Le revenu universel d’activité est-il une bonne idée ?
Nous transcrivons l’avis de Julien Damon, sociologue, professeur associé à Sciences-Po, spécialiste de la pauvreté interrogé par le quotidien « La Croix » :
Tout ce qui va vers la simplification, l’harmonisation, la fusion des prestations sociales, va dans le bon sens. La création du revenu universel d’activité – dont il faudra bien déterminer le périmètre – sera utile pour les gestionnaires des prestations, caisses d’allocations familiales au premier rang, mais aussi tous les autres opérateurs des politiques sociales, qui mettent en application des prestations sans toujours les comprendre. D’autant qu’il y a beaucoup d’erreurs !
Aller vers l’unification est utile aussi pour les bénéficiaires, puisqu’une part importante de la population qui pourrait en bénéficier n’y a pas recours. Par méconnaissance, mais aussi par découragement, ou encore parce que l’image même de ces prestations peut être humiliante.
La simplification a aussi une visée économique : avec la nouvelle configuration unifiée des prestations, une partie des bénéficiaires actuels pourraient ne plus être éligibles. Par exemple les étudiants, dont une partie bénéficient des allocations logement même si leurs parents sont aisés. Les perdants ne seraient donc pas les plus pauvres, mais ceux dont on pense qu’il n’est pas légitime de les aider. Tout dépendra bien du périmètre et des priorités du revenu universel d’activité.
Mais simplifier, c’est compliqué. Pour lutter contre la pauvreté, il est plus aisé d’annoncer que l’État va jouer sur tel paramètre ou ajouter telle modalité. C’est très simple de compliquer le système.
À l’inverse, annoncer le début d’un chantier de simplification revient à ouvrir la boîte de Pandore. Prenons l’exemple des prestations logement ; ces allocations ont été créées, comme leur nom l’indique, pour une politique du logement. Elles sont de plus en plus gérées et conçues comme une politique de lutte contre la pauvreté. Pourquoi ne pas les fusionner avec les autres outils de la lutte contre la pauvreté ? Mais quid alors de la politique du logement ?
L’idée d’un revenu universel d’activité peut prêter à bien des discussions. Elle importe, car c’est une perspective ambitieuse. En France, vous avez de nombreux filets de sécurité, mais ils sont emmêlés. Tout le monde en fait le constat. Le fait que le plus haut niveau de l’État se soit emparé du sujet afin de tout remettre à plat est très positif.
Au-delà de ce revenu – dont l’universalité sera très discutée –, il importe d’enclencher la réforme des prestations (logement, RSA, prime d’activité, mais aussi d’autres prestations comme l’allocation de solidarité spécifique). Et il ne faut pas oublier cette autre dimension dans les annonces présidentielles : le service public de la réinsertion. Il faut en effet marcher sur deux jambes : réforme des prestations et réforme de l’accompagnement des bénéficiaires.
La création d’un service public de l’insertion – qui fera aussi beaucoup débattre – doit permettre de rationaliser l’accompagnement des personnes concernées par ces prestations particulières.