Archive pour octobre 2014

participation de l’employeur à la complémentaire santé : tour de place

Jeudi 23 octobre 2014

La participation de l’employeur à la complémentaire santé : obligatoire seulement pour le panier de soins minimum ?

C’est un sujet qui suscite encore actuellement des discussions dans le secteur de la complémentaire santé, à la suite des réformes induites par la loi de sécurisation de l’emploi : l’obligation de participation de l’employeur, à hauteur de 50 % du prix de la complémentaire santé de ses salariés, ne portera-t-elle que sur un montant de garanties équivalent au panier de soins minimum, ou cette obligation ira-elle au-delà ? Plusieurs spécialistes de la protection sociale ont accepté pour AEF de livrer leur propre interprétation sur ce sujet, avec une conclusion convergente : une interprétation fidèle à la volonté des rédacteurs du texte devrait conduire à une indexation de cette participation obligatoire sur la seule base du panier de soins minimum. Mais le texte reste « ambigu » dans sa rédaction, et, in fine, seul un contentieux devant les tribunaux réglerait définitivement la question.

Quatre spécialistes reconnus du secteur de la protection sociale – Frank Wismer, avocat associé au cabinet Fromons Briens, David Rigaud, avocat associé au cabinet Rigaud Avocats, Cédric Jacquelet, avocat chez Proskauer, Laurence Lautrette, avocate associée au cabinet Lautrette & Associés – ont accepté, ce 17 octobre 2014, de livrer pour l’AEF leur analyse sur la question du niveau obligatoire de participation de l’employeur à la complémentaire santé d’entreprise.

50 %, OUI, MAIS DE QUOI ?

L’article L911-7 du code de la sécurité sociale, créée par la loi de sécurisation de l’emploi (elle-même découlant de l’ANI du 11 janvier 2013), stipule à propos de la couverture santé collective obligatoire en entreprise que « l’employeur assure au minimum la moitié du financement de cette couverture. » Toute la question qui se pose dès lors, et qui resurgit depuis plusieurs mois lors des échanges entre avocats, entreprises et assureurs, est de définir ce que le législateur entendait par « cette couverture » : s’agit-il de la couverture totale souscrite auprès d’un assureur – qui dans certaines entreprises peut s’élever bien au-delà de ce qui est prévu par le panier de soins minimum – ou bien cette obligatoire de financement à 50 % ne s’applique-t-elle que sur un montant égal au panier de soins minimum ?

Si la seconde interprétation, dominante mais plus restrictive, venait à s’imposer, cela signifierait dans les faits que, pour une complémentaire santé d’entreprise assurant un niveau de couverture supérieur au panier de soins minimum, l’employeur ne serait pas dans l’obligation de payer 50 % du montant total, mais uniquement 50 % du montant équivalent au panier de soins minimum (1). « La notion de ‘part de financement’ peut être comprise comme la part en valeur absolue et pas nécessairement en pourcentage », interprète ainsi Cédric Jacquelet.

UN TEXTE « AMBIGU »

Définir de manière définitive et incontestable à quel niveau de couverture renvoie la loi reste toutefois une tâche difficile, au regard du caractère « ambigu » du texte, comme le souligne David Rigaud. Interrogés par AEF, les quatre avocats spécialisés concluent tous que tant l’interprétation littérale du texte que la volonté des partenaires sociaux plaide pour une interprétation conduisant à restreindre l’obligation de 50 % de participation à un montant équivalent au panier de soins minimum.

Article 1 de la loi du 14 juin 2013

« […] les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels engagent une négociation, afin de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dont chacune des catégories de garanties et la part de financement assurée par l’employeur sont au moins aussi favorables que pour la couverture minimale mentionnée au II de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, au niveau de leur branche ou de leur entreprise, d’accéder à une telle couverture avant le 1er janvier 2016. »
« Il semble qu’une autre lecture existe », avertit toutefois Frank Wismer, « certains considérant que l’intention du législateur aurait été d’instaurer un financement patronal minimal de 50 %, quel que soit le niveau de garantie et le périmètre des personnes couvertes ». L’avocat – qui ne partage pas cette lecture – détaille ce possible raisonnement (retrouvez son analyse complète en pièce-jointe) :

« Il est soutenu que le § I de l’article L.911-7 du Code de la sécurité sociale impose d’instaurer la couverture minimale du panier de soin pour les ‘entreprises dont les salariés ne bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais […] dont chacune des catégories de garanties et la part du financement assurée par l’employeur sont au moins aussi favorables que celles mentionnées au II du présent article’. La référence à une couverture dont la part du financement est au moins aussi favorable que le § II organisant un financement au moins de moitié de l’employeur justifierait donc cette approche. »

QUELLES CONSÉQUENCES ?

Laurence Lautrette mentionne quant à elle l’article 1 de la loi de sécurisation de l’emploi (voir ci-contre) qui pourrait conduire à une éventuelle interprétation où l’obligation de participation employeur porterait « et sur un financement à 50 %, et sur un socle supérieur à une couverture minimale ». L’emploi du mot « et », selon cette spécialiste du droit, pourrait servir d’arguments pour considérer que le maintien dans une entreprise de garanties au-dessus de ce qui est fixé par le panier de soins minimum n’exempterait pas pour autant cette entreprise de l’obligation de participation à hauteur de 50 % de la couverture totale (voir encadré « cas pratique » ci-dessous).

Cas pratique

L’entreprise X propose depuis des années à ses salariés une couverture complémentaire collective s’élevant à 60 euros, sur laquelle elle contribue à hauteur de 40 %, soit 24 euros. La couverture proposée est supérieure à celle équivalente au panier de soins minimum, tournant autour de 25-30 euros (soit 12,5 à 15 euros de participation minimale de l’employeur).

Si on garde l’interprétation « cumulative » des critères fixés par la loi de sécurisation de l’emploi, l’obligation de participation à hauteur de 50 % s’appliquerait quel que soit le niveau de couverture choisi antérieurement. L’entreprise X devra alors augmenter sa participation à hauteur de 30 euros, bien que sa couverture antérieure respectait déjà le minimum de couverture fixé par la loi.

Le « risque » : Pour ne pas dépenser plus, l’entreprise pourrait revoir sa couverture santé et prendre une offre autour de 48 euros au lieu de 60 euros. Sa participation serait toujours de 24 euros, mais respecterait désormais l’obligation de 50 % de participation. Autre risque : l’entreprise choisit une couverture obligatoire a minima, autour de 25-30 euros, correspondant au panier de soins minimum. S’ils veulent retrouver leur niveau de couverture antérieur (offre 60 euros), les salariés devront prendre une surcomplémentaire… où l’entreprise est libre de participer ou non.
Comme ses confrères, la juriste estime toutefois que cette possible interprétation ne correspondrait ni à la volonté des négociateurs de l’ANI, ni à celle du législateur. « Cette interprétation aurait un effet pervers et contraire au but recherché car elle pourrait amener logiquement les acteurs à dénoncer ou modifier leurs dispositifs pour se mettre au minimum (50 % du panier de soins) et éviter ainsi toutes difficultés ou contentieux », analyse ainsi David Rigaud. « Il y aurait une singulière rupture d’égalité à obliger les employeurs ayant déjà mis un régime en place à cotiser plus que ceux qui s’acquittent nouvellement de cette obligation », observe de son côté Cédric Jacquelet.

Tout en rejoignant sur le fond l’avis de ses pairs, Laurence Lautrette souligne toutefois que ces ambiguïtés et interprétations divergentes pourraient peser en cas de contentieux devant un juge prud’homal, qui pourrait considérer que, en matière de droit du travail, le doute bénéficie au salarié. L’avocate ne conseillerait pas toutefois à un salarié de s’engager dans cette voie, d’autant que, « face à une telle revendication l’employeur pourra toujours dénoncer son accord ou sa DUE et, sauf dispositions conventionnelles, réduire à l’avenir les garanties de la couverture santé au socle minimum en alignant sa participation à 50 % ».

…LA RÉPONSE EN 2016

Selon David Rigaud, la question ne pourra de toute manière être définitivement réglée avant le 1er janvier 2016, date à laquelle sera rendue effective pour tous les employeurs l’obligation de participation. « S’agissant d’une question de droit du travail, seul le juge du droit du travail et la Chambre sociale de la Cour de cassation in fine seront compétents pour trancher cette question, toute doctrine ou interprétation administratives étant inopposables en la matière », rappelle l’avocat.

Cédric Jacquelet pointe enfin de son côté une problématique non plus strictement juridique mais également comptable pour les entreprises, si elles choisissent une couverture supérieure au panier de soins minimal : « il ne me paraît pas certain que beaucoup d’entreprises aient un intérêt pratique à faire prévaloir cette interprétation, qui de surcroît posera une difficulté de chiffrage pour isoler dans le financement d’un régime en place ce qui correspond au socle de garanties obligatoires ».

Cette dernière problématique de gestion ouvre au final sur un autre sujet de débats, non plus cette fois sous l’angle des planchers mais des plafonds, à savoir la gestion par l’entreprise de sa couverture complémentaire et de la possible couverture parallèle d’une surcomplémentaire. À la clé, le risque cette fois-ci de dépasser les limites fixées par les contrats responsables et solidaires.

(sources AEF 23/10/2014)

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