Projet de loi Pacte : le détail de l’article 20 sur l’épargne retraite, voté en première lecture à l’Assemblée nationale
L’article 20 du projet de loi Pacte visant à simplifier les règles encadrant l’épargne retraite et à assurer une portabilité de tous les produits d’épargne a été voté en première lecture à l’Assemblée nationale.
LES GRANDS PRINCIPES DE LA RÉFORME
L’article 20 crée un nouveau chapitre IV au sein du titre II du livre II du code monétaire et financier (nouveaux articles L. 224-1 et suivants) afin de définir un socle juridique harmonisé pour les plans d’épargne retraite.
Ce nouveau produit d’épargne retraite « de droit commun » comporte peu de nouveautés par rapport au droit existant, mais cumule les avantages de plusieurs dispositifs existants et les généralise : sortie complète en capital possible ; déblocage anticipé pour l’acquisition de la résidence principale ; cantonnement juridique des actifs placés pour les produits assurantiels ; gestion pilotée par défaut ; transférabilité des droits sur d’autres catégories de produits.
L’alinéa 8 définit le plan d’épargne retraite (PER). Son architecture générale est la suivante : à destination des personnes physiques seulement, il s’agit d’un produit d’épargne bloquée qui accueille des sommes rendues disponibles, en principe, à l’âge de date de départ à la retraite. La sortie des sommes acquises peut s’effectuer librement sous forme de versement de capital ou de rente viagère, ce qui n’est possible que pour les Perco aujourd’hui, et dans une moindre mesure pour les Perp. L’option d’une rente est obligatoirement proposée dans le plan (alinéa 10) et, comme dans le droit existant, une sortie en rente peut donner lieu à une option de réversion à un tiers en cas de décès du titulaire du plan.
L’alinéa 9 définit les modalités d’exécution du PER. Si le plan est souscrit auprès d’un gestionnaire d’actifs, il donne lieu à l’ouverture d’un compte-titres. S’il est souscrit auprès d’une entreprise d’assurance, d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance, il prend la forme d’un contrat d’assurance de groupe, dont l’exécution est liée à la cessation d’activité professionnelle.
À noter : à la différence du droit existant, tout plan d’épargne (individuel, collectif, catégoriel) pourra donc être indifféremment proposé par un assureur ou par un gestionnaire d’actifs.
Les alinéas 13 à 16 précisent l’origine des fonds qui peuvent abonder un PER :
les versements volontaires du titulaire ;
les versements obligatoires, en provenance du titulaire salarié ou de son employeur, lorsque le PER est un produit d’entreprise auquel l’affiliation est obligatoire (l’équivalent des contrats dits « article 83″) ;
les sommes issues de la participation ou de l’intéressement du titulaire (comme cela est aujourd’hui possible uniquement dans les Perco) ainsi que les autres versements des employeurs au titre de l’épargne salariale (« abondements employeurs ») ;
les versements issus de droits acquis dans le compte épargne temps du titulaire ou, à défaut, de la monétisation des jours de repos non utilisés, pour les PER d’entreprise également.
Les alinéas 17 et 18 précisent l’allocation des fonds qui sont récoltés sur un PER. Lorsque le PER est proposé par un gestionnaire d’actifs, l’épargne récoltée est affectée à l’acquisition de titres financiers « offrant une protection suffisante de l’épargne investie », ce qui est garanti par le renvoi à une liste de titres financiers autorisés fixée par voie réglementaire, y compris les titres intermédiés par les conseillers en investissements participatifs (amendement 2138). L’acquisition des titres financiers tient compte des modalités de gestion financière retenues pour le plan, notamment l’exposition au risque choisie par le titulaire.
Lorsque le PER est un produit assurantiel, qui se distingue du précédent par la garantie du capital à échéance qu’il autorise, les fonds récoltés permettent l’acquisition de droits exprimés en euros (fonds euros), en parts de provision de diversification (fonds eurocroissance), de droits exprimés en unités de rente (amendement 2104) ou en unités de compte (actifs financiers).
L’alinéa 19 fixe la modalité d’investissement des fonds récoltés sur les PER : par défaut, les fonds seront « gérés de façon pilotée » (le niveau d’exposition aux risques financiers du capital acquis sur le PER diminue à mesure que se rapproche l’âge de la retraite), comme cela se pratique déjà dans les Perco. Cette évolution de l’allocation du capital disponible en fonction du cycle de vie du titulaire est précisée par décret.
Le titulaire peut renoncer, expressément, à ce profil d’investissement « piloté ». Le titulaire dispose d’ailleurs d’une proposition d’allocation alternative – notamment s’agissant des plans d’épargne entreprise, une allocation permettant l’acquisition de parts de fonds investis dans les entreprises solidaires d’utilité sociale (amendement 1843).
Les règles d’affectation aux plans d’épargne retraite des rétrocessions de commissions perçues au titre de leur gestion financière sont fixées par voie complémentaire (alinéa 21).
Les alinéas 22 à 29 précisent les conditions de déblocage des fonds récoltés sur le PER avant arrivée de son titulaire à la retraite, par retrait ou par rachat des droits acquis. Il s’agit :
du décès du conjoint ou du partenaire de PACS du titulaire ;
de l’invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint ou du partenaire de PACS. L’invalidité est constatée dans les mêmes conditions que celles qui permettent d’acquérir une pension d’invalidité ;
du surendettement du titulaire ;
de l’expiration des droits à l’assurance chômage du titulaire ou, pour les mandataires sociaux non retraités, le fait de rester plus de deux ans après la fin de son mandat social sans nouveau mandat ou sans contrat de travail ;
de la décision de liquidation judiciaire d’une société dans laquelle le titulaire exerçait une activité non salariée ;
de la décision du président du tribunal de commerce d’autoriser la liquidation du PER, dans le contexte d’une procédure de conciliation ;
de l’acquisition de la résidence principale du titulaire.
L’alinéa 30 précise que le décès du titulaire avant son départ à la retraite entraîne la clôture du plan.
Les alinéas 31 à 33 précisent que le titulaire arrivé à la retraite a le choix de bénéficier du produit de son PER sous forme de capital, récupérable en une fois ou de façon fractionnée, ou sous forme de rente viagère. Toutefois, les sommes versées par l’employeur ou le titulaire salarié lorsque le PER est un produit collectif d’affiliation obligatoire, ouvrent uniquement droit à une rente viagère.
En outre, si, au moment de l’ouverture du PER, le titulaire a opté « expressément et irrévocablement » pour la rente viagère (en partie ou en totalité), ce choix demeure définitif.
Les alinéas 33 à 36 portent sur les conditions de portabilité des droits acquis en contrepartie des fonds versés sur un PER. Le principe est celui d’une transférabilité complète entre les différents plans d’épargne retraite (modulo, précise la commission, les conditions d’utilisation des droits acquis (notamment le choix d’une rente et les droits acquis au titre des versements obligatoires dans le cadre de PER catégoriels).
Dans le cas des plans d’épargne retraite d’entreprise, la portabilité des droits n’est possible que lorsque le titulaire n’est plus tenu d’adhérer au plan, c’est-à-dire (traduit la commission) qu’il quitte l’entreprise ou lorsqu’il quitte, le cas échéant, la catégorie objective de salariés à laquelle est réservée le plan.
Les frais applicables à de tels transferts sont plafonnés (à 1 % des droits acquis et non plus 3 %, amendement 781 et 1850) lorsqu’ils interviennent dans les cinq années qui suivent le premier versement dans le PER. Au-delà, aucun frais de transfert ne peut s’appliquer. L’exonération de frais a également cours pour les transferts effectués après le départ à la retraite du titulaire.
L’alinéa 36 prévoit une disposition, aujourd’hui applicable aux PERP, pour les produits de type assurantiel et en cas de transfert vers un autre produit. Il s’agit de pouvoir imputer aux droits transférés l’éventuelle moins-value subie par l’assureur sur son fonds en euros, au moment où le bénéficiaire choisit de changer de plan – alors même que le contrat d’assurance permet une garantie en capital.
L’alinéa 37 (amendement 1840) prévoit que les plans d’épargne retraite individuels donnant lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe dont l’exécution est liée à la cessation d’une activité professionnelle et les plans d’épargne retraite d’entreprise prévoient les conditions dans lesquelles l’association souscriptrice ou l’entreprise peut changer de prestataire à l’issue d’un préavis qui ne peut excéder 18 mois.
L’alinéa 41 fixe les conditions d’information des titulaires de plans d’épargne retraite. L’information, régulière, porte notamment sur la valeur des droits en cours de constitution et sur les modalités de transfert vers d’autres plans d’épargne retraite. Ces conditions d’information sont précisées par voie réglementaire. L’alinéa 44 précise enfin, à ce propos, que l’application des dispositions présentées ci-dessus fait l’objet d’un décret en Conseil d’État.
Dans les configurations où le PER est notamment abondé par l’employeur du titulaire (via l’intéressement, la participation ou d’autres mécanismes d’épargne salariale), l’alinéa 46 (paragraphe II) prévoit que le forfait social applicable à ces versements employeurs (1) est réduit de 20 % à 16 % lorsque les fonds épargnés contribuent à hauteur d’au moins 10 % au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.
Un taux de forfait social réduit à 16 % pendant une période de trois ans après l’entrée en vigueur de l’article 20 est maintenu pour les Perco remplissant les conditions d’investissement exigées précédemment, à savoir comportant au moins 7 % de titres destinés au financement des PME (alinéa 47 à 49, via amendement 2236).
L’ensemble des dispositions évoquées ci-dessus entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2020 (alinéa 50).
L’HABILITATION À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE
En complément des grands principes de la réforme énoncés ci dessus, l’alinéa 51 (paragraphe IV de l’article 20) autorise le gouvernement à prendre par ordonnance, dans les douze mois qui suivront la promulgation de la loi, les mesures techniques d’harmonisation des régimes existants.
Il s’agit d’abord d’harmoniser le fonctionnement juridique de l’ensemble des produits d’épargne retraite existants (alinéa 52). Sont visés les contrats d’assurance proposés par les sociétés d’assurance, les mutuelles, unions et fédérations de mutuelles, les institutions de prévoyance, les régimes de retraites supplémentaires en points visés par ces mêmes acteurs ainsi que les Perco proposés par les gestionnaires d’actifs.
En ce qui concerne les produits d’épargne retraite collectifs (alinéas 53 à 58), deux catégories de produits seront définies par l’ordonnance à partir du socle de droit commun commenté ci-dessus : un produit collectif généraliste et volontaire (alinéa 57) ; un produit collectif catégoriel et obligatoire (alinéa 58).
L’harmonisation portera en outre sur les règles de gouvernance et de fonctionnement de ces produits d’épargne (association des salariés à la prise de décision sur les placements) ; les obligations d’information et de conseil, « pendant l’intégralité de la vie du produit – phase d’épargne et de restitution de l’épargne » (amendement 177 et 179) ; les droits des salariés en cas de changement de statut de l’entreprise ou de changement de prestataire (amendement 2037).
En ce qui concerne le produit d’épargne retraite individuel, qui sera unique pour tous les actifs et travailleurs non salariés qui souhaitent y souscrire (alinéa 59), l’harmonisation prévue par l’ordonnance portera également sur les règles d’information, de conseil et de gouvernance (notamment les conditions dans lesquelles ces produits doivent être souscrits et gouvernés par une association représentant les intérêts des épargnants, amendement 2106).
Un deuxième volet de l’ordonnance portera sur la définition d’un régime unique des contrats d’assurance de groupe liés à la cessation d’activité professionnelle (alinéa 60). Seuls les produits proposés par des assureurs sont donc concernés, ce qui se justifie parce que, à la différence des gestionnaires d’actifs, les contrats d’épargne retraite qu’ils proposent sont des contrats d’assurance qui peuvent être assortis de garanties en capital, et donc s’accompagner de règles prudentielles spécifiques, précise la commission spéciale dans son rapport.
Seront ainsi fixés :
le cantonnement juridique des actifs concernés, dans une comptabilité auxiliaire d’affectation (alinéa 61) ;
la nature des garanties complémentaires pouvant figurer dans ces contrats (alinéa 62) ;
les conditions de fixation des tarifs pratiqués (alinéa 63) et les modalités de calcul de la valeur de transfert des droits exprimés en unité de rente en cas de transfert (amendement 2037) ;
les conditions du transfert des engagements et des actifs attachés au plan, en cas de changement de prestataire (amendement 2037) ;
la redéfinition de la gouvernance des associations souscriptrices de contrats d’assurance sur la vie (amendement 2037) ;
le régime fiscal applicable aux plans d’épargne retraite, en définissant notamment (amendement 2038) :
> les conditions et modalités de la déductibilité à l’impôt sur le revenu des versements volontaires au plan d’épargne retraite collectif, ainsi que les conditions et modalités de déductibilité des versements aux nouveaux plans d’épargne retraite en cohérence et dans la limite des plafonds applicables aux plans existants ;
> l’imposition à l’impôt sur le revenu des droits correspondant aux versements volontaires délivrés à l’échéance sous la forme d’un capital ou liquidés ou rachetés par anticipation pour être affectés à l’acquisition de la résidence principale (amendement 2038) ;
> l’exonération des droits, correspondant aux versements volontaires, liquidés ou rachetés par anticipation en raison d’évènements indépendants de la volonté du contribuable tels que l’invalidité, l’expiration des droits à l’assurance chômage ;
> les adaptations nécessaires des règles fiscales pour les dispositifs d’épargne retraite existants ainsi que les dispositions transitoires utiles ;
À l’alinéa 75, un troisième volet de l’ordonnance (introduit par l’amendement 2038) prévoira, en matière sociale, que sera rendu applicable à ces nouveaux produits le régime social actuellement applicable aux produits d’épargne retraite supplémentaire existants.
Les alinéas 76 à 78 prévoient que l’ordonnance procédera aux adaptations légistiques nécessaires pour harmoniser le droit existant avec le contenu de l’ordonnance, et proposera des conditions d’application de la réforme proposée aux contrats en cours.
Le projet de loi de ratification de l’ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication.
(Source : Bénédicte Foucher pour AEF)