La France fait-elle partie des gagnants ou des perdants de la mondialisation ? Cette question revient sur le tapis chaque fois qu’une usine menace de baisser le rideau dans l’Hexagone.
Une note publiée lundi 26 février par Clément Malgouyres, chargé d’études à la Banque de France confirme que la concurrence exercée par la Chine juste après son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001, a contribué à détruire des emplois industriels tricolores. « Les résultats suggèrent qu’environ 13 % du déclin de l’emploi manufacturier observé en France de 2001 à 2007 serait imputable à la concurrence chinoise », explique l’étude, qui résume les travaux publiés par l’auteur sur le sujet en 2016 et 2017.
En 2017, la Chine a exporté pour 49,1 milliards d’euros de biens et services vers la France, et en a importé 18,8 milliards d’euros, d’après les douanes. Cela signifie que Paris affiche un déficit commercial de 30,3 milliards d’euros envers Pékin. C’est presque deux fois plus que celui enregistré envers l’Allemagne (17,2 milliards d’euros). « La croissance des exportations chinoises a ainsi été très forte dans le textile, l’habillement et les jouets, et plutôt limitée dans les industries chimique, pharmaceutique ou agroalimentaire », précise l’auteur.
En outre, les départements des Pays de la Loire ont été beaucoup plus exposés que ceux de Provence-Alpes-Côte d’Azur. « Chaque emploi détruit dans le secteur manufacturier a induit la disparition d’environ 1,5 emploi supplémentaire au niveau local ».
C’est beaucoup moins qu’aux Etats-Unis. Dans une étude publiée en 2013 dans l’American Economic Review, une prestigieuse revue académique, les économistes David Autor (MIT), David Dorn (université de Zurich) et Gordon Hanson (université de Californie) ont en effet démontré que l’intensification de la concurrence de l’empire du Milieu est responsable du quart de la baisse des emplois industriels observés aux Etats-Unis entre 1990 et 2007. Elle s’est également traduite par une hausse des transferts sociaux dans les régions les plus affectées, notamment en matière de maladie, invalidité et retraite.
De ce côté-ci de l’Atlantique, les importations chinoises ont pesé sur l’ensemble des salaires du secteur manufacturier, où les destructions d’emplois de compétences intermédiaires ont été plus fortes que celle de postes peu ou très qualifiés, explique Clément Malgouyres. Dans les autres secteurs, en revanche, seuls les salaires au milieu de la distribution, correspondant aux jobs intermédiaires, ont été tirés vers le bas.
Est-ce à dire que la France n’a rien gagné aux échanges avec l’empire du Milieu ? Une évaluation d’ensemble exige en effet de prendre en compte les gains pour le porte-monnaie des ménages : les biens chinois moins chers ont profité à leur pouvoir d’achat. Les entreprises important des biens asiatiques pour leurs consommations intermédiaires sont également gagnantes. Selon une étude publiée par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) en 2013, remplacer des produits fabriqués en France par des biens conçus dans les pays à bas coût (électroménager, habillement…) entraînerait un surcoût de 1 270 à 3 770 euros par ménage et par an.
Toute la difficulté tient à ce qu’un consommateur gagnant peut aussi être un travailleur perdant…
(source le monde)