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COUVERTURE SANTÉ ET AVANTAGE RETRAITE

Mercredi 28 mai 2014

VOICI UNE DÉCISION TRÉS IMPORTANTE RENDUE PAR LA CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION LE 20 MAI DERNIER.

Cet Arrêt est appelé à recevoir un large retentissement (il est marqué FS-P + B + R) car il tranche une question cruciale.

La participation des employeurs au financement des couvertures santé des retraité ne constitue pas un « avantage retraite » insusceptible d’être remis en cause. Par conséquent, ce financement mis en place par décision unilatérale peut donc être remis en cause par un accord collectif de substitution postérieur.

Cette décision permettra aux employeurs de continuer à exécuter leurs obligations (et éventuellement celles issues de l’article 4 de la loi Evin) et à financer les couvertures santé des retraités sans craindre de ne plus jamais pouvoir bouger le curseur à la hausse ou à la baisse.

Elle permettra aussi et SURTOUT aux branches de mettre sereinement en place des mécanismes de solidarité en direction des anciens salariés tels qu’ils peuvent être envisagés dans le cadre des régies de branche visés par le nouvel article L. 912-1 du CSS.

Je voudrais revenir, à l’occasion de cette décision, sur la spécificité des régimes de protection sociale au regard de la notion d’ »avantage retraite » et en profiter pour ramener à sa juste mesure le principe d’ »intangibilité des retraites » qui est invoqué à l’excès au risque d’enlever toute souplesses aux mécanismes de transferts intergénérationnels.

1. Retours sur le prétendu principe d’intangibilité des retraites

Contrairement aux idées communément répandues, c’est bien plutôt un « principe de tangibilité » qu’il y a lieu de déceler dans les règles de modification des régimes de retraite et non un hypothétique principe d’intangibilité, éternellement invoqué par les plaideurs retraités… et tout aussi éternellement écarté par les juges et le législateur.

* Dans les régimes légaux, aucune norme supérieure ne vient contredire la plus large capacité de la loi à remettre en cause la situation des retraités par application d’une nouvelle disposition législative.

Dans sa décision n° 94-348 DC du 3 août 1994, le Conseil constitutionnel a rappelé de la manière la plus claire qu’ »aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantit « l’intangibilité des droits à retraite liquidés »(CE 29 Juillet 1994, RJS 10/94 n° 1188 p. 701).

Le Conseil Constitutionnel reconnaît ainsi au législateur la plus large latitude pour mettre en oeuvre la politique sociale et en déterminer les modalités et les prestations, lui reconnaissant notamment la liberté de les modifier et au besoin de les réduire nonobstant le versement des cotisations (ex : C.C. 23 Janvier 1987 n°86-225 DC, Rec. CC p. 13 – C.C. 13 Août 1993 n° 93-325 DC, Rec. CC p. 224).

La loi n°93-936 du 22 juillet 1993 (art. L. 351-11 et R. 351-29 CSS) a ainsi réduit les prestations retraite en modifiant- y compris pour les retraites liquidées – le mode de calcul des revalorisations désormais indexées sur les prix et non plus sur les salaires.

Par la suite, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999 a à nouveau modifié ce mode de calcul, toujours à la baisse et toujours sur les pensions déjà liquidées. Depuis, il n’est pratiquement pas une loi de finance de la SS qui ne revienne peu ou beaucoup sur la situation des retraités d’une manière ou d’une autre.

* Cette situation ne fait cependant pas le lit du principe de sécurité juridique (qui existe bien, celui-là).

Les décisions relatives au régime général rappellent régulièrement que les pensions de vieillesse sont attribuées en fonction d’un statut légal qui ne peut être aménagé par accord des parties.

Une fois liquidée, la pension des régimes de base est définitive… ce qui ne veut pas dire intangible.

La liquidation ne s’oppose en rien à l’application immédiate de dispositions nouvelles aux retraités en cas de changement de la législation.

Ainsi que le rappelle le Professeur LANGLOIS : « lorsque l’on parle de l’intangibilité des droits à pensions liquidés dans les régimes légaux on se réfère à l’opération retraçant la carrière du salarié… le principe en cause n’a rien à voir avec l’évolution de la réglementation et son opposabilité au retraité dont les droits sont liquidés. » (Ph. LANGLOIS, « Les effets d’un accord révisant un régime complémentaire obligatoire », Droit social Avril 2000, p.412).

* Les mêmes principes sont à l’œuvre dans les régimes d’entreprise.

L’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale dispose :

« … Les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayant droit en complément de celles qui résultent de l’organisation de la sécurité sociale, sont déterminée soit par voie de convention ou d’accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d’un projet d’accords proposé par le chef d’entreprise soit par une décision unilatérale du chef d’entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé. »

L’article L. 911-3 du code de la sécurité sociale précise :

« Les dispositions du Titre III du livre Ier du code du travail sont applicables aux conventions et accords collectifs mentionnés à l’article L. 911-1. … »

par la suite la jurisprudence a eu l’occasion de préciser que, quel que soit le mode de création du régime de retraite, il pouvait indifféremment être modifié par voie de referendum ou d’accord collectif (Cass. soc. 10 février 1999).

La jurisprudence a également reconnu la représentativité des syndicats à l’égard des retraités, l’opposabilité à leur égard des accords modifiés (Cass Soc 23 novembre 1999) et la capacité desdits accords à réduire les droits des retraités – y compris les pensions liquidées.

Cependant, les partenaires sociaux ne sont pas libres d’agir à leur guise. Ils agissent dans un cadre contrôlé par le juge.

C’est parce qu’ils sont les garants de l’intérêt collectif que les syndicats trouvent leur légitimité à assurer la gestion et la modification des régimes de retraite.

C’est ainsi que dans son jugement Desmaison/AGIRC du 2 Décembre 1996, le TGI de Paris rappelle à propos de la représentativité des syndicats :

« Attendu que … les syndicat représentatifs qui ont le monopole de la conclusion des accords collectifs, ne représentent pas lors de la négociation, la somme des intérêt individuels de leurs membres mais l’intérêt de l’ensemble de la collectivité visée dans leurs statuts… ».

La jurisprudence a confirmé cette orientation.

Dans l’Arrêt du 23 Novembre 1999 (dit Arrêt AGIRC) c’est bien de tangibilité qu’il s’agit lorsque les termes de l’Arrêt précisent :

« … il incombe aux institutions de retraite complémentaires d’assurer en permanence l’équilibre financier des régimes qu’elles gèrent et… elles doivent, conformément à l’article L. 732-4 ancien du code de la sécurité sociale, dont les termes sont reprise par l’article L. 911-22 du même code, adopter les dispositions pour définir de nouvelles modalités assurant la sauvegarde des droits de leurs adhérents… »

De même, le Conseil d’Etat a rejeté les prétentions des retraités dans le contentieux de l’intégration du régime du personnel des organismes de sécurité sociale (CPOSS) tendant à l’annulation des accords du 24 décembre 1993 (cf. CE 8 novembre 1996, Droit Social février 1997 p. 182, TGI Paris 13 février 1996 trois décisions, C. Paris 16 septembre 1998, RG n° 1996/07858 et 1996:12080).

Pour l’application de mesures de réduction des prestations, les accords de 93 avaient établi a postériori une distinction entre les retraités ayant pris leur retraite avant le 1er avril 1983 et ceux ayant pris leur retraite postérieurement à cette date.

Les retraités et associations de retraités invoquaient d’une part un droit acquis au mode de calcul de la pension et d’autre part une rupture d’égalité. Le Conseil d’Etat les a déboutés de leurs demandes :

« Suivant les stipulations de l’article 43 de la CCN de prévoyance du 12 septembre 1947, les prestations accordées ne sont garanties que dans la mesure ou les recettes prévues sont suffisantes, et peuvent être diminuées si besoin est; il résulte clairement de ces stipulations qu’elles faisaient obstacle à la naissance de droits acquis au profit des salariés ou retraités auxquels la convention était applicable. Par suite les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le protocole critiqué porterait atteinte à des droits acquis. »

Enfin, la Cour de Cassation l’a très clairement confirmé dans son Arrêt du 31 mai 2001 (Buffière et autres / AFB et autres) :

« Attendu qu’il incombe aux partenaires sociaux chargés de la gestion des institutions de retraite complémentaires, d’assurer en permanence l’équilibre financier des régimes de retraite complémentaire en adoptant les mesures qui assurent la sauvegarde des droits de leurs adhérents; qu’il en résulte qu’après avoir écarté à juste titre toute notion d’intangibilité des prestations, la cour d’appel a exactement décidé que les mesures prises qui garantissent les principes de solidarité, d’égalité et de proportionnalité, étaient conformes aux règles légales. »

* Ainsi, si la transformation est possible et librement effectuée par les partenaires sociaux, elle doit s’inscrire dans un cadre strict :

- L’égalité.
- La solidarité.
- La proportionnalité.

Si, dans l’arrêt du 23 novembre 1999, les Juges sanctionnent les partenaires sociaux ce n’est pas parce qu’ils ont modifié les droits des retraités postérieurement à la liquidation mais parce qu’en réduisant les pensions de retraite d’une certaine catégorie seulement, ils ont fait entorse aux exigences d’égalité et de proportionnalité.

Les gestionnaires de régimes par répartition par points ne peuvent en aucun cas:
« remettre en cause le nombre des points acquis par les participants dont la retraite a été liquidée… l’application d’un pourcentage de service aux points attribués gratuitement aux participants ayant élevé trois enfants et plus équivaut à une diminution du nombre de points acquis par cette catégorie de retraités… »

La Cour de Cassation a ainsi pu déceler dans les principes de fonctionnement même des régimes par répartition AGIRC/ARRCO l’impossibilité de « remettre en cause le nombre des points acquis par les participants dont la retraite a été liquidée… ».

En revanche, c’est par application du principe de solidarité qu’elle a pu, dans le même arrêt, accueillir la réduction de la pension de l’ensemble des retraités par application d’un « pourcentage de service ».

Il faut probablement entendre la notion de solidarité entre les générations, non seulement par la solidarité inter-groupe entre actifs et retraités mais aussi par la solidarité intra-groupe, actifs/actifs entre générations d’actifs (rappelons que 40 ans séparent aujourd’hui les plus jeunes actifs des plus vieux) ou retraités/retraités entre générations de retraités (rappelons que 40 ans séparent aujourd’hui les plus jeunes retraités des plus vieux).

2. La notion d’avantage retraite

* Une fois de plus cette situation ne fait cependant pas le lit du principe de sécurité juridique puisque cette « tangibilité » du droit à retraite trouve sa limite lorsque la promesse initiale non garantie s’est transformée en une obligation irrévocable, à défaut de l’accord du retraité.

Ainsi, au terme d’un Arrêt du 28 mai 2002 (Association Sainte Marie) la Cour de Cassation a expressément exclu la possibilité pour l’employeur de revenir :

- avant et après la liquidation de la pension, sur la part du régime financé par les cotisations du salarié ;

- après la liquidation, sur la rente viagère financée exclusivement par l’employeur.

Il n’est pas inutile de préciser que l’arrêt est notamment rendu au visa de l’article 1134 du code civil.

En effet, nul besoin d’invoquer un principe immanent d’intangibilité descendu d’on ne sait quelle Olympe, pour constater que la Cour de Cassation s’en tient à la stricte application du droit des obligations.

il ne pouvait en être autrement :

- s’agissant de l’impossibilité de revenir sur la part de rente financée par le salarié, le paiement de cotisations par le salarié transforme la promesse unilatérale de retraite faite par l’employeur en un rapport synallagmatique d’obligations croisées qu’il n’est pas possible de modifier sans l’accord des deux parties.

- s’agissant de la part de rente financée par l’employeur, dés lors que le versement de la pension est conditionné à la présence du salarié dans l’entreprise au moment de la liquidation, ce n’est qu’à cet instant que se cristallise à la charge de l’employeur une promesse unilatérale à caractère viager.

L’article D. 242-1 du CCS, qui définit les caractéristiques des opérations de retraite précise :

« Les opérations de retraite … sont celles organisées par des contrats d’assurance … Ces contrats ont pour objet l’acquisition et la jouissance de droits viagers personnels payables à l’assuré, … soit par l’acquisition d’une rente viagère différée, soit par la constitution d’une épargne qui sera obligatoirement convertie en rente viagère. »

En droit civil comme en droit du travail, il n’est pas possible à la partie qui s’oblige de remettre en cause une obligation unilatéralement consentie lorsqu’elle est à durée déterminée, sans recueillir l’accord du bénéficiaire.

Ainsi que le précise la cour de Cassation dans son Arrêt du 6 juin 2007 (Cass. soc. 6 juin 2007, Acte vie) :

« Un employeur ne peut revenir sur un engagement qu’il a pris à l’égard de ses salariés en le dénonçant régulièrement, que si cet engagement est à durée successive et qu’aucun terme n’a été prévu. »

Une obligation unilatérale dont le terme est constitué par le décès du bénéficiaire (ou de son conjoint), ne saurait donc faire l’objet d’une remise en cause par l’effet de la seule volonté de la partie qui s’oblige… fut-elle l’employeur.

Dés lors que le caractère viager de la rente constitue l’une des caractéristiques de l’opération de retraite, telle qu’elle est définie par l’article D. 242-1 du code de la sécurité sociale, il apparaît impossible de remettre en cause son versement postérieurement à la liquidation qui marque le jour ou se réalise la condition suspensive de présence dans l’entreprise au moment de la liquidation.

Inversement, toute promesse dont la condition suspensive n’est pas réalisée (c’est le cas pour l’ancien salarié qui n’a pas encore liquidé sa retraite), tout engagement qui n’emporte pas un préfinancement du salarié ou qui n’acquiert pas un caractère viager (c’est le cas des revalorisations) peut être valablement remis en cause :

- soit par un accord collectif de substitution (Cass. soc. 17 mai 2005, Naphtachimie) opposables aux anciens salariés.

- soit par une dénonciation régulière de l’engagement unilatéral (Cass. soc. 12 avril 2005, Unibail) également opposable aux anciens salariés.

* Jusqu’à présent, c’était parce qu’elle caractérisait l’existence d’une obligation viagère que la cour de Cassation en déduisait l’existence d’une prestation de retraite.

L’Arrêt rendu le 30 novembre 2004 par la chambre sociale (Tréfileurope) laisse penser qu’elle envisage désormais de procéder dans l’autre sens : c’est parce qu’elle caractérise une prestation de retraite qu’elle en déduit ensuite son caractère viager.

Il n’est pas inutile d’indiquer que cette décision a fait l’objet d’un commentaire unanimement critique de la part de la doctrine, y compris de la part de Madame Pellessier-Loevenbruck et Monsieur Morvan que les requérants citent complaisamment.

Nous en citerons quelques extraits (P. Morvan):

« .. quelques analyses sont en rupture totale avec la réalité sociale ou économique dont les magistrats semblent n’avoir parfois qu’une brumeuse connaissance (cf. la jurisprudence surréaliste… qui lie l’employeur par un engagement perpétuel exorbitant aux retraités de l’entreprise) ».

La tache des magistrats n’était cependant pas aisée puisqu’il leur incombait de qualifier la nature juridique d’une prime déterminée, directement versée par l’employeur à son ancien salarié retraité, postérieurement à son départ de l’entreprise, alors que tout lien de travail était rompu et en l’absence de tout élément permettant d’identifier l’intention des parties.

Il n’est cependant pas nécessaire d’encombrer la lecture de la Cour de céans en développant une longue et vigoureuse critique de cette jurisprudence qui ne s’applique pas à la situation de l’espèce.

En effet, à la différence d’une prestation de retraite qui revêt par nature un caractère viager, c’est exactement l’inverse pour une prestation de santé : elle ne peut revêtir qu’un caractère temporaire.

3. Le finacement d’une couverture santé ne constitue pas un « avantage retraite »

* Contrairement à une prestation de retraite dont l’horizon est nécessairement le décès du bénéficiaire ou de son conjoint survivant, une prestation santé a vocation à se trouver remise en cause à chaque renouvellement de la relation contractuelle qui se noue entre :

- l’entreprise et l’organisme assureur.
- l’assuré retraité et l’organisme assureur.

* C’est la raison pour laquelle la même chambre de la Cour de Cassation, statuant à un mois de distance, a pu tout à la fois et sans contradiction :

- accueillir la demande des retraités, en considérant que la CE IDF n’a pas pu valablement dénoncer le paiement d’une prime aux retraités (cette décision n’a pas manqué de faire à nouveau l’objet de commentaires très critiques de la part de la Doctrine, cf C. RADE, Lexbase hebdo 4 juin 2009, n° 353 ; G. VACHET, Semaine Juridique septembre 2009 n° 1409 ; P. LANGLOIS, Droit Social décembre 2009, p. 1262).

Et

- débouter la demande des retraités, en considérant qu’un accord collectif de substitution a valablement pu modifier le montant de la cotisation des retraités à leur couverture santé.

C’est ainsi que par un arrêt en date du 7 Avril 2009, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a clairement confirmé qu’une entreprise pouvait remettre en cause sa participation au financement du régime frais de santé de ses anciens salariés retraités …. au même titre que la CE IDF vient de le faire :

« Vu l’article 1134 du code civil, ensemble l’article 6 de l’accord collectif d’entreprise relatif au régime de santé des salariés de la société Organon du 24 mai 2004 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Arquoit a été employé par la société Organon du 2 novembre 1959 au 30 avril 1997, date à laquelle il a été mis à la retraite ; qu’il a bénéficié à sa demande des dispositions de l’article 5 § 1A d’un accord d’entreprise du 6 mai 1988 prévoyant pour le personnel licencié à partir de 60 ans et atteignant 37,5 années de cotisations de sécurité sociale, le bénéfice du régime de garanties maladie-chirurgie moyennant une cotisation de 1% du plafond annuel de la sécurité sociale ; qu’à la suite d’opérations de fusion absorption, un accord d’entreprise de substitution relatif au régime de santé des salariés de la société Organon a été conclu le 24 mai 2004 ; que faisant valoir que le montant des cotisations était supérieur à celui prévu par l’accord de 1988, M. Arquoit a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir notamment le remboursement des cotisations ou à défaut la condamnation de la société Organon au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour condamner l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour non respect de l’accord du 6 mai 1988, la cour d’appel a retenu que l’accord d’entreprise du 24 mai 2004, dont l’objet était d’harmoniser les régimes de santé des actifs applicables à l’ensemble des personnels de la société Organon, ne pouvait avoir pour effet de faire perdre à M. Arquoit, dont le contrat de travail était rompu depuis le 30 avril 1997 par l’effet de sa mise à la retraite, le bénéfice des avantages du régime de garanties maladie et chirurgie résultant de l’accord d’entreprise du 6 mai 1988 au taux de cotisation tel que prévu par cet accord ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’article 6 de l’accord de substitution du 24 mai 2004 prévoit que les dispositions de cet accord se substituent de plein droit aux régimes frais de santé en vigueur au sein de la société pour les actifs et les retraités, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; » (Cour de Cassation Chambre Sociale 7 Avril 2009 ARQUOIT c ORGANON, n°07-42795).

Ainsi que la jurisprudence le distingue très clairement, il n’y a rien de commun entre la situation d’un employeur qui continue par delà la rupture du contrat de travail à verser une prime individuelle à chacun de ses anciens salariés retraités, emportant continuation d’un rapport contractuel direct et personnel entre un employeur et chacun de ses salariés, et le financement de la couverture santé des retraités qui ne constitue pas un avantage retraite.

La présente décision de la Cour de Cassation vient donc lever définitiviement une ambiguïté.

C’est heureux car une décision inverse aurait purement et simplement arrêté tout mécanisme de financement des couvertures santé des retraités tant au niveau des entreprises – même s’il n’y en a plus beaucoup – qu’au niveau des branches. Et c’est à ce niveau qu’il convient à présent de travailler sur la base du nouvel article L. 912-1 du Code de la sécurité sociale, pour mettre en place des systèmes de mutualisation souples permettant aux anciens salariés les plus modestes de continuer à bénéficier d’une couverture santé.

Cass. Soc. 20 mai 2014

APRÈS LES EUROPÉENNES

Lundi 26 mai 2014

Il faut remettre le résultats d’une élection dans le contexte de la situation de moyen terme d’une région du monde. Voici quelques mots de Jean Pisani-Ferry (commissaire général à la stratégie et à la prospective) qui illustrent bien le sujet :

L’idée que la croissance va revenir graduellement fait consensus au sein des gouvernements. Mais d’autres hypothèses sont développées, telle celle d’une « stagnation séculaire ».

Pour la plupart des gouvernements, savoir quel taux de croissance économique il est raisonnablement possible d’espérer pour les années à venir est une question primordiale. Et, au moins pour les pays avancés, c’est une question à laquelle il est devenu particulièrement difficile de répondre.

Si l’avenir est à l’image du passé récent, les perspectives sont mauvaises. Depuis 2008, la croissance a été régulièrement inférieure aux prévisions. Parmi les pays les plus affectés par la crise financière, seuls quelques-uns – les USA, l’Allemagne et la Suède – se sont solidement installés sur le chemin d’une croissance dynamique. Pourtant même pour eux, le PIB de 2013 a été largement inférieur aux prévisions faites avant la crise.

Économistes et responsables politiques s’accordent toutefois sur l’idée que si la crise financière et la crise de l’euro ont affecté à la fois l’offre et la demande, la reprise va graduellement s’affermir.

Selon cette analyse, endettement privé et endettement public vont encore peser pendant quelque temps sur la demande intérieure, mais la situation devrait s’améliorer graduellement à mesure que diminuera le poids des dettes passées. Peu à peu les consommateurs vont accroître leurs dépenses (comme cela commence à être le cas aux Etats-Unis) tandis que la politique budgétaire redeviendra neutre (ainsi qu’on le voit déjà en Allemagne).

Du côté de l’offre, la crise a affecté la croissance potentielle parce que les entreprises ont diminué leurs investissements, ce qui freine l’introduction des nouvelles technologies. C’est particulièrement visible en Europe et dans certains cas, comme au Royaume-Uni, la baisse des salaires et la facilité de licencier des salariés ont encouragé les entreprises à remplacer le capital par la main d’œuvre, réduisant ainsi la productivité par travailleur. Le dysfonctionnement du secteur financier et la réticence à aggraver la situation sociale ont aussi retardé le remplacement des entreprises les moins productives par de nouvelles entrantes plus efficaces.

Il en est résulté un ralentissement marqué de la productivité, quand ce n’est pas une baisse : au Royaume-Uni il a fallu davantage d’heures de main d’œuvre par unité de production en 2013 qu’en 2007. Ici aussi, la vision dominante est que ces phénomènes vont perdurer quelque temps encore avant de s’atténuer, à mesure que les entreprises renouvelleront leur équipement et accéléreront le rythme de l’innovation.

Mais l’idée que les pays avancés sont sur la voie de la reprise est contestée, tant du côté de l’offre que de la demande. En ce qui concerne cette dernière, Larry Summers, l’économiste de Harvard qui a occupé des postes à responsabilité dans l’administration américaine sous les présidents Clinton et Obama, a récemment suggéré que les pays avancés pourraient bien connaître une phase de « stagnation séculaire ».

Il estime que l’endettement qui a précédé la crise n’était pas une anomalie exogène, mais la conséquence d’une demande structurellement insuffisante. La distribution mondiale des revenus a évolué au détriment de la classe moyenne des pays avancés et au profit des plus riches et des pays émergents, créant un excédent d’épargne généralisé. Le seul moyen d’éviter la stagnation a été de pousser les classes moyennes à s’endetter davantage, grâce à des taux d’intérêt faibles et à un laxisme dans la réglementation du crédit.

Autrement dit, la surabondance d’épargne (« the savings glut » ainsi que l’avait qualifiée l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke) était antérieure à la crise et pourrait donc continuer à peser sur la demande, à moins que les classes moyennes des pays émergents ne deviennent les nouveaux consommateurs de dernier ressort de l’économie mondiale. Cela va sans doute arriver, mais en dépit de tous les efforts entrepris par les Etats-Unis et le FMI dans le cadre du G20, ce rééquilibrage n’est pas encore achevé.

En ce qui concerne l’offre, un désaccord quant au rythme du progrès technique s’est fait jour entre, d’une part, les économistes spécialistes de la question et, d’autre part les experts en matière de technologie. Pour Robert Gordon de l’université Northwestern, les technologies de l’information et de la communication ont déjà apporté l’essentiel de ce que l’on pouvait attendre d’elles en termes d’amélioration de la productivité ; aucune vague d’innovation majeure susceptible de compenser la baisse de la croissance potentielle n’est en vue. Les pays à la traîne sur le plan technologique peuvent encore espérer doper leur productivité et leur taux de croissance en rattrapant leur retard, mais les pays qui sont à la pointe de la technique devraient admettre qu’un très faible taux de croissance par habitant – à peine supérieur à 1% par an – constitue la nouvelle norme.

A l’opposé, deux experts du MIT, Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, estiment que nous sommes à l’aube du « Deuxième âge de la machine » (le titre de leur livre). Selon eux, la puissance toujours croissante des ordinateurs, la connectivité au niveau planétaire et un potentiel d’innovation presque illimité grâce à la recombinaison de processus existants vont entraîner des transformations majeures de la production et de la consommation, de la même manière que la machine à vapeur a transformé le monde au XIXème siècle. Aussi la croissance est appelée à s’accélérer, en tous cas si elle est mesurée convenablement.

Que peut-il se passer si le consensus sur la reprise graduelle est erroné et que les voix dissonantes disent le vrai ? Si Gordon a raison de pronostiquer que la productivité ne va guère augmenter, le surendettement hérité de la crise et des déboires budgétaires va durer plus longtemps que prévu. Si par ailleurs Summers a raison de penser que la demande est condamnée à stagner, la combinaison de difficultés financières persistantes et d’un chômage de masse pourraient entraîner les gouvernements vers des solutions radicales : la reconnaissance de l’insolvabilité, l’inflation ou le protectionnisme financier.

Si au contraire Brynjolfsson et McAfee ont raison, la croissance sera bien plus conséquente et l’on oubliera rapidement la question des dettes. Le défi sera plutôt de faire face aux conséquences de la réduction de la demande de main d’œuvre moyennement qualifiée et de l’accroissement des inégalités de revenus dues aux technologies émergentes. Ce sera particulièrement vrai si ces transformations se font dans le contexte d’une insuffisance de la demande et d’un chômage de masse persistant, comme annoncé par Summers. Si les progrès techniques donnent l’impression de profiter exclusivement aux riches et d’accroître les difficultés de la majorité, les problèmes sociaux pourraient devenir ingérables. Face à un tel scénario, les gouvernements seraient sans doute amenés à sortir de l’attirail traditionnel des mesures de politique économique.

Des scénarios comme ceux-là peuvent sembler irréalistes. Ils n’ont évidemment rien de certain. Mais s’ils déconcertent, ils forcent aussi à réfléchir. Les dernières années nous ont appris, ou rappelé, que le champ des possibles était plus vaste qu’on ne le pensait.

Le parcours du combattant de Jacques de Baudus mérite d’être partagé (à défaut du diagnostic)

Vendredi 9 mai 2014

UN PARCOURS DE SOINS…
PUBLIÉ LE 2 MAI 2014 PAR REDACTION DANS LE BLOG DE JACQUES DE BAUDUS AVEC 0 COMMENTAIRE
Le parcours de soins, les frais de santé sont des sujets d’actualité récurrents. Jusqu’à présent, je les suivais comme n’importe quel observateur ou organisateur de colloques professionnels. Et puis m’est arrivée la petite aventure suivante…

Depuis plusieurs années, je souffre chroniquement d’inflammations affectant les membres inférieurs. Je traitais généralement le problème avec quelques comprimés de Voltarène accompagnés de Paracétamol et en deux ou trois jours, tout était rétabli.

Début mars, nouvelle alerte, sauf que cette fois-ci, mon auto-thérapie dysfonctionne. Le mardi 11 mars, je me rends chez mon généraliste. Je peux à peine marcher : mes deux genoux me font atrocement souffrir à chaque fois que je les plie ou les déplie, ce qui est, on en conviendra, particulièrement handicapant pour tout acte de la vie quotidienne pédestre.

Mon généraliste reste sceptique devant mon cas. Il propose qu’un collègue rhumatologue officiant dans le même cabinet m’examine.

Après m’avoir fait exécuter quelques pas puis pratiqué quelques observations, le rhumatologue rend son verdict :

- Vos genoux ne sont ni chauds ni liquides. Je suis formel : vous êtes victime d’une intoxication pharmaceutique.

Le diagnostic est étonnant et je lui demande à quel type d’intoxication il pense.

- Il n’y a que trois possibilités : soit une réaction à un antibiotique ?

Je n’en prends pas.

- Soit une allergie à un traitement contre le cholestérol ?

Je n’en prends pas non plus.

Je sens le médecin presque satisfait. Il se carre dans son fauteuil avant d’affirmer, sûr de lui :

- Alors vous vous empoisonnez avec des génériques.

Depuis des années, je suis traité contre une hypertension artérielle et un diabète de type 2 pour lesquels effectivement je consomme des génériques qui me sont notamment prescrits par le généraliste que je viens de quitter. Je suis quand même très étonné par l’assurance avec laquelle ce praticien dénigre les génériques, allant jusqu’à évoquer « un scandale d’Etat de grande envergure ! » On sait à quel point l’enjeu est important pour les laboratoires pharmaceutiques lesquels organisent des campagnes de lobbying intenses pour lutter contre cette concurrence. Mais où est la part de vrai ? Mon généraliste est informé par son confrère du mal dont je souffre et de la cause de mes douleurs. Quelle réaction aura celui qui m’ordonnance ces génériques depuis des années ? Il hausse les épaules et s’en retourne à ses consultations les mains dans les poches… Dès lors, le rhumato me prescrit un corticoïde, « non substituable » à prendre pendant six jours au terme desquels tout ira bien.

A la pharmacie où je suis venu chercher le remède miracle, j’apostrophe le potard, que je connais bien, allant jusqu’à le traiter d’assassin pour m’avoir délivré des génériques responsables de mon état !

- Votre rhumato est un âne ! m’affirme l’apothicaire. Comment peut-il établir un tel diagnostic sans avoir préalablement ordonné des prises de sang, des radios, des IRM… ?

Je ne suis pas loin de partager cet avis mais si la cortisone peut me soulager, je suis preneur.

- Qui plus est, renchérit le pharmacie, vous êtes diabétique et la cortisone va exploser votre glycémie. Faîtes attention !

Faire attention ? Je m’apprête à suivre une prescription médicale ordonnée par un spécialiste avec la bénédiction tacite de mon généraliste. Je ne peux qu’être confiant…

Après six jours de traitement, l’amélioration est plus que notable. J’aborde le week-end avec sérénité et optimisme. Hélas, le dimanche la situation s’aggrave à nouveau. Je décide alors de moi-même de continuer la cortisone, risquant, sans le savoir, un coma diabétique.

Au début de la semaine suivante, je consulte un nouveau rhumatologue, une jeune femme, laquelle ne partage absolument pas le diagnostic de son confrère. Après un examen rapide ayant notamment révélé une tendinite au pied gauche doublée d’un œdème, elle m’ordonne une prise de sang et me délivre du Doliprane pour contrer la douleur. Intérieurement, je pense que des pastilles Vichy seraient tout aussi inefficaces… Elle m’ordonne aussi des radiographies et des échographies de mes genoux, chevilles et pieds. Pour ces dernières analyses, la rhumato insiste pour que je me rende au sein d’un « établissement sérieux » (sic !). Elle me conseille un institut dont le site précise qu’il est un centre « dédié à la traumatologie, la rhumatologie, et la chirurgie de l’appareil locomoteur ». Puis-je espérer mieux ? Cependant, les examens n’apporteront aucune explication au mal dont je souffre : les spécialistes ne retiendront pas « de signe inflammatoire intra-articulaire, pas d’anomalie tendineuse, pas de ténosynovite. » La seule anormalité consiste en une légère aponévrosite plantaire, relativement étalée, « qui n’explique cependant pas toute la symptomatologie actuelle et notamment l’œdème péri-articulaire sous cutané. »

En revanche, l’analyse de sang révèle un foyer infectieux. Je constate d’ailleurs une légère poussée de fièvre (38°3).

Le 31 mars, après un week-end particulièrement douloureux et difficile, je revois la rhumatologue qui décide alors de me placer sous antibiotique.

- D’ici deux ou trois jours, vous constaterez une amélioration notable, affirme-t-elle.

Le jeudi 3 avril, la situation a empiré.

Le médecin me revoit en urgence. Mon pied gauche a quasiment doublé de volume et mes deux genoux me font atrocement souffrir. Je la sens complètement dépassée.

Elle m’explique qu’elle ne peut plus rien pour moi, qu’elle a tout essayé, qu’elle ne comprend pas ce qui m’arrive et qu’elle n’a pas d’autre issue que de m’hospitaliser. Elle ajoute que le lendemain vendredi, elle ne travaille pas l’après-midi et que compte-tenu du week-end qui suit et de mon état aggravé par le fait que je suis diabétique, seule une hospitalisation est envisageable.

Le vendredi 4 avril, j’intègre le service rhumatologie d’un grand hôpital parisien.

J’y séjournerai 48 heures au cours desquelles je subirai quelques examens, notamment échographiques.

Au cours de la séance d’échographie justement, le rhumatologue que je verrai, (le troisième en trois semaines !) ponctuera plusieurs fois son analyse par les exclamations suivantes :

- Ils n’ont pas vu ça ! Mais comment ont-ils pu passer à côté ?

Sans doute évoque-t-il ses collègues de l’établissement sérieux, renommé et spécialisé dans l’appareil locomoteur chez qui j’ai dernièrement passé radiographies et échographies.

Au bout d’une petite demi-heure, le médecin conclut :

- Au moins le diagnostic est clair…

Je vais enfin savoir…

- Vous souffrez de nombreuses calcifications. Celles-ci provoquent des inflammations plus ou moins bien placées, ce qui explique qu’elles soient parfois difficiles à soigner. Je vais procéder à une injection de Kineret, un anti-inflammatoire puissant que l’on emploie dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, après quoi vous pourrez rentrer chez vous. Parallèlement, je vous prépare une ordonnance de sortie : il vous faudra prendre un autre anti-inflammatoire, l’Apranax 550, pendant une semaine. En principe vous devriez être tiré d’affaire d’ici huit jours. Pour le cas cependant où une gêne persisterait, revoyez votre rhumatologue pour une éventuelle infiltration.

La semaine du 7 avril se déroule relativement bien : j’honore tous mes rendez-vous en boitillant légèrement. Le samedi soir, je fête ce que je pense être la fin de ma galère. Je ne consomme cependant pas une goutte d’alcool compte tenu des traitements médicaux que je subis depuis maintenant près d’un mois.

Le dimanche, je me sens très fatigué : quand je me lève, ça tourne un peu et je dois m’accrocher pour ne pas tomber. Je mets cet état sur le compte d’une semaine où je ne me suis pas épargné. Je remarque que mes intestins semblent beaucoup travailler et que le résultat présente une couleur très sombre, quasiment noir.

Lundi 14 avril : ça ne va guère mieux. Dès le lever, je suis éreinté. Les symptômes remarqués la veille persistent. A contrecœur, je n’annule pas mon déjeuner au Pantruche, un bistro parisien typique et gourmand de la rue Victor Massé. J’effleurerai du bout des lèvres mon plat, une fricassée de volaille particulièrement goûteuse.

Mardi 15 avril : je me lève tôt. J’ai un petit déjeuner avec un dirigeant de l’assurance à 8h30. Cependant, quand j’ai un petit déjeuner de prévu à l’extérieur, je déteste partir de chez moi le ventre vide. Ce matin-là, je suis toutefois incapable d’avaler la moindre chose. Je suis vidé, crevé, infoutu d’effectuer le moindre pas sans vaciller.

Je décide de faire venir SOS Médecin.

Au téléphone, j’ai décrit mes symptômes et l’on me promet l’arrivée rapide d’un docteur.

Celui-ci sonne en effet à ma porte dans le quart d’heure qui suit.

Quelques secondes lui suffisent pour établir son diagnostic. Il est sans appel.

- Vous faîtes une hémorragie de l’estomac. Il faut vous hospitaliser immédiatement. Restez couché, je m’occupe de tout.

Dès lors, le processus d’urgence se met en route.

Très vite, deux ambulanciers débarquent ainsi qu’une voisine avec qui j’entretiens des relations amicales. Elle me confectionne un sac dans lequel elle met du linge propre, une trousse de toilette, mon Ipad et le chargeur de mon téléphone. Je règle les factures que l’on ne manque pas de me présenter : celle du médecin bien sûr mais aussi des ambulanciers. Puis ceux-ci m’embarquent sur un fauteuil roulant jusqu’à la voiture dans laquelle je suis étendu sur un brancard. Le parcours est rapide : l’établissement où je suis conduit est très proche de mon domicile.

Arrivé à l’hôpital, je suis poussé dans un dédale de couloirs. Je subis la scène et pense aussitôt à toutes ses séries dans lesquelles le réalisateur filme en caméra subjective, comme s’il était le patient. Je vois défiler des plafonds, je croise du personnel médical, mais je ne situe rien, ne reconnais rien.

Au bout d’un moment, cela se stabilise dans une pièce. J’entends des bruits de voix. On me change de brancard. Les ambulanciers viennent me saluer.

- Bon courage Monsieur, me disent-ils.

Je murmure un remerciement.

Cela s’agite pas mal dans la pièce, mais pas spécialement pour moi, du moins je ne le crois pas.

Différentes personnes me demandent mon nom et ma date de naissance. Par la suite, je comprendrai qu’il s’agit de vérifier le niveau de ma conscience.

Plusieurs fois, on me demandera aussi si je suis à jeun. Je réponds par l’affirmative.

On me branche une perfusion.

Un homme entre dans la pièce. Il s’approche de moi. J’essaie de le visualiser. Corpulent, de type maghrébin, il approche de la cinquantaine et porte une blouse blanche ouverte.

A son tour il me demande mon identité, mon âge et si je suis à jeun.

Je réponds.

Il enfile une paire de gants médicaux.

- Bien. Tournez-vous : je vais pratiquer un toucher rectal !

J’ignore qui est cet homme et quelle est sa fonction. Par la suite, je ne le reverrai plus jamais.

Malgré mon état, je suis quand même étonné par l’incongruité de la situation. Il doit s’en rendre compte et réitère donc sa requête.

Au point où j’en suis, je décide de me soumettre et, en me tournant sur le côté, allez savoir pourquoi, il me vient à l’esprit une phrase de Cicéron extraite de ses Catilinaires : Quaecum ita sint, perge quo coepisti !

Puisqu’il en est ainsi, continue dans la voie où tu t’es engagé !

Bienvenue aux urgences !

Je resterai à l’hôpital une semaine, dans une unité de soins continus (USC). J’y subirai notamment une fibroscopie qui confirmera l’existence d’un ulcère et d’une hémorragie, conséquence des anti-inflammatoires.

A cet égard, j’écouterai par hasard la chronique médicale que tient chaque matin sur Europe 1 le docteur Jean-François LEMOINE. Le 22 avril dernier, il choisit de traiter des ulcères à l’estomac. Selon lui, 20 à 30% des ulcères sont provoqués par des anti-inflammatoires délivrés sans protecteur gastrique, soit 20 à 30.000 ulcères responsables d’hémorragies de l’estomac et de… 15000 décès par an !

http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1-sante/Sons/Les-ulceres-de-l-estomac-2099207/

Edifiant !

Je quitte l’hôpital le samedi 19 avril, veille de Pâques.

J’ai perdu cinq ou six kilos, (personne ne s’en plaindra !). J’ai subi six ou sept transfusions sanguines. Je suis fortement anémié et très fatigué : dans une USC, on dort mal du fait des multiples branchements, des perfusions diverses et des visites nocturnes des infirmiers pour une prise de tension, une vérification de la glycémie ou toute autre raison.

Je savoure mon retour chez moi. Le répit sera de courte durée. Dès le dimanche de Pâques, mes rhumatismes inflammatoires se réveillent. C’est le genou droit qui est, dans un premier temps, atteint. Très vite, le pied droit s’y met aussi. Nous sommes en plein week-end pascal. Que faire ? Où aller ?

Sur les conseils d’un ami médecin-urologue, je contacte un quatrième rhumatologue, paraît-il excellent ! Sauf qu’il est en vacances et ne pourra donc me recevoir avant lundi 28 avril.

Je pars du principe que les anti-inflammatoires me sont prohibés. Je n’ai que du Doliprane pour me soulager. Autant dire rien. Sur une échelle de 0 à 10, je note la douleur à 7, parfois 8. Je me procure de l’Ixprim, un antalgique de niveau 2. Aucune amélioration. Le jeudi 24 avril, je me traine chez mon généraliste. Il me regarde hébété : lui qui exerce depuis des dizaines d’années après dix ans d’urgentiste ne comprend pas ce qui m’arrive.

- Et pourquoi pas l’hôpital ? me suggère-t-il.

- La dernière fois qu’on m’a hospitalisé pour ça, j’en suis sorti avec un billet express pour la morgue !

Il sourit. Il comprend mais ne sais pas quoi me dire.

Moi, je sais ce que je veux !

- Donnez-moi de la morphine !

Il hésite, bougonne puis fouille dans un tiroir. Il trouve une boîte entamée de sulfate de morphine. Et m’établit une ordonnance pour une boîte supplémentaire.

Il refusera que je lui règle la consultation.

Pendant plus de trois jours, je me bourre de morphine mais l’amélioration est inexistante.

Lundi 28 avril : je consulte donc un quatrième rhumatologue.

Après la cortisone, les antibiotiques, les anti-inflammatoires, le Doliprane, l’Ixprim et la morphine, que va-t-on me proposer ?

Une IRM et d’autres antidouleurs.

Vendredi 2 mai : j’achève de rédiger cette histoire qui n’est pour autant pas terminée.

Quand je suis immobile, je ne souffre pratiquement pas. Mais tout déplacement (d’une pièce à l’autre, chez moi !) demeure difficile et douloureux.

Le parcours de soins qu’il me reste à effectuer est encore long, très long.

Au moment de l’appréhender, je me plais à établir un parallèle entre les médecins et les assureurs : dans les deux cas, c’est malheureusement le plus souvent quand c’est trop tard qu’on s’aperçoit qu’ils sont mauvais !

Jacques de BAUDUS

Recommandations : tout ce que vous avez toujours voulu savoir…

Lundi 5 mai 2014

voici le texte d’une intervention faite à l’IPSE en mars qui balaie les questions relatives aux clauses de recommandation. la transcription en est libre, ce n’est pas toujours ce que j’ai voulu dire, mais le principal y est…

Article IPSE

C’est en France que les inégalités de revenu augmentent le moins

Vendredi 2 mai 2014

Selon des données diffusées par l’OCDE, la minorité la plus riche de la population (1% des ménages) touche une part fortement croissante des revenus aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Mais, depuis 1981, cette part n’a pas augmenté en France

L’OCDE a publié le 30 avril une nouvelle étude sur la question des inégalités dans les pays riches, avec, notamment, un graphique très parlant sur l’évolution de la part du revenu que s’arroge la minorité la plus aisée, celle du dernier centile (cette fraction représentant 1% de la population, aux revenus les plus élevés).

Aux Etats-Unis, l’augmentation est flagrante : si cette petite minorité avait droit à quelque 8% du gâteau distribué chaque année, en 1981, cette part a grimpé à près de 20% en 2012. Une progression qui risque de se confirmer : comme le montrent les statistiques fiscales américaines, entre 2010 et 2012, toute la progression du revenu est allée dans la poche de cette fraction très aisée des ménages.

En Grande-Bretagne, la hausse est importante, aussi, même si elle est inférieure.

La Suède et la Finlande de plus en plus inégalitaires
Mais le plus surprenant est que, si l’on retient cette mesure des inégalités -il y en d’autres-, il apparaît que dans des pays à forte tradition égalitaire comme la Suède ou la Finlande les écarts de revenus se accrus plus fortement qu’en France, sur cette période 1981-2012. En Suède, par exemple, la minorité des 1% les plus riches percevait moins de 4% de la masse des revenus en 1981. Aujourd’hui, elle touche plutôt 7,5% de ce total.

En Allemagne, où les inégalités étaient déjà plus importantes en 1981, la progression a été moins forte, mais elle n’en demeure pas moins significative.

En revanche, en France, cette part n’a quasiment pas bougé. En fait, elle a un peu augmenté au début des années 2000, jusqu’en 2007, mais a diminué ensuite avec la crise, pour revenir à son niveau initial, ou à peine au dessus. En 1981, 1% des foyers percevaient 7% de la masse des revenus distribués (avant impôt). En 2012, cette proportion était plus proche de 8%. Reportée sur le graphique de l’OCDE, cette hausse est proche de l’épaisseur du trait.

L’Insee a publié récemment une étude fondé sur d’autres indicateurs, dont la conclusion était un peu différente, mais non contradictoire : mesurée par le ratio entre masse des revenus perçus par les 20% les plus riches et la masse touchée par les 20% les plus pauvres, le niveau d’inégalité se situe en France dans la moyenne européenne, estime l’Insee. De même si l’on utilise le coefficient de Gini, mesure traditionnelle.

(source la tribune)