allemands et début de crainte des marchés financiers : l’écart entre les taux d’intérêt français et allemands à dix ans a doublé en quatre mois pour atteindre 0,78 %. Si Fillon s’effondre pour cause de « Penelopegate » et de programme jugé trop dur, seul restera en lice le jeune Emmanuel Macron pour empêcher l’avènement de l’extrême droite.

Trop longtemps, les Français se sont crus protégés du Front national, par ses origines vichystes et la folie de son programme dans un monde ouvert. Mais la donne a changé. D’abord, l’effort de dédiabolisation poursuivi par Marine Le Pen finit par être efficace auprès des moins avertis. On peut expliquer que, en citant de Gaulle, elle pense Pétain, peu importe la véracité du reproche : il ne porte plus vraiment.

Ensuite, les vents lui sont favorables : comment expliquer que la France court au désastre avec Le Pen, alors qu’elle suit presque naturellement le mouvement enclenché non seulement par Vladimir Poutine et les démocraties illibérales hongroises et polonaises, mais aussi par les anciens phares du monde libre, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ?
Trump fait pire que Le Pen sur le plan des valeurs et brise toutes les règles de la mondialisation économique régulée. Avec le Brexit, le Royaume-Uni a violé un tabou d’appartenance. Il donne le sentiment que sortir de l’UE est bénin, même si le cas britannique est spécifique, ce pays n’appartenant ni à l’euro ni à Schengen. Marine Le Pen, surfant sur les difficultés françaises indéniables, prétend faire comme les autres. Tout simplement.

L’expérience le montre avec Trump, les populistes tiennent leurs promesses. Pour mieux contrer le FN, il faut donc le prendre au mot. L’alpha et l’oméga du programme de Mme Le Pen tiennent dans son engagement de campagne numéro 1 (sur 144) : « Retrouver notre liberté et la maîtrise de notre destin en restituant au peuple français sa souveraineté (monétaire, législative, territoriale, économique). Pour cela, une négociation sera engagée avec nos partenaires européens suivie d’un référendum sur notre appartenance à l’Union européenne. » La consultation aura lieu six mois après la présidentielle, a précisé Le Pen, qui prône le « rétablissement d’une monnaie nationale adaptée à notre économie ». Traduction : sortir de l’euro et revenir au franc dévalué.

Cette sortie de l’euro ne se ferait pas à froid, puisqu’elle suivrait le référendum français. Les marchés financiers vont donc anticiper une dévaluation. Demain vos euros vaudront un tiers de moins, quel beau slogan ! La panique sera complète : dès le printemps, chaque Français doté de jugeote ira ouvrir un compte en banque en zone mark tant qu’il en est temps et entassera des euros sous son matelas comme on le fait avec les dollars en Amérique latine. Résultat mécanique de cette fuite des capitaux, une envolée des taux d’intérêt.

On a déjà connu cela, c’était après les errements de mai 1981. Logiquement, Marine Le Pen imposera un contrôle des changes, comme à l’époque de Jacques Delors. Elle pourrait aussi bloquer les comptes d’assurance-vie des Français, dont la valeur s’effondrera avec la hausse des taux. Michel Sapin a justement fait adopter une loi en ce sens, mais Marine Le Pen a promis de l’abroger. Dans ce cas, seuls les initiés récupéreront leur argent à temps, et tant pis pour les personnes modestes et peu informées qui découvriront, un peu tard, que leur assurance-vie ne vaut plus rien.

Certes, mais dévaluer, c’est bon pour les exportations, assure le FN. C’est exact surtout pour un pays comme la France, qui exporte des produits très sensibles au rapport qualité-prix. Mais il existe deux contreparties violentes : les importations, pétrolières et de produits manufacturés, qui vont se renchérir et saper d’autant le pouvoir d’achat des Français. L’économiste Patrick Artus nous prédit 5 points d’inflation supplémentaires. L’affaire coûte 75 milliards d’euros, que ne compenseront pas les 40 milliards d’euros de pouvoir d’achat que prétend rendre Marine Le Pen aux Français.

Second sujet, les dettes : ce sujet n’existait pas dans les années 1990, la dette étant essentiellement détenue par les résidents. A l’époque, on se dévaluait entre soi. En 2017, Etat, particuliers, entreprises et banques devront rembourser aux non-résidents plus de 300 milliards d’euros brut, nous explique Artus.

Les entreprises tenteront de rembourser en pauvres francs, mais elles se verront saisir leurs biens dès qu’elles mettront le pied à l’étranger. Il en ira de même pour toutes les banques françaises, qui prétendront honorer leurs prêts interbancaires en pauvres francs. Pour les emprunts d’Etat, le FN prétend que la loi décidera que les remboursements se feront en francs. Il peut le faire, mais les agences de notation déclareront la France en faillite, laquelle sera incapable de se financer sur les marchés. Bref, un scénario argentin.

Marine Le Pen croit avoir trouvé la martingale dans sa proposition numéro 43 : « Sortir de la dépendance aux marchés financiers en autorisant à nouveau le financement direct du Trésor par la Banque de France. » Merveilleuse planche à billets. In fine, les Français se retrouveront noyés dans des billets de Monopoly, qu’ils essaieront de convertir en devises, d’investir dans la pierre ou de consommer. A la clé, dévaluation ou inflation. Comme le résume Benoît Cœuré, numéro deux de la BCE, sortir de l’euro, ce serait faire le choix de l’appauvrissement.

(source : lemonde)