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Vers plus de contrôles ACP ?

Mardi 3 janvier 2012

voici des extraits de l’audition, devant la commission des finances de l’Assemblée Nationale, de Christian Babusiaux président de la 1ère chambre de la cour des comptes consécutivement au rapport sur l’ACP.


La Cour formule plusieurs recommandations :

« Dans le contexte actuel de profonde instabilité financière, une supervision prudentielle efficace est fondamentale…

Pour être en mesure de faire face à la situation actuelle de crise, la consolidation de l’ACP devrait être accélérée…

Le nombre des contrôles sur place des établissements et les moyens qui y sont consacrés devraient être accrus…

Pour être pleinement efficace, la supervision prudentielle nécessite un réel usage des pouvoirs de sanction que le législateur a conféré à l’autorité…

Il est souhaitable que l’ACP porte une plus grande attention aux préoccupations des consommateurs et des épargnants… »

Question de Dominique Baert, secrétaire de la commission des Finances et de l’Economie générale de l’Assemblée Nationale :

« Que peut-on attendre d’une autorité de contrôle prudentiel ? Quel est son véritable pouvoir de régulation au regard de l’intérêt public ?

En tant que rapporteur spécial pour la mission budgétaire Engagements financiers de l’Etat, j’ai été très frappé d’apprendre par l’Agence France Trésor que les premiers opérateurs à s’être désengagés de la dette publique française après l’appréciation négative d’une agence étaient de grandes compagnies françaises d’assurance ou d’investissement bancaire. Dans son fonctionnement actuel, l’ACP ne peut que découvrir le phénomène a posteriori, sans être capable d’agir ex ante. Une vraie régulation ne suppose-t-elle pas des échanges avec les investisseurs institutionnels ? »

Réponse de Christian Babuziaux :

« S’agissant de la détention de dettes souveraines, il faut distinguer la responsabilité du superviseur, qui vérifie l’application des règles, et la responsabilité des autorités qui fixent ces règles, notamment en matière de répartition des risques. A la vérité, il existe aussi un troisième aspect, celui de l’autorité publique et des relations qu’elle entretient avec le secteur des banques et de l’assurance. En l’occurrence, je crois que la question posée ne relève pas de l’Autorité de contrôle  prudentiel.»

Le Rapport d’enquête de la Cour des comptes :

Necéssité de préserver, de manière durable, l’expertise acquise par l’ACAM dans le domaine du contrôle des assurances :

Le corps des commissaires-contrôleurs des assurances créé en 1899, recrutant principalement à la sortie de l’Ecole Polytechnique et des Ecoles normales supérieures, était placé sous l’autorité du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Les commissaires-contrôleurs étaient nommés et titularisés par décret du président de la République…

Le corps des commissaires-contrôleurs comptait, en 2009, une centaine de membres, dont la moitié en poste à l’ACAM, un quart en exercice dans des administrations ou entreprises publiques et un quart en disponibilité.

Les commissaires-contrôleurs représentaient au sein de l’ACAM, plus de trois quarts des emplois au sein des brigades de contrôle en charge des contrôles tant permanents que sur place des entreprises d’assurance. L’ACAM recrutait sept commissaires-contrôleurs en moyenne par an sur la période 2005-2009.

A la suite de la création de l’ACP, le ministre de l’économie [Mme Christine Lagarde], a considéré que la taille et le fonctionnement du corps des commissaires-contrôleurs n’étaient plus adaptés pour continuer à assurer la totalité des missions de contrôle de l’assurance et devait en conséquence être intégré à effet du 1er janvier 2012 dans le corps des ingénieurs des mines.

Cette intégration constitue un changement majeur pour le contrôle des assurances : les commissaires-contrôleurs ne constitueront plus le vivier principal de l’effectif en charge de ce contrôle.

L’intégration du corps de contrôle des assurances va se traduire, dès 2012, par une réduction du nombre d’ingénieurs affectés en début de carrière à l’ACP. En effet, il a été convenu d’affecter seulement chaque année à l’ACP deux ingénieurs des mines en premier poste, pour une durée de quatre ans, ce qui est nettement inférieur aux recrutements de l’ACAM.

L’intégration du corps de contrôle des assurances dans le corps des mines pourrait également s’accompagner d’un mouvement des commissaires-contrôleurs vers d’autres corps. Certains d’entre eux, en poste à l’ACP, ont déjà émis le souhait d’intégrer un autre corps que celui des ingénieurs des mines (IGAS, INSEE…)

La stratégie de l’ACP pour compenser la réduction du nombre d’ingénieurs des mines qui lui seront affectés en premier poste et le choc des départs qu’elle pourrait subir début 2012 est pragmatique. Elle consiste à combiner des recrutements au cadre contractuel et une augmentation des recrutements par concours d’adjoints de direction de la Banque de France.

Organismes d’assurance ayant fait part de leur intérêt pour un modèle interne destiné à calculer leur exigence de capital sous Solvabilité II :

Ils sont actuellement quinze, soit le double de ce qui était anticipé :

-       Trois  grands groupes internationaux à tête française, cotés en bourse, pour lesquels l’ACP est contrôleur du groupe et doit se coordonner avec les autorités de contrôle étrangères,

-       Quatre groupes internationaux à tête européenne, pour lesquels l’ACP n’est pas le contrôleur du groupe mais doit être en mesure de répondre aux demandes d’avis du contrôleur du groupe sur les filiales situées dans son périmètre de contrôle,

-       Des modèles internes plus partiels pour des organismes spécialisés dont l’activité est spécifique et donc mal prise en compte par la formule standard.

Les thèmes du contrôle prudentiel du secteur de l’assurance : le suivi des conséquences de la crise financière :

Parmi les priorités de contrôle définies par le collège plénier de l’ACP figurent :

-       les risques liés à une remontée rapide des taux qui pèserait sur la collecte et sur les rachats en assurance vie mettant ces produits en concurrence avec des placements à court terme. Les entreprises d’assurances se trouveraient contraintes de vendre leurs actifs obligataires avec des moins values ;

-       l’appréciation du degré de résilience des assureurs vie dans un contexte de taux bas (capacité à servir les rendements garantis),

-       examen des taux de revalorisation des provisions des assureurs vie,

-       suivi des risques souverains afin de mieux apprécier l’étendue éventuelle des risques auxquels sont susceptibles de faire face les organismes d’assurances français et les bénéficiaires de leurs contrats dans la mesure où les organismes d’assurance investissent généralement une partie substantielle de leur actif sous forme d’obligations, notamment en provenance d’Etats souverains.

Les conglomérats financiers :

Les services de contrôle de l’ACP des secteurs de la banque et de l’assurance ont maintenu, s’agissant des conglomérats, des contrôles sectoriels en raison de la spécificité des métiers. Cependant, ils coordonnent désormais leur analyse sur la situation de ces conglomérats et notamment les opérations intragroupe (entre branche assurance et branche banque des groupes de bancassurance).

La surveillance des pratiques commerciales : Le champ de la surveillance porte notamment sur l’application de la « déliaison » de l’assurance emprunteur, c’est-à-dire le libre choix de son assurance emprunteur (possibilité d’assurance déléguée par opposition à l’assurance groupe) :

Aucun contrôle de l’ACP en matière de pratique commerciale n’a pour l’heure donné lieu à saisine de la commission des sanctions.

La Cour des comptes relève qu’au Royaume-Uni, les banques doivent supporter les importantes conséquences financières nées de pratiques commerciales abusives et de mettre dans son rapport d’enquête dans un encadré :

« Les « payment-protection insurance » (PPI) ou « assurances emprunteurs » sont destinées à assurer des risques (maladie, licenciement…) lors de la souscription d’un emprunt bancaire. Depuis 2005, les banques britanniques ont vendu ces assurances systématiquement avec tous les emprunts bancaires, y compris quand les emprunteurs ne pouvaient bénéficier de la couverture (par exemple les chômeurs). Elles ont exercé une contrainte sur les emprunteurs en leur faisant croire que leur assurance était obligatoire pour obtenir  un emprunt, alors que des assurances déléguées auraient été bien moins couteuses.

Devant les abus commis par les banques, le régulateur britannique, la FSA a imposé une nouvelle réglementation rétroactive sur ces PPI et obligé les banques à indemniser leurs  clients.

L’Association des banquiers britanniques (BBA) a porté l’affaire devant la Haute Cour de Londres, qui a donné raison à la FSA le 20 avril 2011. Les conséquences de cette décision sont évaluées entre 7 et 10 Md € pour le secteur bancaire britannique. D’ores et déjà, des banques ont provisionné les condamnations futures (3,2 Md £ pour Lloyds Banking Group). »

Les difficultés d’un contrôle adapté des intermédiaires :

L’ACP a vocation à contrôler l’ensemble des canaux de distribution.

En 2011, 50 contrôles ont été effectués auprès d’intermédiaires d’assurance, or ils sont au nombre de 42.612.

L’ACP privilégie des contrôles approfondis plutôt qu’un objectif quantitatif, en soulignant que ces contrôles permettent d’envoyer des messages qui concerneront plus largement les professionnels du secteur.

L’ACP souligne que l’assujettissement au contrôle de l’ACP semble avoir déjà provoqué une prise de conscience au sein de la profession des courtiers d’assurance et des agents généraux, avec l’apparition de guides pour se préparer à un contrôle de l’ACP.

Conclusion Générale

En conclusion de son enquête la Cour des comptes juge que «  le plein exercice des pouvoirs conférés par la loi à l’ACP suppose :

-       un renforcement de la vigilance et des contrôles sur place,

-       des efforts concertés et visibles dans le contrôle des pratiques commerciales,

-       le renforcement de la politique des sanctions,

-       l’élaboration plus précise de doctrines d’intervention. »

(publié sur le blog de PML qui est toujours très bien renseigné)

Conventionnement mutualiste. la Mgen entend poursuivre cette pratique

Vendredi 16 décembre 2011

La Mgen réagit, vendredi 16 décembre 2011, à l’occasion d’une conférence de presse, à son assignation par Alain Afflelou devant le tribunal de grande instance de Paris. L’opticien intente en effet un procès à la mutuelle pour sa pratique des remboursements différenciés dans le cadre de sa politique de conventionnement avec les opticiens. « Nous ne modifierons pas notre pratique du conventionnement, notre volonté est même de l’étendre », a expliqué Thierry Beaudet, président du groupe Mgen. « Les renoncements aux soins progressent. Notre préoccupation est de garantir l’accès aux soins. Nous sommes fondés à le faire, en premier lieu sur l’optique et le dentaire, où nous sommes les acteurs principaux. « Pour Alain Afflelou au contraire, le conventionnement en réseau fermé pratiqué par la Mgen sur l’optique contrevient au « principe fondamental » du libre choix du praticien par le patient.

Depuis 2008, la Mgen conventionne 1 900 opticiens qui s’engagent sur une qualité de prestations, sur une maîtrise tarifaire (dans 90 % des magasins agréés, le reste à charge est nul pour les adhérents Mgen) ou encore la pratique du tiers payant intégral. En contre-partie, la Mgen promet « 1 à 1,5 adhérent Mgen par jour et par magasin ». Ce réseau de conventionnement est fermé : tous les opticiens qui le souhaitent ne peuvent y entrer. Les opticiens Afflelou représentent 1 % des opticiens conventionnés par la Mgen : la plupart « ne répondent pas à la charte qualité de la Mgen », indique Marie-Noëlle Pellegrin, directrice du développement et du réseau.

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DU 18 MARS 2010

L’assignation de la Mgen par Alain Afflelou, que s’est procuré l’AEF, se fonde à la fois sur le code de la Mutualité et sur le Code de la santé publique. Elle se réfère à un arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2010 qui censure l’existence de « différences dans le niveau des prestations », en se fondant sur le code de la Mutualité. L’article 112-1 du code de la Mutualité indique en effet que les mutuelles « ne peuvent moduler le montant des cotisations qu’en fonction du revenu ou de la durée d’appartenance à la mutuelle ou du régime de sécurité sociale d’affiliation ou du lieu de résidence ou du nombre d’ayants droit ou de l’âge des membres participants ».

À la suite de cet arrêt de la Cour de cassation, la Mgen, soutenue par la Mutualité française, s’est employée à obtenir du législateur une modification du code de la Mutualité : c’était chose faite avec la loi Fourcade, adoptée le 13 juillet 2011, dont l’article 54 prévoyait notamment une expérimentation sur trois ans des remboursements différenciés par les mutuelles. Cet article a finalement été censuré par le Conseil Constitutionnel, vendredi 5 août 2011, car la Cour a jugé qu’il n’avait « pas de lien, même indirect, avec la proposition de loi initiale ».

Mais pour Alain Afflelou, le conventionnement optique pratiqué par la Mgen viole également le principe du libre choix du praticien par le patient, établi par l’article L.1110-8 du Code de la santé publique. Or « le fait pour un assureur, qu’il soit dans le secteur marchand ou mutualiste, d’imposer à son assuré/adhérent le choix d’un opticien avec lequel il a conclu une convention constitue une atteinte caractérisée » de ce principe. Car « il ne peut être objecté que l’assuré dispose du choix de choisir un autre opticien. En effet, les contraintes financières imposées par l’assureur sont de nature à limiter de façon drastique ce choix, notamment pour les catégories de consommateurs qui ne peuvent envisager de garder à leur charge une partie des frais d’optique médicale ».

Pour appuyer son argumentaire, Alain Afflelou prend pour exemple le préjudice subi par un de ses magasins situé à Cergy Pontoise (Val d’Oise), dont le précédent exploitant était conventionné par la Mgen. La convention a cessé le 31 décembre 2010, et le chiffre d’affaires du magasin avec les adhérents de la Mgen a fortement chuté : en 2010, le magasin a réalisé un chiffre d’affaires de 22 644 euros avec 149 dossiers adhérents de la Mgen ; mais depuis janvier 2011, il n’a conclu que 43 contrats avec des adhérents de la Mgen, pour un chiffre d’affaires de 4 638,99 euros.

QUESTION PRÉJUDICIELLE POSÉE À LA CJUE

Depuis mai 2011, la mutuelle a été assignée dans 15 autres procédures, cette fois à l’initiative d’adhérents, qui mettent en cause son conventionnement dentaire. Trois décisions sont conformes à l’arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2010, et lui sont donc défavorables. À chaque fois, la mutuelle se pourvoit en cassation. Deux autres décisions lui sont plus favorables : une est en opposition avec l’arrêt de la Cour de cassation et lui donne donc raison ; dans une autre, le tribunal a suspendu sa décision et saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour poser la question préjudicielle de la conformité de l’article L 112-1 du code de la Mutualité au droit européen. « Il s’agit de vérifier si cet article n’instaure pas une distorsion de concurrence entre les opérateurs d’assurance, ce que nous pensons, » explique Christèle Delye, responsable de la coordination juridique de la Mgen. « On considère comme un grand succès que la question préjudicielle soit posée » à la CJUE, commente Thierry Beaudet. (source AEF)

Générations & investissement (6/7) – La nouvelle génération silencieuse (1995-…)

Mercredi 7 décembre 2011

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La nouvelle génération silencieuse (aussi appelée Génération Z) est une génération sociologique qui débute en 1995. Cette génération serait comparable, dans la théorie américaine des générations, à la génération silencieuse de ceux nés entre 1925 à 1945. On n’en sait pas encore assez sur la génération Z pour juger quelle pourra être sa culture, mais on peut se permettre de spéculer quant à sa nature en regardant la génération silencieuse originelle.

Ces générations vivent habituellement une crise massive durant leur jeunesse (exemple : dépression de 1929) qui pourrait être la crise économique mondiale qui a commencé en 2008 et qui se poursuit encore aujourd’hui. Par contre, pour ce qui est de leur emploi, David Foot, dans son livre Boom, Bust and Echo, mentionne que les Silencieux ont eu la vie facile. Bonne nouvelle pour les investisseurs : si la jeunesse de cette génération est marquée par une crise économique majeure, leur vie adulte et celle de leurs enfants (nouveaux boomers) correspond à une longue phase de croissance économique

Coincés entre une génération combative, individualiste, et la prochaine qui ressemblera aux baby-boomers, on verra probablement les « Z » subordonnés aux entreprises gargantuesques des « Y » (genre Facebook) et à la tête des entreprises idéalistes des nouveaux Prophètes (neo-boomers). On peut imaginer que les « Z » vivront dans l’ombre des « Y » un peu comme les « X » l’ont fait vis-à-vis des boomers. Pour rappel, la génération silencieuse est réputée travailler dur et ne pas être revendicative, d’où son nom. On décrit les « silencieux » comme fatalistes et conventionnels. Les leaders de cette génération risquent donc d’être rares. Par contre les qualités de travailleurs et d’économes de cette nouvelle génération risquent d’être fort utiles pour affronter la crise budgétaire qui risque de durer pas mal de temps.

La génération Z aura toujours connu les Technologies de l’information et de la communication. Elle est définitivement celle des infos en ligne. Blogs, sites de partage de vidéos, quotidiens sur Internet, rien n’échappe aux « Z ». Notre prochain et dernier article de cette série sera consacré aux conclusions et conséquences de l’évolution des générations abordées sur l’investissement.

Clause de désignation et appel d’offre : petite mise au point

Vendredi 2 décembre 2011

 

 

Je ne compte plus les clients qui viennent à moi en m’affirmant que l’application des procédures de marchés publics est obligatoire pour les branches qui souhaitent mettre en place ou renouveler leurs couvertures collectives de protection sociale.

C’est rigoureusement inexact, pour la bonne raison que ni la législation ni la jurisprudence (et par plus la CJUE que le juge français) n’exige le recours à la moindre procédure.

S’il est opportun pour le meilleur intérêt des assurés d’organiser une procédure de sélection d’un ou plusieurs assureurs qui soit garante d’un minimum de transparence et de loyauté, il est important d’avoir à l’esprit qu’aucun formalisme n’est requis pour une telle procédure.

 Pour vous en convaincre, je vous met en ligne l’intégralité d’un article que j’ai écrit pour commenter l’arrêt de la CJUE du 15 juillet 2010, paru dans la revue « droit social » en décembre 2010 et qui traite de ce sujet.

 

Clause de désignation et appel d’offre

les enseignements de l’arrêt de la CJUE du 15 juillet 2010

 

 

 

1. De nombreux accords collectifs professionnels ou interprofessionnels ont introduit des dispositions relatives aux garanties collectives complémentaires de protection sociale au bénéfice des salariés, conformément aux dispositions de l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.

 

Certains se contentent de définir un socle de prestations, laissant à chaque entreprise entrant dans le champ d’application de l’accord la liberté de rechercher, en fonction des caractéristiques de sa propre population de salariés, les meilleures conditions financières auprès des assureurs du marché. D’autres définissent une obligation de cotiser à un niveau obligatoire minimum, laissant à chaque entreprise le soin de rechercher auprès des assureurs du marché les meilleures prestations possibles.

 

Certains définissent tout à la fois les niveaux de cotisation et les prestations. Dans ce cas, il n’est plus possible de laisser chaque entreprise rechercher les meilleures conditions de couverture en fonction des caractéristiques de sa propre population. Il faut contraindre l’ensemble des entreprises de la branche ou du secteur à adhérer à un seul organisme (ou plusieurs[1]) pour assurer l’ensemble de la population des bénéficiaires de la même couverture dans une même mutualisation qui s’opère entre tous les salariés des entreprises entrant dans le champ d’application de l’accord : les malades comme les bien-portants, les vieux comme les jeunes, etc…

 

Ces clauses font – de longtemps – l’objet de vives critiques de la part des assureurs qui ne sont pas les plus fréquemment sollicités par les partenaires sociaux, ou bien de la part des entreprises qui rechignent à voir rogner leur liberté de choisir leur propre assureur, ou bien de la part des intermédiaires en assurances. Elles ont nourri une jurisprudence abondante, étayée par une doctrine plus prolixe encore[2].

 

Depuis plus de vingt ans de nombreux arguments ont été soulevés, notamment sur le terrain de la liberté du commerce et de la concurrence, pour tenter d’empêcher le développement de ces clauses dites de désignation, qui vont parfois jusqu’à obliger les entreprises déjà assurées auprès d’un autre assureur à un coût moins élevé et dans des conditions plus favorables, à résilier leur couverture historique (clauses dites de migration[3]).

 

Seules les « exigences de la solidarité[4] », c’est à dire la nécessité de mutualiser des populations plus fragiles avec des populations qui le sont moins, ont conduit la jurisprudence à justifier qu’un opérateur puisse ainsi tarir le marché de ses concurrents et imposer une telle sujétion aux intéressés.

 

A chaque fois que les partenaires sociaux désignent un organisme pour assurer la couverture d’une branche ou d’un secteur, ce sont plusieurs centaines de milliers de salariés qui se retrouvent contraints de cotiser pour une couverture dont ils n’éprouvent pas toujours le besoin ; ce sont plusieurs centaines d’entreprises qui se trouvent dans l’obligation de se plier à la discipline collective et voient réduite leur marge de manœuvre pour construire un dispositif de protection sociale plus adapté ou plus novateur ; ce sont plusieurs centaines d’intermédiaires et quelques dizaines d’assureurs qui voient enfin neutraliser leur relation directe avec leurs entreprises clientes, existantes ou potentielles.

 

Il n’est donc pas étonnant que parmi le feu nourri des critiques, des interrogations s’élèvent sur les conditions dans lesquelles l’assureur retenu est choisi puis reconduit, afin de garantir qu’à tout le moins il était le meilleur opérateur possible dans l’intérêt du plus grand nombre.

 

Force est de constater que sur ce point, les textes sont plutôt maigres.

 

Les articles L. 912-1 et L. 912-2 du code de la sécurité sociale prévoient que lorsque les partenaires sociaux désignent un ou plusieurs organismes pour assurer une couverture mutualisée des garanties collectives obligatoires mises en place par voie d’accords professionnels ou interprofessionnels, ceux-ci doivent comporter une clause fixant les conditions et la périodicité dans lesquelles sont réexaminées, au maximum tous les cinq ans, les modalités d’organisation de la mutualisation des risques et le choix de l’organisme ainsi que des intermédiaires.

 

Aucune obligation ne pèse sur les parties lors de la mise en place de la couverture puisque seule une obligation de réexamen quinquennal est évoquée par le texte. D’autre part, le texte ne dit rien du cadre dans lequel cet examen doit s’opérer et pas d’avantage sur quoi cet examen doit porter, tant les termes employés peuvent prêter à l’interprétation.

 

Concernant les conditions de mutualisation, s’agit-il tout bonnement d’examiner d’un peu plus près tous les cinq ans les comptes du contrat collectif ou du règlement ? Faut-il faire réaliser un coûteux audit complet de l’opérateur par un organisme indépendant (analyse financière de solvabilité, gouvernance, transparence, relations avec les gestionnaires et intermédiaires, respect des chartes diverses éditées par toutes les familles d’assureurs, etc..) ? Faut-il vérifier le degré de solidarité au sein de la population concernée et si oui quels arbitrages peut-on prendre ou ne pas prendre ?

 

S’agissant du choix des opérateurs, à chaque renouvellement les partenaires sociaux se demandent s’ils doivent recourir systématiquement à un appel au marché pour sélectionner un nouvel assureur et s’il doivent respecter les procédures de passation de marchés publics.

 

Jusqu’à présent nul n’a apporté de réponse à ces questions importantes et la pratique s’est déployée d’elle-même, chaque branche apportant sa réponse – plus ou moins fournie – entre pragmatisme et diversité.

 

 

2. C’est la raison pour laquelle l’arrêt rendu le 15 juillet dernier par la CJUE (C-271/08)[5] mérite un examen attentif, car il constitue à notre connaissance la seule décision rendue sur ce sujet.

 

Le droit communautaire en matière de marchés publics a été mis en place par la Directive 89/665/CEE du 21 Décembre 1989 portant coordination des dispositions législatives et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux.

 

Sur la base de cette directive, trois Directives furent établies[6] puis regroupées au sein de la Directive 2004/18/CE du 31 Mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services[7].

 

Le 18 février 2003, la fédération des associations d’employeurs communaux avait conclu avec le syndicat unitaire des services, une convention collective organisant la constitution de droits à retraite complémentaire d’entreprise au bénéfice de leurs personnels, en désignant pour assurer ces droits, soit les organismes publics d’assurance vieillesse, soit le groupe financier Sparkass, soit les compagnies d’assurance des communes.

 

La CJUE était saisie sur requête de la Commission des Communautés européennes qui reprochait à la République Fédérale d’Allemagne d’avoir laissé des administrations et entreprises communales attribuer les contrats d’assurance retraite aux opérateurs désignés, sans passer par la voie d’un appel d’offres, pour la mise en place de la couverture complémentaire prévue par la convention collective.

 

La République Fédérale d’Allemagne s’est défendue en faisant valoir que les administrations et entreprises communales concernées n’agissent pas en tant que « pouvoirs adjudicateurs » lorsqu’elles remplissent leur fonction d’employeur, que les contrats collectifs visés relèvent de relations de travail et non des contrats publics, que les entreprises agissent comme simple collecteurs de cotisations entre les salariés et les organismes d’assurance, et que l’application du droit des marchés publics dans cette hypothèse est contraire à l’autonomie des partenaires sociaux.

 

Elle invoquait également que le seuil de déclenchement de la réglementation n’était pas atteint car il fallait diviser la masse des cotisations par le nombre de bénéficiaires et qu’en toute hypothèse, elle était impuissante à donner des instructions aux partenaires sociaux.

 

La Cour balaie ces arguments au moyen de développements qui ne sont pas tous exempts de critiques mais qui sont tous riches d’enseignement.

 

D’abord, elle refuse de transposer au droit des marchés publics le raisonnement tenu pour écarter l’application du droit de la concurrence au terme de ses arrêts précités du 21 septembre 1999. Cette position est parfaitement légitime, le droit de la concurrence – européen et français – comporte en lui-même la possibilité d’écarter son application lorsque des éléments objectifs le justifient. Rien de tel n’existe dans le droit des marchés publics.

 

La Cour recherche cependant si le respect des directives marchés publics est conciliable avec la protection du droit fondamental de négociation collective et conclut par l’affirmative. Si les éléments de solidarité identifiés dans les régimes des fonds de pension néerlandais ont pu permettre d’écarter l’application du droit de la concurrence et justifier l’obligation d’adhésion faite aux intéressés, la Cour constate qu’il n’en est pas de même pour les procédures de passation des marchés publics.

 

Elle examine ensuite si les contrats d’assurance concernés relèvent bien des conditions d’application des directives marchés publics. La cour reconnaît auxdits contrats un caractère écrit ; ce sujet pourrait faire question en France car de nombreux régimes de branche sont mis en place sur la seule base de l’accord collectif et de la notice descriptive des garanties remises aux salariés sans qu’un support juridique ne formalise matériellement les relations contractuelles entre l’assureur et la branche.

 

Elle relève que les employeurs doivent assumer directement l’engagement en cas de défaillance de l’assureur et ne peuvent donc être considérés comme de simples intermédiaires entre les salariés et l’organisme assureur. Dés lors, il s’agit bien de contrats à titre onéreux dans lesquels les employeurs trouvent un intérêt économique direct en négociant avec un organisme d’assurance dont la solidité financière leur garantit la bonne exécution de leur engagement. La Cour de Justice des Communautés Européennes avait déjà eu l’occasion de préciser que la contrepartie de la prestation de l’opérateur économique pouvait consister en autre chose qu’un prix[8].

 

Elle relève également que même si les dispositifs de protection sociale sont un éléments de rémunération, le contrat souscrit entre un employeur et une compagnie d’assurance ne peut être assimilé à un contrat de travail dérogatoirement exclu des procédures de passation des marché publics. Elle conclut pour finir à l’application du droit des marchés publics car les seuils de déclenchement définissant la valeur du marché doivent s’évaluer sur le montant total des primes versées.

 

 

3. Quels enseignements peut-on tirer de cette décision ? Que le fait de  désigner des organismes assureurs par la voie d’une convention collective de travail pour assurer les dispositifs de protection sociale au bénéfice des salariés, n’exonère pas les employeurs de respecter le droit des marchés publics lorsqu’ils sont des pouvoirs adjudicateurs.

 

La Cour de Justice des Communautés Européenne avait déjà eu l’occasion de préciser que la notion de pouvoir adjudicateur était indivisible[9] et que lorsqu’un organisme a la qualité de pouvoir adjudicateur tous les marchés qu’il envisage de passer doivent faire l’objet d’une mise en concurrence selon les règles applicables en matière de marchés publics[10].

 

L’apport de la présente décision est important puisque la Cour conclut que rien ne dispense les entreprises communales et administrations concernées d’appliquer les procédures de marché publics et ce alors même que ces administrations et entreprises appliquent à titre obligatoire, dans l’exercice de leur pouvoir d’employeur, des dispositions conventionnelles négociées par l’intermédiaire de leurs représentants dans le cadre d’une négociation collective de travail.

 

Dans le cadre de la présente espèce, la totalité des organismes membres du syndicat employeur était des pouvoirs adjudicateurs soumis au droit des marchés publics. La décision de la Cour revient à contraindre le syndicat représentant les organismes employeurs à soumettre le choix de l’assureur désigné aux procédures des marchés publics. Cependant, la Cour ne dit pas ce qui doit se produire lorsque dans le champ d’application d’une même convention collective coexistent des organismes soumis au droit des marchés publics et des entreprises commerciales qui n’y sont pas soumises[11].

 

La Cour se contente de viser les organismes alors que ce sont leurs représentants qui prennent les mesures de désignation dans le cadre de la négociation conventionnelle. A aucun moment la Cour n’évoque que les syndicats – qu’ils représentent les employeurs ou les salariés – pourraient constituer eux-mêmes des pouvoirs adjudicateurs soumis à l’obligation de respecter les procédures de marchés publics. Il est vrai que la question ne lui était pas posée.

 

C’est dommage car c’est véritablement celle qui se pose aux partenaires sociaux français.

 

 

4. En droit français[12], trois procédures légales sont applicables en matière de marchés publics. La première relève du Code des Marchés Publics qui a un champ d’application strictement limité aux marchés conclus par l’Etat et ses établissements publics administratifs, ainsi que par les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

La seconde relève de l’article L. 124-4 du code de la sécurité sociale, qui soumet les organismes de sécurité sociale aux procédures de passation des marchés publics. La troisième relève de l’Ordonnance n°2005-649 du 6 Juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des Marchés Publics. Cette Ordonnance, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er Septembre 2005, transpose la Directive 2004/18/CE du 31 Mars 2004.

 

En France, il ne fait aucun doute à la lumière de l’Arrêt de la CJUE, qu’une collectivité territoriale désireuse de mettre en place un dispositif de protection sociale au bénéfice de ses agents contractuels soumis au droit du travail devra passer par les procédures de marché public. Il en sera de même d’un établissement public administratif, soumis au droit du travail dans ses rapports avec tout ou partie de son personnel. Ces deux organismes sont indiscutablement des pouvoirs adjudicateurs soumis au code des marchés publics. De même, les organismes de sécurité sociale désireux de négocier, par la voie de leurs représentants, un dispositif de protection sociale pour leurs salariés de droit privé, seront contraints d’en passer par les dispositions de l’article L. 124-4 du code de la sécurité sociale[13].

 

Cependant, le code des marchés publics et l’article L. 124-4 du code de la sécurité sociale ont un champ d’application strictement délimité ; ils ne s’appliquent pas aux représentants patronaux et salariés qui négocient la mise en œuvre d’une couverture collective obligatoire. La question de l’application des dispositions de l’Ordonnance de 2005 peut en revanche se poser, puisque c’est précisément pour se mettre en conformité avec les dispositions communautaires – dont le champ d’application est beaucoup plus large – que le droit interne a mis en place une procédure spéciale pour les marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des Marchés Publics. 

 

L’Ordonnance du 6 Juin 2005 délimite son champ d’application au regard de la notion de « pouvoir adjudicateur » telle qu’elle ressort des Directives communautaires ; elle reprend la définition des Directives de 1992 reprise par la Directive 2004/18/CE du 31 Mars 2004. Les dispositions récentes du droit français peuvent donc valablement s’éclairer des décisions plus anciennes rendues par la CJCE.

 

Les pouvoirs adjudicateurs sont les organismes de droit privé ou public dotés de la personnalité juridique, qui ont été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, et qui sont dépendants d’un autre pouvoir adjudicateur au sens du code des marchés publics ou de la présente ordonnance (soit leur activité est majoritairement financée par d’autres pouvoirs adjudicateurs, soit leur gestion est contrôlée par d’autres pouvoirs adjudicateurs, soit leurs membres dirigeants sont majoritairement nommés par des pouvoirs adjudicateurs).

 

La jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européenne rappelle depuis 1992 de manière constante le caractère cumulatif des trois critères[14], si bien qu’il faut écarter l’hypothèse qu’une branche puisse être considérée en elle-même comme un pouvoir adjudicateur, faute d’être dotée de la personnalité morale. Encore que l’on puisse observer que la réunion d’un intérêt commun, distinct des intérêts individuels, et d’une organisation capable de dégager une volonté collective pour l’atteindre caractérise en droit français la personnalité juridique[15].

 

Pour leur part, les syndicats et organisations patronales signataires des accords collectifs sont incontestablement des personnes morales de droit privé. Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure ils pourraient se voir appliquer la qualification de pouvoir adjudicateur.

 

Il pourrait valablement être soulevé que la création des syndicats et organisations représentatifs des salariés et employeurs répond à l’objectif de satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial. Depuis longtemps la CJCE a jugé que les partenaires sociaux négociateurs qui mettent en œuvre par voie conventionnelle un régime de retraite complémentaires à but non lucratif poursuivent un objectif social essentiel et remplissent une mission sociale particulière d’intérêt général[16].

 

On peut sérieusement douter en revanche que les syndicats et organisations patronales répondent aux critères de dépendance vis à vis de l’Etat, tels que définis par l’Ordonnance. L’Etat ne nomme pas les membres de leurs organes dirigeants. On ne peut pas dire non plus que les organisations syndicales[17] ou les entreprises mettant en place des dispositifs collectifs de protection sociale bénéficient d’un financement émanant majoritairement de fonds publics, même si ces dispositifs font l’objet d’exonérations sociales et fiscales.

 

La notion de contrôle de gestion pourrait  donner lieu à plus d’interprétation ; la Cour de Justice des Communautés Européennes a déjà montré qu’elle s’attache à une approche « fonctionnelle » de l’organisme, examinant la nature et les conditions d’exercice de l’activité en cause. En d’autres termes, il convient d’examiner si les différents contrôles des pouvoirs publics auxquels sont soumis les partenaires sociaux négociateurs des accords, les placent dans une situation de dépendance dans l’exercice de la négociation, analogue à celle qui résulterait d’un financement public majoritaire ou d’une maîtrise de leurs organes de direction ou de surveillance, car s’il en était ainsi, lesdits pouvoirs publics seraient en mesure d’influencer leurs décisions en matière de marchés publics[18]. La Cour de Justice des Communautés Européennes a eu l’occasion de préciser par la suite qu’un simple contrôle a posteriori ne suffit pas à satisfaire le critère de contrôle de gestion, tant qu’un tel contrôle ne permet pas aux pouvoirs publics d’influencer les décisions de l’organisme concerné en matière de marchés publics[19].

 

Il n’est pas aisé de transposer cette jurisprudence à l’exercice de la négociation collective qui offre cette spécificité que ce ne sont pas les personnes morales négociatrices qui font l’objet d’un contrôle mais les actes émanant de la négociation collective.

 

Il faut distinguer ici différents niveaux de négociation collective, graduant une influence de plus en plus prégnante de la puissance publique : celui de la négociation des garanties collectives complémentaires dans le cadre des conventions et accords professionnels (étendus et élargis sur demande des partenaires sociaux signataires), celui de la négociation des accords nationaux interprofessionnels AGIRC et ARRCO (étendus-élargis, l’intervention de l‘Etat conditionnant leur mise en œuvre) et enfin celui de la négociation des accords relatifs à l’assurance chômage (dans lesquels les partenaires sociaux exercent leurs attributions par délégation de l’Etat).

 

S’agissant de la désignation d’un ou plusieurs organisme assureur dans le cadre de la mise en place de couvertures collectives par voie d’accords professionnels, il n’apparaît pas que les procédures d’extension et d’élargissement prévues par le code du travail – telles qu’elles sont actuellement appliquées – puissent suffire à caractériser une faculté des pouvoirs publics d’influer sur les choix des partenaires sociaux dans l’exercice de leur pouvoir de négociation conventionnelle. Si le refus d’extension peut constituer, de manière informelle, une menace suffisante pour conduire parfois les partenaires sociaux à nuancer leur texte, il n’apparaît pas de nature à caractériser une influence décisive dans la passation d’un éventuel marché public, au sens de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

 

 

5. Seules les personnes morales soumises aux dispositions de l’Ordonnance du 6 juin 2005, supportent une obligation légale de choisir leurs fournisseurs et prestataires par la voie d’une procédure de passation de marché public précisément définie par les textes, en fonction de la taille du marché considéré. Les partenaires sociaux ne supportent pas d’obligation à ce titre lorsqu’ils négocient et confient à un ou plusieurs organismes désignés le soin d’assurer les couvertures collectives qu’ils mettent en place par voie conventionnelle.

 

Cette solution permet aux partenaires sociaux d’échapper aux coûts et aux lourdeurs engendrés par la nécessité de passer par les procédures de marchés publics dont les conditions de transparence ne sont pas nécessairement plus satisfaisantes, dès lors qu’elles peuvent tout autant être tournées.

 

Elle n’exonère cependant pas les négociateurs de leurs obligations quant aux objectifs de solidarité poursuivi par les régimes relevant de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale. Si aucune obligation légale de passation de marché ne pèse sur les partenaires sociaux lors de la mise en place du régime ou de son réexamen, il faut rappeler que l’accord collectif doit prévoir, dès l’origine, une clause définissant les modalités de ce réexamen et que la présence de cette clause dans l’accord est une condition de son extension[20]. Les partenaires sociaux pourraient trouver avantage à étayer les raisons de leurs choix et leurs critères de renouvellement[21], ne serait-ce que pour garantir une sécurité de leur dispositif face aux exigences de la jurisprudence européenne et éviter que le législateur français ne finisse par leur imposer une procédure d’appel au marché plus coercitive[22].




 

[1] La pratique des co-désignations pose nombre de questions juridiques et techniques qui ne sont pas abordées dans cet article

 

[2] Cf notamment, C.Versailles 18 mai 1990 ; C.Paris 5 décembre 1990 : RDSS 1991 p. 465 note D. Thouvenin ; avis du Conseil de la concurrence du 21 janvier 1992 : Droit social 1992 p. 407, obs. J.J. Dupeyroux ; CE 7 juillet 2000 et 19 mai 2008 ;  CJCE Arrêts du 21 septembre 1999 Brentjens, Drijvende Bokken, Albany, Van der Woude dits des « fonds de pension hollandais ».

 

[3] Cass Soc. 10 octobre 2007 ; S. Millet « L’impossible résistance des entreprises aux systèmes obligatoires de mutualisation des risques », JCP Soc, nov 207 p. 11.

 

[4] J.J. Dupeyroux, « Les exigences de la solidarité » : Droit social 1990 p. 742 ; J. Barthélémy, « Solidarité et accords de protection sociale complémentaire » in « Analyse juridique et valeurs en droit social », études offertes à J. Pélissier : ouvrage Dalloz novembre 2004 p. 27 ; « Précis Dalloz de sécurité sociale » 16ème édition de J.J. Dupeyroux, M. Borgetto, Robert Lafore, sous-partie 2 « La protection sociale complémentaire » n° 1457 et suivants.

 

[5] JP. Lhernoud, « négociation collective, monopole des organismes de protection sociale et la CJUE », Liaisons Sociales Europe 2010 n°…, p…

 

[6] Directive 92/50/CE du 18 Juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, Directive 93/36/CE du 14 Juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, Directive 93/37/CE du 14 Juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux.

 

[7] Il existe un régime particulier concernant les opérateurs économiques dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications, désormais régis par la Directive 2004/17/CE du 31 Mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux.

 

[8] Elle a ainsi considéré comme satisfaisant au critère de l’onérosité le fait qu’une collectivité renonce au versement d’une contribution aux charges d’équipement prévue par la loi et due par un lotisseur au titre de l’octroi du permis de construire en contrepartie de la construction d’un ouvrage (CJCE 12 Juillet 2001 ORDRE DES ARCHITECTES DE LA PROVINCE DE MILAN ET DE LODI, rec. p. 5435).

 

[9] CJCE 18 Novembre 2004 COMMISSION c/ ALLEMAGNE, Contrats et Marchés Publics, Janvier 2005 comm. 6.

 

[10] Contrairement au droit de la concurrence où la jurisprudence, nationale comme européenne, opère une « segmentation des activités » pour déterminer le champ d’application du droit de la concurrence. Cf. les arrêts « COREVA », CJCE 16 Novembre 1995 rec. p 402 et Conseil d’Etat 8 Novembre 1996, RJS 2/97 n°195.

 

[11] Soit les éléments de solidarité mis en œuvre par le régime imposent une mutualisation unique à toute la branche et un pouvoir adjudicateur ne devrait pas pouvoir invoquer le résultat d’une procédure de passation de marchés publics pour adhérer à un autre assureur à des conditions différentes, soit ce n’est pas le cas… et la clause de désignation n’est pas valable (en l’espèce, le dispositif de retraite par capitalisation mis en place ne semblait pas nécessiter de mutualiser à l’échelle de la branche).

 

[12] Cet article doit beaucoup aux patientes recherches de mon collaborateur Dominique Piau, qu’il en soit ici remercié

 

[13] Il en est ainsi pour l’UCANSS.

 

[14]  CJCE 10 Novembre 1998 BFI HOLDING, rec. p. 6846 ; CJCE 10 Mai 2001 AGORA & EXCELSIOR, rec. p. 3626 ; CJCE 27 Février 2003 ADOLF TRULEY, Contrats et Marchés Publics 2003 comm. 94 ; CJCE 22 Mai 2003 ARKKITEHTUURITOIMISTO RIITTA KORHONEN OY, Contrats et Marchés Publics 2003 comm. 168.

 

[15] L. Michoud, « La théorie de la personnalité morale » LGDJ, 1924 – C’est d’ailleurs l’origine des « L4 » aujourd’hui disparues, mais dont nous gardons des traces dans la confusion des rôles qui s’opère entre une Commission Paritaire Nationale et la commission paritaire d’une Institution de Prévoyance de branche, et n’a jamais été éclaircie par le législateur. Si la personnalité juridique était reconnue à la Commission Paritaire qui négocie et met en oeuvre un dispositif de protection sociale, il serait aisé d’identifier avec qui l’assureur doit signer son contrat collectif d’assurance.

 

[16] Cf. Albany et autres préc.

 

[17] La question pourra peut-être évoluer si le législateur prend des mesures relatives au financement des syndicats, comme il en a pris pour les partis politiques

 

[18] ainsi, elle a pu estimer que cette dépendance était caractérisée par l’encadrement très étroit de l’activité des Sociétés Anonymes de HLM tant par la réglementation à laquelle elles sont soumises que par les contrôles pesant sur leur activités et les compétences du ministère à leur égard pouvant aller jusqu’à prononcer la dissolution d’une Société Anonyme d’HLM (CJCE 1er Février 2002 COMMISSION c/ FRANCE, Contrats et Marchés Publics 2001 comm. 64).

 

[19]  CJCE 27 Février 2003 ADOLF TRULEY, Contrats et Marchés Publics 2003 comm. 94.

 

[20] Les dispositions du Titre Ier du Livre IX du code de la sécurité sociale sont d’ordre public (article L. 914-1).

 

[21] Nous partageons sur ce point les observations de J. Barthélémy, cf. « Réflexion prospective sur l’extension des accords de protection sociale », Droit Social 2010, p.182.

 

[22] … peut être inspirée des conditions fixées par le décret n°2007-1373 du 19 septembre 2007 relatif à la participation de l’Etat et de ses établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leur personnel.

RETRAITE CHAPEAUX

Mercredi 30 novembre 2011

Quel devenir pour les « retraites chapeaux » ?

Voir les discussions

Ecrit par Jacques Barthélémy, publié le 28 novembre 2011

 

 

« La position prise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 octobre 2011 (réponse à la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Luc O., l’Association de défense des retraites supplémentaires d’entreprise (Adrese), MM. Jean-Claude A. et Alain V., relative à la conformité du troisième alinéa de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale aux droits et libertés que la Constitution garantit) est sans surprise » (AEF n°156578),  observe Jacques Barthélémy, avocat conseil en droit social, ancien professeur associé à l’université de Montpellier et fondateur du cabinet Barthélémy. « On cherchera en vain en effet le caractère anticonstitutionnel du dispositif né de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances 2011 », écrit-il dans le point de vue confié à AEF (Les intertitres sont de la rédaction). « Non seulement le prélèvement nouveau sur les rentes ne porte pas atteinte au droit à la retraite, mais encore le prélèvement opéré sur le montant des rentes en cours est fondé de manière objective et rationnelle. Le Conseil constitutionnel tient ainsi à souligner que les effets de seuil organisés par ces textes nouveaux ne sont pas excessifs et ne créent pas dès lors de rupture caractérisée de l’égalité devant l’impôt (exigence constitutionnelle majeure qui est, du reste, à l’origine de la règle de neutralité fiscale sous plafond des contributions alimentant des prestations de retraite supplémentaire) ».

« Ceci étant, les ‘retraites chapeaux’ ne sont pas sans poser de problèmes sérieux. Ce qui les caractérise n’est pas, comme présenté trop souvent, y compris par des techniciens de la matière, le fait que le système est à prestations définies, mais bien le fait que le droit à prestation n’est acquis que si les intéressés sont présents dans les effectifs de l’entreprise le jour du départ en retraite. C’est cet aléa qui est déterminant, ceci d’autant que c’est grâce à lui qu’on a pu, en quelque sorte, résoudre la délicate question de la ‘quadrature du cercle’, à savoir faire en sorte qu’une somme n’entre pas dans l’assiette de l’impôt sur le revenu mais qu’elle soit néanmoins déductible de celle de l’impôt sur les sociétés. La tolérance fiscale qui en est résulté n’a pas résolu tout le problème – et c’était prévisible – dans la mesure où les organismes de sécurité sociale ne pouvaient être tenus par cette solution.

« D’où une jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation dont il est résulté que les contributions des entreprises visant à constituer progressivement les capitaux de couverture des rentes étaient des salaires au sens de l’article L242-1 1er alinéa du code de la sécurité sociale. Et ceci peu important qu’elles ne soient pas versées à un assureur, donc qu’elles soient matérialisées en provisions dans les comptes de l’entreprise.

Des « retraites haut-de-forme »

« C’est au vu de cette opposition entre la tolérance de la direction fiscale et la rigueur de la jurisprudence sociale qu’a été conçu, dans la loi de 2003, l’article L 137-11, dont l’économie se résume à l’affirmation de la nécessité, pour ces systèmes, de contribuer à la solidarité qui irrigue les régimes légaux de sécurité sociale, tout particulièrement en matière de retraite. Ceci d’autant que, même si potentiellement ces systèmes peuvent être conçus au bénéfice de tous les salariés, les entreprises, petites ou grandes, ne les réservent souvent qu’aux cadres dirigeants. D’où d’ailleurs l’affirmation, pleine d’humour, de ‘retraite haut-de-forme’ employée par les magistrats de la Cour de Cassation (l’expression a été inscrite, semble-t-il, par l’avocat général Kissous).

« Le principal reproche qui peut être fait à ces systèmes vient du droit communautaire, spécifiquement des dispositifs relatifs à la libre circulation des travailleurs, au sens des (anciens) articles 39 à 51 du traité de Rome. L’aléa de la présence dans les effectifs le jour de départ en retraite est, à l’évidence, un obstacle à la mobilité. Cette exigence du droit communautaire condamne à elle seule les régimes chapeaux. À noter que, pour les mêmes raisons, le droit des indemnités de fin de carrière est contestable, d’autant qu’elles sont comptablement provisionnées. Cela devrait inciter à les remplacer par un capital s’acquérant progressivement tout au long de la carrière. Voilà pourquoi – à défaut d’avoir pu anéantir de telles constructions, le ministre de la sécurité sociale n’a cessé, depuis 2003, de charger de plus en plus la barque pour dissuader les entreprises de recourir à de telles constructions …. outre que cela contribue à combler le déficit de la sécurité sociale !

Au nom de l’égalité de traitement

« Ceci étant, au-delà de l’avantage fiscal éloquent que représente les provisions des engagements mais aussi de n’en prévoir que les années où l’entreprise fait des bénéfices ce qui permet de lisser les résultats des bénéfices, les régimes chapeaux répondent à un impératif en matière sociale. La règle de neutralité fiscale et sociale sous plafond des contributions destinées à alimenter des garanties supplémentaires de retraite a été conçue en fonction du souci de respecter l’exigence constitutionnelle d’égalité de traitement devant l’impôt ; cela s’est concrétisé par la non-imposition de ces contributions tant que le montant des prestations qu’elles génèrent n’excède pas celui des pensions des fonctionnaires. C’est sur la base de ce principe qu’a été, à l’origine, créée la fameuse règle des 19 %.

« Oui, mais le seuil de déclenchement de la qualification de salaire a été calculé, dans la perspective de l’alignement avec la règle des 2 % du salaire par année d’activité en vigueur dans la fonction publique, pour une carrière pleine et relativement linéaire. Si la carrière est courte et surtout exponentielle, le montant des revenus de substitution du salaire résultant de la Cnav, de l’Arrco et de l’Agirc plus les rentes nées des garanties supplémentaires alimentées par les cotisations ‘disponibles’ sera inférieur à ce que percevra un fonctionnaire. Voilà pourquoi, les régimes à prestations définies peuvent être utiles. Si on écarte l’aléa de la présence dans les effectifs à l’âge de la retraite, les droits à rente seront proportionnels et s’acquerront progressivement au long de la carrière. De ce fait, les règles de neutralité sous plafond, fiscale (article 83 du code général des impôts) et sociale (article L242-1 6 à 8 alinéas du code de sécurité sociale) s’appliquent à ces contributions, dans les mêmes conditions que ce qui vaut pour les systèmes à cotisations fixes.

Construite un nouveau régime

« Partant de ce constat, une solution s’impose. Elle consiste à abandonner complètement les régimes chapeaux, donc à abroger l’article L137-11-1 du code de la sécurité sociale et à distinguer, en matière de neutralité fiscale et sociale sous plafond, les retraites d’une part des personnes ayant une carrière pleine et relativement linéaire d’autre part celles ayant une carrière exponentielle pour lesquelles le plafond au-delà duquel la cotisation redevient salaire serait défini différemment, ceci dans le respect du principe constitutionnel d’égalité de traitement devant l’impôt.

« La seule règle pertinente est celle qui consiste à rendre neutres les contributions ou cotisations tant que le montant des prestations n’excède pas, en pourcentage du salaire, ce qu’un fonctionnaire peut prétendre avec la règle des 2 %. C’est la solution en vigueur aux Pays-Bas avec la règle des 70 % du dernier salaire. La difficulté à la mettre en œuvre vient du décalage de plusieurs décennies entre le moment où les contributions sont versées et celui où le seront les prestations qu’elles génèrent. C’est du reste pour cela que, après un premier BOCD (Bulletin officiel des contributions directes) de 1963 dans lequel la tolérance administrative concernait les contributions alimentant des prestations ne dépassant pas les droits des fonctionnaires, le BOCD du 27 avril 1967 (suivi d’une construction fiscale en 1976) est venu relever le montant maximum des cotisations permettant de concrétiser ce principe. Mais du fait de la baisse sensible du ‘rendement’ des régimes tant légaux que conventionnels obligatoires, la règle des 19 % – même revisitée avec celle des 8 % après intégration de L’Agirc et de l’Arrco dans le premier pilier – ne reflète plus l’objectif, louable et d’essence constitutionnelle, lié au niveau des prestations ; cette règle est devenue purement technocratique, abstraite.

« Alors il faut maintenant construire un nouveau régime de neutralité sous plafond qui, en s’appuyant sur des systèmes à prestations définies garanties, puisse introduire l’égalité de traitement, que la carrière soit complète et linéaire ou courte et exponentielle. Messieurs les actuaires, à vos calculettes ! » (SOURCE AEF)

suite : Générations & investissement (5/7) – La génération Y (1980-1999)

Mercredi 30 novembre 2011

 

 

 

1

 

Le terme génération Y désigne la génération sociologique des personnes nées entre 1980 et 1999. Les Américains utilisent également l’expression digital natives ou netgeneration pour pointer le fait que ces enfants ont grandi dans un monde où l’ordinateur personnel et Internet sont devenus de plus en plus accessibles. Internet, la télévision et les réseaux sociaux ont pris le dessus sur l’armée, l’éducation, la religion et la famille.

Les Y en bref selon Wikipédia :

  • Ils n’ont pas eu à subir la menace d’apocalypse de la guerre froide.
  • Ils considèrent comme acquises et parfois dépassées les transformations morales des années 1960 et 1970.
  • Ils n’ont pas connu le monde sans le sida.
  • Ils étaient suffisamment jeunes lors de l’introduction massive de l’informatique grand-public et de l’électronique portable pour en avoir acquis une maîtrise intuitive qui dépasse généralement celle de leurs parents (d’où le nom de « digital natives »).
  • Ils sont nés avec les débuts de l’intérêt du grand-public pour l’écologisme (qui était précédemment l’affaire d’une minorité, et souvent assimilée à l’extrême gauche).
  • Ils sont nés alors qu’IBM avait choisi le système d’exploitation de Microsoft pour son PC.

Autant les «  X » sont cyniques, autant les « Y » sont confiants dans l’avenir. Pourtant, depuis qu’ils sont sur le marché du travail, l’économie accumule récession sur récession. Les « Y » connaissent ainsi le chômage dès la sortie de l’école malgré leurs diplômes, leur curiosité et leur habileté avec les nouvelles technologies. Les crises économiques, dont la bulle internet en 2000 et la récente crise financière leur ont rendu l’accès au logement plus difficile ce qui fait qu’ils quittent le domicile familial plus tard que les générations précédentes.

Ils ont néanmoins raison d’être optimistes. D’ici 2015, la génération Y devrait représenter 15 % de la population européenne et 40 % des actifs en France. Avec le départ des boomers à la retraite, une pénurie de main d’œuvre s’annonce à l’horizon 2017. Ceci dérange d’ailleurs certains employeurs : les « Y » sont rares et savent ce qu’ils valent. Pour les membres de cette génération, l’autorité n’est pas toujours synonyme de compétence. Ils n’ont pas peur de se comparer aux autres. Ils sont autant à l’aise pour communiquer à l’aide des technologies que directement. Ils refusent de travailler durant les fêtes et week-ends et veulent des congés pour décompresser, car la santé mentale et physique s’avère être leur priorité. Ils recherchent une meilleure qualité de vie, en conciliant travail et intérêt personnel. Ils pensent à court terme et sont très mobiles.

Les « Y » aiment comprendre ce qu’il se passe, trouver un sens dans ce qu’ils font. L’origine du nom viendrait pour certains de la phonétique anglaise de l’expression « Y » (prononcer « Why »), signifiant « pourquoi ».

Si les « X » s’affichent un peu comme l’antithèse des boomers, les « Y » sont plus près d’une synthèse des deux générations précédentes. Ils sont très proches ainsi par certains côtés des « X », tout en y ajoutant une touche « boomer » qui marque leur différence. Tandis que les « X » rejettent et fuient la hiérarchie, les « Y » remettent en question leur compétence, mais sans toutefois le côté revendicateur desboomers. Les « X » et les « Y » recherchent la qualité de vie, l’équilibre vie privée/vie professionnelle. Tandis que les « X » arbitreront en faveur de la vie privée, les « Y » feront en sorte de gagner sur les deux tableaux, en se basant sur leurs compétences, pour ne pas perdre le pouvoir d’achat nécessaire pour assouvir leurs besoins de consommation. Si les boomers recherchaient la réussite pour s’accomplir, les « Y » recherchent avant tout la réussite financière, lui permettant de consommer à sa guise.

Comme pour les « X », le côté relationnel, le travail en équipe, l’éthique et le développement durablesont plus importants pour les « Y » que les réussites personnelles. Pourtant cette génération est plus friande des marques, des biens de consommation, ce qui les rapproche un peu des boomers. On peut considérer les « Y » comme des « indépendants sociaux ». Leurs besoins relationnels sont paradoxalement d’autant plus importants qu’ils sont indépendants. Ils se regroupent avec des gens qui ont les mêmes affinités, ils forment des communautés, ils échangent sur des plateformes virtuelles, des forums, des blogs… et tout naturellement les réseaux sociaux.

Les « Y » qui influencent le monde sont encore plus rares que les « X », étant donné leur âge. Il y a cependant fort à parier que leur recherche de réussite financière, leurs diplômes et leur côté « indépendant social » leur fasse accéder rapidement aux postes stratégiques abandonnés par les papy boomers, pour lesquels les « X » n’ont pas forcément d’intérêt.

Il y a néanmoins un exemple célébrissime d’entreprise fondée et dirigée par un « Y », Mark Zuckerberg (1984), et qui est faite sur mesure pour cette génération : 72% des utilisateurs de Facebookont moins de 34 ans. Selon le Wall Street Journal, en mai 2009, un investisseur russe aurait proposé 200 millions de dollars afin de porter le capital de l’entreprise à 10 milliards de dollars à condition de disposer d’un siège au conseil d’administration. Mark Zuckerberg aurait refusé car il déclare n’être ouvert qu’à des propositions qui offriront davantage de latitude à son réseau social. Social, mais indépendant, un « Y » pur sang.

Mentor de Zuckerberg, Steve Jobs avait beaucoup d’admiration pour son jeune poulain et pour son refus de vendre Facebook. L’entreprise passera en IPO dès avril 2012, devrait lever 10 milliards et être évaluée à 100 milliards de capitalisation boursière le premier jour de trading.

Même si leurs objectifs sont différents, les boomers et les « Y » partagent une certaine forme d’indépendance et de soif de succès. D’après le classement Forbes 2010 des plus grosses fortunes de la planète, la fortune de Mark Zuckerberg est estimée à 6,9 milliards de dollars. Il détenait à 23 ans le titre duplus jeune milliardaire de la planète.

Vers une révision des taxes sur les retraites chapeaux ?

Lundi 28 novembre 2011

La commission des Finances souhaite à l’occasion de l’examen du collectif budgétaire durcir fortement la taxation des très grosses retraites chapeaux.

 

 

 

La taxation des retraites chapeaux a connu de multiples modifications au Parlement l’an dernier, au point d’aboutir à un système complexe et peu lisible. La commission des Finances souhaite donc remettre l’ouvrage sur le métier lors de l’examen du collectif budgétaire, qui commence mardi 29 novembre à l’Assemblée nationale. Et durcir fortement, au passage, la taxation des très grosses retraites chapeaux.

 

Il existe actuellement deux barèmes, selon la date de liquidation de la pension. Pour les retraites liquidées avant le 1er janvier 2011, les rentes mensuelles inférieures à 500 euros sont exonérées, celles comprises entre 500 et 1.000 euros sont taxées à hauteur de 7 % sur la fraction dépassant 500 euros, et celles qui dépassent 1.000 euros par mois sont taxées à hauteur de 14 %, là encore sur la fraction qui dépasse 500 euros. Pour les retraites liquidées depuis le 1er janvier 2011, l’exonération est complète en dessous de 400 euros de rente mensuelle, la taxation est ensuite de 7 % sur l’ensemble de la rente (au premier euro) entre 400 et 600 euros, et de 14 % au-delà, là encore sur toute la pension versée.

Un taux marginal de taxation à 28 % au-dessus de 24.000 euros par mois

 

Les effets de seuil sont nombreux, et, à droite comme à gauche, certains jugent que des salariés bénéficiant de petites retraites chapeaux sont trop pénalisés, notamment dans la sidérurgie. A l’inverse, la taxe ne semble pas suffisante pour dissuader les entreprises d’accorder des retraites chapeaux importantes à certains dirigeants.

 

Un amendement de l’UMP prévoit dès lors de conserver les taux et les seuils actuels, mais en stipulant qu’il s’agirait désormais de taux marginaux de taxation (ne concernant que la somme versée au-delà du seuil), comme pour l’impôt sur le revenu. Exemple : pour une personne touchant 1.100 euros de retraite chapeau par mois, la taxation annuelle passerait de 1.008 euros à 588 euros si la pension a été liquidée avant 2011, et elle serait ramenée de 1.848 euros à 1.008 euros si elle a été liquidée après. L’allègement serait donc important à ces niveaux de pension.

 

Pour les retraites chapeaux qui dépassent 24.000 euros par mois (huit fois le plafond de la Sécurité sociale), un taux marginal de taxation à 28 % serait en revanche créé. Le président de la commission des Finances, Jérôme Cahuzac (PS), défend un taux de 34 % à partir du même seuil (24.000 euros par mois), qui déclenche par ailleurs, depuis 2011, la contribution additionnelle de 30 % due par l’entreprise qui verse la pension. Les députés de gauche et de droite devraient se retrouver sur le doublement, au minimum, de la taxe pour les très grosses retraites chapeaux.

ETIENNE LEFEBVRE (les echos)

génération et investissements

Jeudi 24 novembre 2011

j’ai trouvé en farfouillant sur le net une série d’articles interessants sur la relation entre génération et investissement.

Il s’agit de 7 articles de Jérome Werten (4 sont déjà en ligne, les 3 autres sont annoncés) consultables en ligne sur le blog objectifeco (comme j’ai fini par comprendre que je suis une sous-geek je vous donne la référence du blog au cas ou les liens ne seraient pas correctement repliqués).

Selon Wikipédia, une génération est un concept sociologique utilisé en sociodémographie pour désigner une sous-population dont les membres, ayant à peu près le même âge ou ayant vécu à la même époque historique, partagent un certain nombre de pratiques et de représentations du fait de ce même âge ou de cette même appartenance à une époque. La durée d’une génération humaine correspond généralement au cycle de renouvellement d’une population adulte apte à se reproduire, à savoir environ 20 ans.

 

Les générations qui se côtoient actuellement sont (par ordre chronologique) la génération silencieuse(1925-1945), les baby boomers (1943-1959), la génération X (1959-1981), la génération Y (1980-1999) et la nouvelle génération silencieuse (1995-…). Notons qu’il s’agit d’une typologie dont les frontières sont vagues autant du point de vue des dates que de leurs caractéristiques. Certains traits culturels peuvent se retrouver autant chez les « Y » que chez les « X » ou même chez les « boomers ». De même les différences individuelles sont parfois supérieures au sein d’une génération qu’entre les différentes générations. On peut retrouver ainsi avec un « Y » avec une mentalité de « vieux », tout comme un « boomer » plus jeune dans la tête que jamais…

Chaque génération a ses habitudes, ses opinions et ses manières d’agir. Les retraités d’aujourd’hui ont été à la tête du monde politico-économique d’hier et leurs systèmes de pensée nous ont influencé et nous influencent encore à ce jour. Les top managers actuels façonnent aussi notre manière de vivre et ils seront remplacés à leur tour par une nouvelle génération de dirigeants avec de nouvelles représentations. Chaque cohorte laisse une empreinte différente sur la société après son passage.

Nous entamons aujourd’hui une série de sept articles passant en revue ces générations, leurs influences sur le monde économique et financier, et les implications pour nous, les investisseurs. Notre prochain article sur cette série sera consacré à la génération silencieuse (1925-1945), la plus ancienne des générations qui influence encore directement le monde d’aujourd’hui.

Jérôme Werlen : Générations & investissement (2/7) – La génération silencieuse (1925-1945)

 

 

 

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(article du 9 novembre 2011)

 

 

 

La génération silencieuse est née entre 1925 et 1945, soit entre la grande dépression et la deuxième guerre mondiale. Selon Wikipédia, elle est réputée travailler dur et ne pas être revendicative, d’où son nom. On décrit les « silencieux » comme fatalistes, conventionnels, possédant un sens moral aléatoire, s’attendant au pire mais restant dans l’espérance. S’il y a bien un investisseur célèbre qui représente cette génération, c’est bien notre cher ami Warren Buffett (1930) : travailleur, conventionnel et discret.

Warren est millardaire, mais il vit, se nourrit, se loge, s’habille et se déplace (sauf pour motifs professionnels) comme tout un chacun ou presque. Ses placements sont pépères, il choisit quelques très bonnes sociétés, investit sur la durée et il bat tous les jeunes loups qui tradent sur des titres pourtant bien plus spéculatifs. Il a vu arrivée l’explosion de la bulle Internet alors même que tout le monde le traitait de « has been ».

Les « silencieux » ont tenu les rênes de la société durant la période économique faste qui a suivi les crises pétrolières des années ’70, comprenant l’arrivée en masse du PC, la chute du mur de Berlin, la première guerre du Golfe et jusqu’à la révolution Internet. Ils ont donc vécu une jeunesse entachée par la crise économique et la guerre, mais leur côté travailleur et conventionnel a posé les bases d’une croissance relativement stable entre 1980 et 2000.

Alan Greenspan (1926), président de la FED jusqu’en 2006 est lui aussi un représentant de la génération silencieuse. Ayant vécu une jeunesse marquée par les conséquences du krach de 1929, avec la crise bancaire et économique qui ont suivi, et jusqu’à la guerre, il est passé maître dans l’art de maîtriser l’inflation et de gérer les crises. Magic Greenspan a su éviter toutes les catastrophes. Ou presque. Beaucoup lui reprochent sa gestion de la bulle Internet qui a été le déclencheur, quelques années plus tard de la crise des subprimes. Voulant sans doute réguler au mieux les marchés, et éviter un scénario à la 1929, il a en effet pratiqué une politique particulièrement expansive, avec des taux d’intérêts très bas, avant de les redresser de manière conséquente, toujours dans le même souci de juguler l’inflation.

Nicolas Hayek (1928-2010) est aussi un symbole de cette génération silencieuse. Il a toujours déclaré vouloir mourir au travail, chose qu’il a faite le 28 juin 2010, à l’âge de 82 ans ! Le personnage est néanmoins moins conventionnel que d’autres de sa génération, puisque c’est l’inventeur de la célèbre Swatch qui a révolutionné le monde de l’horlogerie et de la Smart, qui se voulait à l’origine être une voiture écolo et peu chère.

Bien que les « silencieux » sont aujourd’hui à la retraite (ou décédés), leur empreinte sur nos sociétés reste encore marquée. On vit en effet sur les bases qu’ils ont posées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, tels que l’Union Européenne, l’euro, et toutes les infrastructures de manière générale. Certains siègent encore dans des conseils d’administration de grandes sociétés.

En tant que retraités par contre, ils sont assez discrets de manière générale, ce qui correspond à leur type sociologique, mais aussi au fait que passablement d’entre eux ne reçoivent pas des rentes extraordinaires.Hormis leurs besoins en soins médicaux et pharmaceutiques, il ne faut donc pas trop compter sur cette génération pour soutenir la croissance économique actuelle et future. Par contre, leurs qualités de travailleurs et de personnes consensuelles et peu revendicatives seraient bien utiles dans la période de rigueur budgétaire que l’on vit en ce moment.

Nous verrons que la donne est sensiblement différente chez les baby boomers.

Jérôme Werlen : Générations & investissement (3/7) – Les baby boomers (1943-1959)

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(article du 16 novembre 2011)

 

 

Selon la théorie de William Strauss et Neil Howe, la génération des boomers occidentaux serait composée en grande partie d’idéalistes et d’égocentriques. Cette génération serait en conflit avec la génération X et aurait parfois des difficultés à comprendre le conservatisme, l’homogénéité et les capacités de travail en équipe qu’arborent leurs enfants de la génération Y. Encore une fois, soulignons que nous parlons ici de typologies sociales réunissant les traits globaux d’une génération. Ce n’est pas parce que l’idéalisme est une caractéristique de beaucoup de boomers qu’il concerne tous les membres de cette génération. On trouvera sans peine aucune des « Y » plus idéalistes que des boomers.

 

Le sociologue français Louis Chauvel souligne la chance historique exceptionnelle des membres de cette génération, dans les pays occidentaux, et souligne ce qu’il considère comme leur responsabilité dans la crise vécue par les générations suivantes.

Il est vrai que les baby boomers ont le cul bordé de nouilles. Ils n’ont pas connu la guerre et ont grandi durant les « Trente Glorieuses », cette forte période de croissance économique entre 1945 et 1973. La plupart des boomers n’ont donc pas connu le chômage en arrivant sur le marché du travail. Bien qu’ils subissent les crises pétrolières de 1973 et 1979, ils retombent dans la croissance durant les deux décennies suivantes. Les boomers commencent à prendre le pouvoir en remplaçant peu à peu les « silencieux » durant les années ’90. Au début du 21e siècle, ils sont au pouvoir dans la plupart des organisations économiques et politiques.

Louis Chauvel n’a pas complètement tort quand il dit que les boomers sont responsables des crises vécues par les générations suivantes. Mais là encore il faut se méfier des généralisations. La recherche du succès et l’individualisme sont des valeurs que les boomers ont érigé au centre des préoccupations de nos société actuelles. Elles rythment nos vies, pour le meilleur et pour le pire. Poussées à l’excès, elles riment avec opportunisme, égocentrisme, corruption, fraude, gaspillage, et pollution.

Il faut bien reconnaître que l’arrivée au pouvoir des boomers coïncide avec de nombreuses crises dont les valeurs qu’ils prônent peuvent être responsables. Cela a commencé par la célèbre faillite en 2001 d’EnronKenneth Lay (1942) , PDG, et Jeffrey Skilling (1953), ex-PDG, ont été accusés et reconnus coupable de nombreux chefs d’accusation, notamment de fraude et de délit d’initiés.

Deux ans plus tard, c’est Calisto Tanzi (1938), fondateur de Parmalat qui est accusé et condamné dans le scandale financier qui a touché sa société. En 2008, Madoff(1938) est accusé et condamné pour avoir monter la plus célèbre chaîne de Ponzi de l’histoire. Même si du point de vue de leur âge Tanzi et Madoff devraient de justesse encore être considérés comme des membres de la génération silencieuse, leur soif de succès à tout prix est plus proche du type sociologique attribué aux baby boomers. Comme nous l’avons déjà dit les frontières générationnelles peuvent être très poreuses.

En 2008, on assiste à l’apogée de ces catastrophes à répétition entamées depuis 2001, avec la faillite de Lehman Brothers. Le PDG et président du conseil d’administration de l’entreprise, Richard S. Fuld, Jr. (1946) est considéré comme l’une des personnalités les plus détestées du monde de la finance selon le Financial Times. En Suisse, c’est Marcel Ospel (1950) qui quitte l’UBS la même année et qui est critiqué pour sa gestion de la banque irresponsable et irrespectueuse envers la Société.

En 2011, Fukushima vient nous rappeler que le développement à tout prix peut avoir des conséquences irréversibles sur le long terme. Les boomers n’ont pas inventé les centrales nucléaires et ils ne sont pas les responsables uniques de cette catastrophe. Mais les valeurs individualistes de nombre d’entre eux sont souvent contradictoires avec toute notion de développement durable et se réalisent ainsi au détriment des générations futures.

La même année, trois ans après la crise financière, on assiste à l’effet boomerang avec une crise budgétaire majeure, la dévaluation du rating de la note des USA, et les profondes inquiétudes à propos de la dette des PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne). L’Angleterre ne va pas mieux, et la France conserve étonnamment son triple A, même si celui-ci ne tient qu’à un fil. Encore une fois, les boomers ne sont pas les responsables uniques de cette crise. Le problème des déficits publics des pays développés remontent à plusieurs dizaines d’années. Mais la soif de succès à tout prix et l’individualisme de nombre d’entre eux ont creusé encore plus le gouffre de la dette et reporté le problème sur les générations futures. G.W. Bush (1946) et N. Sarkozy (1955) peuvent ainsi se vanter d’avoir atteint des records jamais atteints en la matière.

Tout récemment encore, c’est Daniel Vasella (1953) qui s’illustre avec Novartis, en supprimant 2000 emplois, dont 1100 en Suisse, alors même que l’entreprise réalise des milliards de bénéfices. Egocentrisme, quand tu nous tiens…

Pourtant, pourtant… autant l’individualisme, la soif de succès et l’idéalisme, quand ils sont poussés à l’extrême, peuvent amener aux pires catastrophes, autant lorsqu’ils sont utilisés à bon escient, ils peuvent produire de petits miracles.

Steve Jobs(1955), même s’il n’était pas le patron qu’on rêve d’avoir, a changé la vie de millions de personnes en quelques années avec son iPod, son iPhone et son iPad. Il a repris une Apple moribonde, l’a remise sur les rails et en a fait, en 14 ans, la deuxième capitalisation mondiale. L’entreprise doit énormément au charisme, à la pugnacité et à la vision de son patron.

Son concurrent de toujours est Bill Gates(1955), l’homme le plus riche du monde durant de nombreuses années. Il est aussi considéré comme l’homme le plus spammé du monde. Bill Gates est réputé pour n’avoir rien inventé et pour avoir piqué des idées un peu partout, surtout à Apple. Mais son génie commercial et son alliance avec IBM ont fait qu’il a réussi à imposer Windows à travers toute la planète. On peut détester Bill Gates, mais il faut bien reconnaître qu’on est presque obligé aujourd’hui de faire avec lui. Comme Steve Jobs, sa vision, sa soif de succès et sa pugnacité ont été les clés de sa réussite. Son idéalisme prend la forme aujourd’hui de sa fondation humanitaire, dans laquelle il s’investit pleinement et à laquelle il prévoit de léguer la plus grande partie de son héritage.

Pour le meilleur et pour le pire, les boomers ont fondamentalement changé le visage de notre planète. Leur exubérance, leur soif de succès, la recherche du plaisir dans tout ce qu’ils font contraste très nettement avec la génération silencieuse qui a précédé. Ils sont à l’origine des crises comme des plus belles réussites et leurs attitudes extrêmes peuvent peut-être expliquer le comportement chaotique des marchés depuis la fin des années ’90.

S’ils ont semé le doute dans le monde économico-politique, ils possèdent pourtant les clés pour faire redémarrer toute la machine. 43 ans après leur révolution en mai ’68, ils arrivent désormais en fin de carrière professionnelle et se préparent à vivre une retraite bien méritée. Leur condition n’a plus rien à voir avec celle des « silencieux » : la plupart ont des moyens financiers, sont en pleine santé et veulent se faire plaisir. Ces nouveaux papy boomers représenteront sans aucun doute un pilier de la consommation ces prochaines années, notamment dans le domaine de la santé.

Jérôme Werlen : Générations & investissement (4/7) – La génération X (1959-1981)

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(article du 24 novembre 2011)

 

 

La Génération X désigne, selon la classification de William Strauss et Neil Howe, la génération sociologique des Occidentaux nés entre 1959 et 1981. Cette génération est intercalée entre celle des baby-boomers et la génération Y. Les « X » ont grandi alors que leurs parents boomers étaient au travail. Leur jeunesse a été marquée par le déclin de l’empire soviétique et par l’avènement des micro-ordinateurs, du sida et de la mondialisation. Ils sont arrivés sur le marché du travail durant les dernières années prospères avant la bulle Internet mais ont très vite déchanté. Nombre d’entre eux ont connu le chômage assez tôt dans leur carrière. Cette génération a vécu un creux de vague au niveau professionnel, trouvant difficilement des emplois stables et bien rémunérés.

Une partie des « X » a développé une certaine amertume, parfois exprimée sous forme d’agressivité envers les valeurs de la génération précédente. La génération X n’a pas su trouver ses repères, contrairement à celle de ses parents qui sortait de la Seconde Guerre mondiale et devait reconstruire le pays. Les X vivent ainsi dans l’ombre des boomers et cherchent à sortir du schéma « statut-argent-ascension sociale » que ces derniers leur ont imposé.

La réussite de leurs parents, le nouvel ordre mondial et le sida ont rendu les « X » cyniques, mais plutôt passifs, peu revendicateurs et défenseurs de leurs idéaux, au contraire des boomers. Les « X » rejettent les règles mais ne le font pas en combattant, ils préfèrent les éviter ou les tourner en dérision. Cette génération a rendu ainsi obsolète la notion de carrière auprès d’un employeur. Les « X » changent simplement d’emploi lorsque cela ne va plus. Ils échangent aussi volontiers des augmentations de salaire ou des promotions contre plus de temps libre. Contrairement aux boomers, leur réussite professionnelle n’est pas la plus importante à leurs yeux. Ils préfèrent passer plus de temps avec leur famille et leurs amis. Pour eux la qualité de vie est un thème central. Pour les « X » les performances accomplies en équipe sont plus importantes que les réussites individuelles.

Les « X » sont particulièrement à l’aise avec l’informatique et ont expérimenté la magie des premiers balbutiements du Net. Le modem produisait alors de drôles de bruits lors de la connexion au réseau.

Les « X » à la tête de grosses entreprises ou d’Etats sont encore rares. Ceci se comprend par leur âge encore relativement jeune et la soif de pouvoir de leurs prédecesseurs. Le départ à la retraite programmé des boomers leur ouvre donc une voie royale. Néanmoins, il serait étonnant qu’on trouve une proportion de leaders naturels aussi importante chez les « X » que chez les boomers, étant donné l’importance qu’ils attachent à l’équilibre vie professionnelle/vie privée et leur besoin de réussite sociale moindre. En tout cas, le mode de fonctionnement des sociétés qu’ils chapoteront risquent d’être sensiblement différentes que par le passé. Par ailleurs, les « X » étant sensibles au relationnel, ils auront plus tendance que les boomers à veiller aux conséquences éthiques de leurs actes.

Google est un bon exemple de gouvernance d’entreprise à la « X ». Leur produit est simple d’utilisation, sans fioritures, convivial et surtout gratuit. Larry Page (1973) et Sergey Brin (1973) en sont les cofondateurs. Ils sont peu médiatiques, se mettent peu en avant et leur team est plus important que l’ego de chacun d’entre eux, ce qui est tout le contraire d’un Bill Gates ou d’un Steve Jobs.

Google est connue pour une politique d’emploi et de gestion du travail très novateurs et orientés vers la qualité de vie. L’entreprise fonctionne avec une hiérarchie légère et peu contraignante, ce qui est cohérent avec l’aversion des « X » face à un encadrement peu libéral. L’autonomie ainsi accordée leur offre des postes de travail moins stressants. L’horaire est composé de 80 % de travail imposé par la direction et 20 % du temps consacré à des projets autonomes sans restrictions notables. Google s’efforce aussi de créer un cadre de travail motivant. Le géant californien laisse ses employés libres de gérer l’environnement de leur poste de travail et prône le travail en équipe, recherché par les « X ». Les lieux de travail sont également radicalement différents de ceux des autres entreprises : la direction offre à ses salariés l’utilisation gratuite de nombreuses installations de divertissement ou de bien-être. Le Googleplex, siège de l’entreprise, comporte des salles de repos, des salles de billard, des terrains de sport, une piscine, un service de massage ou de coiffure.

Le slogan de Google est « Don’t be evil », soit de toujours se comporter de manière correcte et éthique. Pour être en accord avec sa politique de développement durable, des services de covoiturages sont organisés et les déplacements entre les bâtiments se font à vélo. Les bâtiments sont surmontés de plusieurs milliers de capteurs solaires. La firme de Mountain View a injecté au mois de juin 280 millions de dollars dans l’entreprise SolarCity, ce qui porte ses investissements totaux dans les énergies vertes à 680’000’000 $. En septembre, elle s’est associée à Clean Power Finance et a investi 75 millions de dollars pour installer des systèmes d’énergie solaire chez des particuliers dans le but de démocratiser cette énergie auprès des citoyens.

Une petite histoire belge (réelle) qui illustre bien le mode de pensée « X » de Google : l’affaire a débuté en janvier 2006, lorsque le géant américain de l’Internet a lancé en Belgique son service « Google Actualités », qui recense les principaux titres de l’actualité. La société Copiepresse, qui gère en Belgique les droits des éditeurs francophones et germanophones, avait alors réclamé que Google paie des droits d’auteur à ses membres, ou à défaut qu’il cesse de référencer les articles qu’ils publient. Google avait choisi cette seconde option, mais avait également cessé durant plusieurs mois de référencer les sites de ces journaux sur son moteur de recherche principal, les privant d’une part de trafic. Pendant 3 jours, le consortium de journaux Belges s’est donc mis à genoux devant Google en priant corps et âme de ne pas appliquer la décision du tribunal à la lettre (l’interprétation du juge n’ayant pas la finesse que le consortium aurait bien voulu obtenir). Et pour finir, les sites Internet des journaux Belges sont finalement réindexés par Google. Voilà comment on règle un problème chez les « X » : on l’enlève de l’équation. Plus cynique, tu meurs. On est bien loin de l’idéalisme des boomers, mais c’est quand même diablement efficace.

    Affiliation obligatoire du salarié.

    Mercredi 23 novembre 2011

    Jusqu’ici la jurisprudence, tant interne que communautaire, a pu s’intéresser à l’obligation faite aux employeurs d’une branche de relever de l’assureur unique désigné par les partenaires sociaux dans l’accord collectif professionnel de prévoyance. Mais se pose aussi la question de l’opposabilité de l’affiliation obligatoire à tous les salariés entrant dans le champ d’un accord de prévoyance, que celui-ci soit de branche ou d’entreprise…

     Un arrêt de la cour d’appel de Limoges en date du 17 octobre 2011 éclaire sous un angle différent la question de la validité des clauses de désignation d’un organisme assureur unique pour gérer les garanties collectives de prévoyance. Jusqu’ici la jurisprudence, tant interne que communautaire, a pu s’intéresser à l’obligation faite aux employeurs d’une branche de relever de l’assureur unique désigné par les partenaires sociaux dans l’accord collectif professionnel de prévoyance. Mais se pose aussi la question de l’opposabilité de l’affiliation obligatoire à tous les salariés entrant dans le champ d’un accord de prévoyance, que celui-ci soit de branche ou d’entreprise ». Sur cette question très importante pour toutes les entreprises, Jacques Barthélémy, avocat conseil en droit social, ancien professeur associé à la Faculté de Droit de Montpellier et fondateur du cabinet Barthelemy (1965), livre son analyse à l’AEF (les intertitres sont de la rédaction).Le libre choix d’un salarié peut aisément être écarté si l’on positionne le débat sur le terrain de la libre concurrence. Au demeurant, et même si cela n’apparaît pas à première vue, on peut estimer que la question a déjà été réglée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), outre que la conjonction des articles L 912.1 et L 912.2 du code de la sécurité sociale autorise à penser qu’il en est de même en droit interne (I). Plus intéressante est la question de la compatibilité de cette affiliation obligatoire avec les droits fondamentaux du citoyen tirés de la convention européenne des droits de l’Homme, spécialement de la liberté d’association. Mais ici, le débat peut être biaisé dans la mesure où l’argument avancé dans cette discipline par le demandeur repose essentiellement sur le droit de la Mutualité, alors que peuvent gérer de telles garanties d’autres assureurs (II).

    I – Sous l’angle de la libre concurrence

    Ceux qui, au nom du droit de la concurrence, contestent le bien-fondé d’un accord de branche désignant un assureur dont doivent relever toutes les entreprises pour gérer les garanties collectives de prévoyance, n’ont pas conscience que leur argumentation justifie le refus de salariés d’une entreprise d’être affiliés à l’organisme avec lequel l’employeur a contracté pour le même objet.Aux sceptiques, il convient d’indiquer les arguments qui justifient l’identité, au plan juridique, de ces deux situations.

     1/ D’abord, il aura sans doute échappé aux acteurs du marché de l’assurance que l’article L 912.1 du code de la sécurité sociale – qui rend licite, en droit interne, la mutualisation auprès d’un organisme unique des contributions de toutes les entreprises d’une branche destinées à financer des garanties collectives de prévoyance – est suivi d’un article L 912.2, lequel est relatif aux conditions et limites du choix d’un organisme d’assurance pour couvrir les garanties de prévoyance mises en place au niveau de l’entreprise. La justification de cet article L 912.2 ne peut évidemment se trouver que dans l’opposabilité de l’adhésion à tous les salariés parce que par définition, étant donné que le système est mis en place au niveau d’une seule entreprise, ce n’est pas de l’opposabilité aux employeurs qu’il s’agit.

    Ceci conduit à rappeler que les articles L 912.1 et L 912.2 du code de la sécurité sociale matérialisent une loi d’exception dérogeant, en vertu de l’article 10 de l’ordonnance de décembre 1986 sur la concurrence, codifié en L 420.4 du code de commerce, aux dispositifs interdisant les constitutions d’entente (Article 7 codifié en L 420.1), ainsi que les positions dominantes abusives (article 8 codifié en L 420.2). Autrement dit, en droit interne, l’argument de l’atteinte à l’exigence de libre concurrence est irrecevable s’agissant de systèmes de garanties collectives obligatoires de prévoyance qui ont juridiquement la qualification d’éléments du statut collectif. Au contraire, si l’adhésion y est facultative, qu’elle nécessite une initiative individuelle, on est en présence d’une activité sociale dont le comité d’entreprise pourrait revendiquer la gestion directe au nom de ses attributions dans l’ordre social (L 2323.83 du code du travail).

    Ni « entente illicite » ni « position dominante »

    2/ Ensuite, il ressort d’une jurisprudence communautaire aujourd’hui bien assise que :- les accords collectifs de travail ne peuvent pas constituer une entente illicite, sous-entendu entre entreprises de la branche, en raison à la fois de leur nature (de contrat entre partenaires sociaux, qui déclinent donc la démocratie sociale) et de leur objet (l’amélioration des conditions de travail, qui s’inscrit dans l’objectif de progrès social poursuivi par l’Union Européenne). La CJUE considère de ce fait que les clauses de désignation d’un assureur dans un accord de prévoyance ne contournent pas l’article 101 du traité de fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).- Ces mêmes accords ne concrétisent pas davantage une position dominante, à tout le moins abusive au profit dudit assureur en raison de la finalité sociale poursuivie, mais à condition que soit poursuivi un objectif de solidarité. La CJUE considère alors que le dispositif mis en place ne contrevient pas aux exigences de l’article 102 du même traité.Les arrêts sont suffisamment nombreux – et leurs conclusions convergentes – pour qu’on puisse parler de jurisprudence constante, même si, sur certains points – et parce que certaines questions n’ont pas encore été posées aux juges de Luxembourg – subsistent des incertitudes.On notera simplement les arrêts :- Albany 21/09/1999 C 67/96 Rec. p I 5751 ;- Brenjens C 115/97 à C 117/97 Rec. p I 6025 ;- Drijvende Bokken C 219/97 Rec p I 6125 qui traitent des régimes de retraite supplémentaire, précisément des fonds de pension hollandais ;- Van der Woude 21/09/2000 C222/98 Rec. p I 711 ;- AG2R c/ Beaudout 03/03/2011 C 437/09 traitant de prévoyance collective, précisément de systèmes de remboursements de frais de santé.Dans ce dernier arrêt, la CJUE non seulement considère que la clause de désignation d’un assureur unique ne contrevient pas aux prohibitions des ententes et des positions dominantes abusives au vu de la nature et de l’objet des accords et du fait de l’objectif de solidarité poursuivi, mais encore elle admet qu’un objectif très élevé de solidarité justifie une clause de migration par laquelle les entreprises ayant mis en place des garanties similaires avant la signature de l’accord de branche sont tenues de changer d’assureur. Sur cette justification et ce droit, cf. Jacques Barthélemy « clause de désignation et de migration au regard du droit communautaire de la concurrence » JSL 24/03/2011 n°296 et surtout « Clause de désignation et droit de la concurrence » Droit Social juin 2011, p 853.Concurrence et solidarité3/ Enfin et plus fondamentalement, une réflexion de fond a été conduite en doctrine sur les conditions de la compatibilité entre exigences du droit de la concurrence et objectif de solidarité. On notera à cet égard tout spécialement J.J. Dupeyroux « les exigences de la solidarité » Droit Social 1990, n°11 p 742.Les accords ayant comme objet de seulement définir la nature et le niveau des garanties sont des conventions collectives de travail dans la mesure où, par le biais du provisionnement des engagements, les avantages consentis aux salariés sont non seulement individualisables mais encore acquis durant l’exécution du contrat de travail ; la rente pouvant être allouée postérieurement à sa rupture est alimentée par un capital individualisé constitué précédemment. En pareil cas, le principe d’égalité de traitement, dégagé par la jurisprudence, doit être pleinement respecté. Mais les parties d’un accord de prévoyance peuvent poursuivre un objectif de solidarité.Il ne s’agit pas alors d’une solidarité interprofessionnelle et généralisée du type de celle mise en œuvre dans la retraite complémentaire obligatoire ; celle-ci positionne le régime dans le champ de l’intérêt général et écarte d’autant plus la qualification d’entreprise des institutions gestionnaires que les accords fondateurs mettent en œuvre les modalités d’application du droit légal à une retraite complémentaire (Loi du 29 décembre 1972, codifiée aujourd’hui en L 921.1 et 2 du code de la sécurité sociale). Ces régimes relèvent donc du premier pilier de la protection sociale, au même titre que les régimes de base : au demeurant, se substituant à eux par certains aspects (en particulier du fait de la faiblesse de la pension du régime général et de la limitation de son assiette au plafond de sécurité sociale), Ils entrent dans le champ du règlement 1408.71 relatif à la coordination, au plan européen, des régimes de sécurité sociale dans la perspective de la libre circulation des travailleurs, c’est-à-dire des articles 39 à 51 du traité dans sa formulation initiale.

    La dispense d’affiliation n’est pas déterminante

    La solidarité est ici seulement professionnelle. Elle se manifeste – dans la mesure ou les droits de base sont, du fait du recours à la technique assurantielle, individualisés à partir du provisionnement des engagements – par des droits non contributifs, une politique de prévoyance, une action sociale, etc ; ces avantages nécessitent la constitution d’un « pot commun » par la mise en œuvre d’une mutualisation unique (peu important la désignation éventuelle de plusieurs opérateurs) sur laquelle les « travailleurs intéressés », expression de l’ancien article 44 du décret du 8 juin 1946 pris en vertu de l’article « L4 » de l’ordonnance de 1945, texte abrogé du fait de la loi Evin du 31 décembre 1989 dont l’objet principal était la transposition, en droit interne, des directives vie et non vie sur la libre prestation de services en matière d’assurance collective des personnes. La solidarité se manifeste aussi – mais pas seulement comme certains veulent le croire – par un taux uniforme de cotisations, lequel permet de gommer les écarts liés à des réalités différentes du risque entre les différentes entreprises. (Jacques Barthélemy « solidarité et accord de protection sociale complémentaire » in « analyses juridiques et valeurs en droit social » Études offertes à Jean Pélissier – Dalloz 2004)Bref, en se positionnant sur le strict terrain de la libre concurrence, la prétention d’un salarié entrant dans le champ d’un accord collectif de prévoyance de s’exclure de l’obligation de relever de l’assureur désigné ne peut prospérer. Au demeurant, cela résulte expressément, s’agissant du droit communautaire, d’un des arguments de l’arrêt Albany de 1999 qui est, en la matière, le socle de toute la jurisprudence. En effet, la contestation était relative à la faculté offerte aux salariés et organisée par l’accord de ne pas être intégré dans le régime, ce qui faisait disparaître le bénéfice de l’abondement patronal. De cette faculté, le juge de Périgueux s’est saisi, dans l’affaire AG2R objet de l’arrêt du 3 mars 2011, pour justifier une saisine de la cour de Luxembourg au motif que la situation de fait était différente, dès lors que la dispense d’affiliation n’était ici pas prévue. Or, dans ce dernier arrêt, la CJUE souligne que la dispense ou non d’affiliation n’est pas un élément déterminant.

    Une « convention collective de sécurité sociale »

    Bref, la solidarité joue en la matière un rôle essentiel au point que, notamment en matière de droits non contributifs et de politique de prévention qui en sont les manifestations principales, on peut soutenir que l’accord collectif est alors une « convention collective de sécurité sociale », tant solidarité et sécurité sociale sont consanguines (J.M. Belorgey « logique de l’assurance, logique de solidarité » Droit Social 1995 n°09/10 p 731). De ce fait, l’exigence d’égalité de traitement peut s’effacer au nom de la volonté de protection des plus faibles, des plus exposés, des plus démunis. À tout le moins, les instruments qui déclinent l’objectif de solidarité vont constituer une raison objective justifiant la différence.Sous l’angle de la libre concurrence, la prétention de M. Maillot n’avait donc aucune chance de prospérer. Au demeurant, cet argument n’était pas expressément formulé. Et même si on peut le décliner de la référence à « l’inconstitutionnalité » de la loi Évin du 31 décembre 1989, l’argumentation développée est particulièrement inconséquente. L’opposition entre la loi Évin et l’article L 242.1 du code de la sécurité sociale n’a par exemple strictement aucune pertinence puisque l’objet de l’une et de l’autre sont radicalement différents. La loi Évin (il eut fallu du reste viser aussi la loi du 8 août 1994 qui a le même objet et en amplifie et le champ et la portée) est relative à l’organisation des droits et opérations en matière de garanties collectives de prévoyance tandis que cet article du code est relatif à la définition de l’assiette des cotisations de sécurité sociale !

    II – Sous l’angle des droits fondamentaux du citoyen

    L’objet premier de l’acte fondateur des garanties de prévoyance, c’est de définir la nature et le niveau des prestations, éventuellement la clé de répartition de la cotisation totale, d’autant plus essentiels que depuis la loi Évin du 31 décembre 1989, l’auto-assurance est interdite. L’avantage n’est pas ici la prestation dont la fourniture s’impose directement à l’employeur comme ce peut être le cas pour le maintien du salaire en cas de maladie (mensualisation) ou les indemnités de fin de carrière (IFC) ; c’est le fait d’être assuré. Dès lors, même si, en cas d’insuffisance ou d’absence d’assurance, l’employeur doit verser directement les prestations, le simple fait de ne pas être assuré pour couvrir les risques constitue une faute susceptible d’engager sa responsabilité ; des dommages et intérêts indépendants des montants des prestations sont potentiellement dus en raison de la perte de chance et une action en référé est parfaitement concevable.C’est au vu de cette considération préliminaire qu’il convient d’analyser la seconde série d’arguments avancés par M. Maillot pour s’exonérer de la tutelle de l’assureur désigné – au cas précis conjointement par la direction de la Banque Populaire et les organisations syndicales de salariés en application d’un accord collectif – pour gérer les garanties collectives de prévoyance. Le demandeur à l’instance invoque la violation de la liberté d’association garantie par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). L’argument n’est pas nouveau ; il a déjà été invoqué par le passé devant la Cour de Cassation pour contester le caractère obligatoire de l’adhésion aux caisses gérant le régime de base de sécurité sociale, qui sont des personnes de droit privé fonctionnant, selon la loi, comme des mutuelles (1). Il invoque aussi la méconnaissance, par cette obligation, de la liberté de presse, d’opinion et d’expression proclamées par les articles 9 et 10 de la CEDH (2). Il va plus loin en stigmatisant une violation du respect de la vie privée (article 8 de la CEDH), ainsi que du droit à la non-discrimination dans la jouissance de ces dispositions de la CEDH (3).

    Le droit à la liberté d’association est absolu

    Tous les arguments ont été balayés par la cour d’appel : elle l’a fait en utilisant – par référence à la jurisprudence de la CJUE – la contribution de tout système de prévoyance à l’amélioration des conditions de travail et du rôle joué par les partenaires sociaux dans leur confection. Elle conclut – de manière quelque peu laconique – que la loi française qui autorise de telles constructions (spécialement même s’il n’est pas cité, l’article L 912.2 du code la sécurité sociale) ne constitue pas, du fait de ces arguments, une violation des dispositions de la CEDH. Même si la solution doit être approuvée, l’argumentation n’est pas des plus convaincante ; de ce fait, la situation appelle une analyse plus fine.1/ Toute personne a droit à la liberté d’association et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles contribuant à la sécurité nationale, à la santé publique, à la défense de l’ordre et à la prévention des crimes, à la protection de la santé ou de la morale ainsi qu’à la protection des droits et libertés d’autrui, donc à ce que, sous l’impulsion des idées des philosophes des Lumières, on qualifie d’intérêt général pour marquer, dans l’ordre public classique, la seule limite à la liberté contractuelle.

    Il est donc logique que la cour de Strasbourg en ait déduit que le droit d’association s’exerçe aussi bien négativement par celui de ne pas s’associer que positivement par la protection du droit de s’associer (CEDH 30 juin 1993, 29 avril 1999 ou plus récemment dans le très médiatique arrêt Sorensen et Rasmussen du 11 janvier 2006). S’appuyant sur l’idée, dégagée par la cour de Strasbourg, que les termes de l’article 11 sont d’interprétation stricte, M. Maillot rejette comme contraire au droit d’association l’obligation qui lui est faite d’adhérer à la mutuelle retenue pour gérer les garanties collectives de prévoyance dans l’entreprise.

    Un « élément du statut collectif du personnel »

    Malgré son caractère séduisant, cette analyse ne peut prospérer et ceci pour de multiples raisons :- La première, la plus importante, vient du droit de la Mutualité lui-même. Certes, lorsqu’un citoyen entend être couvert contre certains risques liés à la vie humaine par l’intermédiaire d’une mutuelle, il en devient adhérent, ce qui lui permet de participer à la vie démocratique de la personne morale. Il en accepte les règles, les déviations à l’égard de celles qui sont essentielles pouvant justifier son exclusion, donc la perte de sa qualité d’adhérent. Tout ceci est exprimé dans le deuxième alinéa de l’article L 114.1 du code de la Mutualité selon lequel toute personne qui souhaite être membre d’une mutuelle fait acte d’adhésion dans des conditions définies réglementairement.Oui mais l’alinéa suivant précise que « par dérogation, les droits et obligations résultant d’opérations collectives font l’objet d’un contrat écrit entre la personne morale souscriptrice et la mutuelle ». Ici les assurés sont seulement des participants. Cette situation est, par excellence, celle des contrats d’assurance mettant en œuvre les garanties collectives de prévoyance résultant, en application de l’article L 911.1 du code de la sécurité sociale, d’un accord collectif de travail, d’un référendum ou d’une décision unilatérale de l’employeur. Au demeurant, il y a une incompatibilité de principe à engager la responsabilité de l’employeur dans la mise en œuvre de telles garanties qui ont la qualification d’éléments du statut collectif du personnel et possibilité pour chaque membre du personnel de se soustraire à leur application.

    Les trois familles d’assureurs dans le même sac

    - La deuxième. L’intervention d’une structure mutualiste dans un tel contexte la place dans une situation similaire à celle d’une institution de prévoyance (L 931.1 et suivants du code de la sécurité sociale) qui est caractérisée, comme une société mutualiste, par le but non lucratif de son activité mais par une gestion paritaire, alors que le droit de la Mutualité est celui de l’autogestion par les assurés. Dès lors, l’argument tiré du droit d’association n’a aucune pertinence lorsque la relation de la mutuelle n’est pas nouée avec chaque salarié mais avec l’entreprise, dans le cadre d’un contrat au bénéfice d’une collectivité, représentée par des délégués.- La troisième : l’objectif premier de la loi Évin du 31 décembre 1989 était la transposition des textes communautaires sur la concurrence en droit interne ; cela s’est traduit notamment par la mise à parité des droits et devoirs des trois types d’assureurs que sont les compagnies, les institutions et les mutuelles. Si l’on admettait que, au nom du droit d’association, un salarié peut s’exclure du système de garanties collectives, une différence serait introduite car cette règle ne pourrait prospérer si l’assureur est une institution qui relève du paritarisme, le salarié étant seulement participant de la personne morale ou d’une compagnie d’assurance qui, en quelque sorte, gage les obligations de l’employeur, le salarié étant un tiers au contrat.

    une amélioration des conditions de travail

    2/ La mise en place, par accord collectif, de garanties collectives de prévoyance concrétise une finalité sociale en contribuant, par la négociation, à l’amélioration des conditions de travail. La critique d’atteinte à la liberté de presse, d’opinion, d’expression ne peut sérieusement prospérer à l’encontre des actes fondateurs de ces garanties. Les salariés s’expriment ici par l’intermédiaire des délégués syndicaux. Il n’est alors pas inutile de rappeler que le droit à la négociation des conditions de travail par l’intermédiaire de leurs délégués est un droit constitutionnel des travailleurs. Et que les avantages d’une convention collective s’appliquent aux contrats en cours, sauf dispositions plus favorables (L.2254.1 du Code du travail).C’est donc l’obligation faite aux salariés d’être assurés par l’opérateur désigné que l’on vise par la critique au nom des droits du citoyen. Mais le contrat d’assurance collective n’est que l’instrument permettant de gager les obligations imposées à l’employeur par l’acte fondateur des garanties collectives. La cotisation destinée à la couverture du risque est acquittée par l’employeur, qui prélève sur le bulletin de paye la quote-part salariale. Si chaque salarié pouvait s’extraire de l’obligation d’assurance, le système serait à adhésion facultative et changerait de ce fait de qualification juridique, n’étant plus un élément du statut et devenant une activité sociale, de surcroît dont la gestion pourrait être revendiquée par le comité d’entreprise dans le cadre de ses attributions d’ordre social.Et si, en dissociant artificiellement l’acte fondateur des garanties de prévoyance et le contrat d’assurance les gageant, on considère que c’est seulement le choix de l’assureur qui est laissé à chaque salarié, la contribution patronale n’est plus une cotisation sociale mais un abondement de l’employeur à un contrat personnel du salarié.

    Le cumul de deux assurances est possible

    Il n’est pas indifférent, au regard des raisons à l’origine de la contestation de M. Maillot, que l’objet de l’accord est de mettre en place un système de remboursement de frais ; c’est traditionnellement dans ce domaine que prospère l’action mutualiste. Le mutualiste ne vit pas, et à juste raison, l’adhésion à sa mutuelle comme la signature d’un contrat d’assurance mais comme l’entrée dans une association ayant des valeurs propres. Voilà du reste pourquoi M. Maillot insiste sur le fait que l’accord d’entreprise l’oblige à quitter sa mutuelle, donc à renier ses convictions. La cour d’appel précise à juste titre qu’il n’en est rien, d’autant que les prestations des deux assurances peuvent se cumuler avec comme seule limite de ne pas dépasser les frais réels en tenant compte des prestations du régime général.Au demeurant, la Banque Populaire a mis en place depuis longtemps – et cela n’a rien d’original – des garanties de prévoyance lourdes (décès, incapacité, invalidité) servies par un même assureur sans que M. Maillot ou un autre salarié n’ait jamais eu l’idée de contester cette obligation. Et on chercherait en vain les raisons, d’ordre juridique, qui justifieraient une différence suivant que les risques couverts soient le décès ou l’invalidité d’un côté, le remboursement des frais de santé de l’autre : l’article L911.2 du code de la sécurité sociale, en énumérant, de manière non limitative, les risques concernés par l’expression garanties collectives de prévoyance vise les deux.

    Le grief de discrimination n’existe pas

    3/ L’argumentation déployée pour justifier un état de discrimination est des plus spécieuse. La mutuelle concernée est une mutuelle d’entreprise : une partie du personnel y adhérait à titre personnel. M. Maillot estime qu’obliger les autres à y adhérer est discriminatoire.La mutuelle créée dans une entreprise est une activité sociale : ayant la personnalité morale, le comité d’entreprise la contrôle et participe à ses instances dirigeantes. Si elle est chargée de mettre en œuvre des garanties collectives et obligatoires de prévoyance, son régime juridique, fiscal, social en est profondément modifié :- En vertu de l’article 4 de la loi Évin, les anciens salariés (retraités, invalides, chômeurs) et les ayants droits (en cas de décès) bénéficient du droit au maintien des mêmes garanties sans être soumis à un examen médical et en vertu de l’article 14 de l’ANI du 11 janvier 2008 les anciens salariés licenciés continuent à bénéficier des régimes des actifs pendant un certain temps à condition de percevoir les indemnités ASSEDIC.- La cotisation patronale est neutre socialement et fiscalement dans la limite d’un plafond alors que si le système est facultatif, elle est un sursalaire ; la cotisation salariale est déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu ce qui n’est pas le cas si elle est à adhésion facultative. Non seulement en conséquence, on cherchera en vain les éléments d’une quelconque discrimination, mais en outre, organiser une possible différence suivant que les salariés disposent par ailleurs d’un contrat couvrant le même risque, c’est remettre en cause l’égalité de traitement sans disposer d’une raison objective pour le faire.

    Remarques conclusives

    L’obligation faite à un salarié de relever de l’assureur choisi au niveau de l’entreprise ou désigné par une convention de branche pour gérer des garanties collectives et obligatoires de prévoyance ne peut être contestée au nom ni du droit de la concurrence ni du droit d’association. Elle pourrait par contre l’être au nom de la modification d’un élément du contrat de travail, par le biais de la quote-part salariale de la cotisation ; La Cour de Cassation considérant – même si cela peut être critiqué – que la structure de la rémunération est un élément du contrat, on peut admettre que le salaire net ne peut être réduit sans l’accord individuel de chaque salarié. C’est au demeurant ce que prévoit la loi pour un salarié en fonction à la date de mise en place de telles garanties par décision unilatérale de l’employeur. Le recours au raisonnement a contrario donnerait l’illusion que cette retenue s’impose si ces garanties naissent d’un référendum ou d’un accord collectif. Fausse sécurité si l’on prend en considération que le référendum est légalement présenté comme une ratification à la majorité des intéressés d’un projet de l’employeur et que les avantages nés d’un accord collectif ne s’incorporent pas au contrat de travail.L’impossibilité pour le salarié de refuser son affiliation et de verser la cotisation, telle qu’elle a été consacrée par la jurisprudence, l’a été sous l’empire des textes antérieurs à la loi Evin, c’est-à-dire sous celui de l’article L4 de l’ordonnance de 1945. Celui-ci avait jeté les bases d’une sécurité sociale de nature conventionnelle, dont ne relèvent aujourd’hui que les grands régimes de retraites complémentaires obligatoires (L 921.1 et suivants du code de la sécurité sociale). Le double paritarisme, de conception (par accord collectif ou référendum) et de gestion (l’organe de direction composé de représentants des employeurs et des salariés) donnait naissance à une institution dont les employeurs étaient adhérents et les salariés participants. En d’autres termes, la collectivité des « travailleurs intéressés » (expression retenue par l’article 51 du décret du 8 juin 1946 codifié en R 731.8 aujourd’hui abrogé) acquérait une certaine consistance juridique au travers de l’institution, à laquelle le double paritarisme conférait la personnalité morale.Du fait de l’impérialisme du droit de la concurrence, ce droit a été profondément altéré. L’acte unique créant l’institution a été remplacé par deux actes : Le premier créant les garanties collectives et relevant du droit du travail, le second contrat d’assurance gageant les obligations de l’employeur. Ceci est facteur de graves turbulences. 

    jacques barthelemy

    mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale

    Dimanche 13 novembre 2011

    Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale, déposé le 9 novembre 2011 par les députés Jérôme Cahuzac et Pierre Méhaignerie
    L’objectif de la mission était de dégager une analyse aussi objective que possible sur l’état de la compétitivité de l’économie française et sur le caractère éventuellement perfectible du financement de notre protection sociale qui repose aujourd’hui trop largement sur la production et sur la dette. Devant l’impossibilité de parvenir à un consensus transpartisan sur un rapport, du fait de points de vue trop éloignés, notamment sur l’impact des 35 heures sur la compétitivité de notre pays, le travail considérable réalisé par la mission fait l’objet d’un rapport sous la forme d’un compte rendu de l’ensemble des auditions
    http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/mi_competitivite_eco_francaise.asp