Archive pour avril 2016

COMPLÉMENTAIRE SANTÉ DES PLUS DE 65 ANS : C’EST PARTI

Mercredi 27 avril 2016

LE DECRET EST AU JO…

LE VOICI

Décret n° 2016-509 du 25 avril 2016 relatif à la couverture complémentaire santé des personnes de soixante-cinq ans et plus

NOR: AFSS1606294D
ELI: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/4/25/AFSS1606294D/jo/texte
Alias: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/4/25/2016-509/jo/texte

Publics concernés : personnes de soixante-cinq ans et plus, entreprises d’assurance relevant du code des assurances, institutions de prévoyance et unions relevant du code de la sécurité sociale, mutuelles et unions relevant du code de la mutualité, Autorité de la concurrence, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.
Objet : modalités de labellisation des contrats d’assurance complémentaire santé en faveur des personnes de soixante-cinq ans et plus.
Entrée en vigueur : le présent décret entre en vigueur le lendemain de sa publication .
Notice : le présent décret précise les modalités de labellisation des contrats d’assurance complémentaire santé en faveur des personnes de soixante-cinq ans et plus qui ouvrent droit à un crédit d’impôt. Ainsi, il détermine les conditions de saisine de l’Autorité de la concurrence et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sur le décret fixant les niveaux de garanties et les seuils de prix des contrats labellisés ; il fixe à trois le nombre de niveaux de garanties proposées par les contrats labellisés ; il prévoit que l’autorité habilitée à délivrer le label est le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (« Fonds CMU »).
Références : le présent décret est pris pour l’application de l’article 33 de la loi n° 2015-1702 de financement de la sécurité sociale pour 2016. Les dispositions du code de la sécurité sociale qu’il modifie peuvent être consultées, dans leur rédaction résultant de cette modification, sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).

Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre des affaires sociales et de la santé,
Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 864-2 ;
Le Conseil d’Etat (section sociale) entendu,
Décrète :

Article 1

Le titre VI du livre VIII de la partie réglementaire (Décrets en Conseil d’Etat) du code de la sécurité sociale est complété par un chapitre IV comportant trois articles ainsi rédigés :

« Chapitre IV
« Dispositions relatives à la couverture complémentaire santé des personnes âgées de soixante-cinq ans et plus

« Art. R. 864-1. – Le nombre de niveaux de garanties mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 864-2 est fixé à trois.

« Art. R. 864-2. – L’Autorité de la concurrence et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sont saisies du projet de décret mentionné au 1° de l’article L. 864-2 par le ministre chargé de la sécurité sociale et le ministre chargé des finances.
« Les avis de ces autorités parviennent à ces ministres dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la saisine. A défaut, ils sont réputés rendus.

« Art. R. 864-3. – L’autorité compétente mentionnée aux quatrième et sixième alinéas de l’article L. 864-2 est le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie institué par l’article L. 862-1. »

Article 2

Le ministre des finances et des comptes publics, la ministre des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d’Etat chargé du budget sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 25 avril 2016.

Manuel Valls

Par le Premier ministre :

La ministre des affaires sociales et de la santé,

Marisol Touraine

Le ministre des finances et des comptes publics,

Michel Sapin

Le secrétaire d’Etat chargé du budget,

Christian Eckert

VA COMPRENDRE …

Samedi 23 avril 2016

A New-York, la déclaration d’amour des start-upers à Hollande

par
ELSA CONESA / CORRESPONDANTE À NEW-YORK POUR LES ECHOS

De passage à New York, François Hollande a rencontré des entrepreneurs français qui ont vanté les mérites de la France.
François Hollande n’en demandait pas tant. Venu signer l’accord sur le climat à l’ONU, c’est dans la communauté des start-upers français de New York qu’il a trouvé ses meilleurs ambassadeurs. « La France est le plus beau pays qui soit pour entreprendre !, a déclaré Jonathan Benhamou, cofondateur de Peopledoc, une start-up spécialisée dans la dématérialisation des fonctions de ressources humaines, qui a levé 55 millions de dollars en deux ans de présence aux Etats-Unis.
Nous sommes dans cinq pays, et à chaque fois, cela a été bien plus compliqué qu’en France. Les ingénieurs en France sont bons et pas chers, l’écosystème créé autour de la BPI est incroyable. Et en France, on paie beaucoup moins d’impôt sur le revenu qu’ici, et même la fiscalité sur les plus-values est devenue attractive ». « C’est bien que ce soit vous qui le disiez !, a répondu, médusé, François Hollande, plus habitué au « French bashing » qu’aux déclarations d’amour d’entrepreneurs expatriés. Comme il y a des journalistes, on va croire que c’est de la propagande ! ».
La R&D reste basée en France
« Les entrepreneurs français qui sont installés ici n’ont pas quitté la France, insiste Gaël Duval, fondateur de la French Touch Conference, qui réunit une fois par an les start ups françaises de New York. Ils viennent pour se développer, mais beaucoup ont gardé leurs équipes de recherche en France  ». Et pas seulement grâce au crédit d’impôt recherche (CIR). « Il y a un vrai différentiel de salaire entre la France et les Etats-Unis, a admis Alexis Lê-Quôc, cofondateur de Datadog, une start-up qui mesure les performances des sites web, et qui a levé 124 millions de dollars aux Etats-Unis.
Ici, pour recruter des ingénieurs, c’est la guerre. En France, les gens sont mieux formés ». Datadog est née aux Etats-Unis, mais développe actuellement une équipe de recherche en France, qu’elle espère faire croître de 10 personnes aujourd’hui à 40 ou 50 personnes d’ici fin 2017. « Vous pouvez dire que vous avez créé des emplois en France, maintenant que les fonds sont levés ! », a ri François Hollande. Même chose pour Connecthings, une start-up créant de la connectivité dans les villes. « La R&D est en France, les projets sont en France, explique la fondatrice Laëtitia Gazel Anthoine. La force commerciale est aux Etats-Unis ». « Quand on créé un emploi aux Etats-Unis, on en créé deux en France », résume Jonathan Benhamou.
Sept millions de dollars levés à la French Touch 2015
La conférence « French Touch » qui réunissait en juin dernier plusieurs dizaines de start-ups françaises de New York a permis à quatre d’entre elles de lever un total de 7 millions de dollars, auprès de fonds français et américains. « La conférence a aussi permis de générer 1,5 million de dollars de bons de commande supplémentaires », ajoute Gaël Duval, fondateur de l’événement, qui verra de nouvelles déclinaisons cette année. Une édition « French Touch » aura lieu à Shanghai en octobre prochain et à San Francisco en janvier 2017.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/021867584567-a-new-york-la-declaration-damour-des-start-upers-a-hollande-1216099.php?IaIlMYISjoGZEPb4.99

QUOI DEMAIN ?…

Vendredi 15 avril 2016

Tout le monde connaît France Stratégie.

Là, ils viennent de sortir un travail très bien documenté, très relayé médiatiquement et très facile d’utilisation sur les grands enjeux qui attendent le pays d’ici 10 ans.

je vous mets les liens et les doc et je vous invite à aller vous promener dans ce document interactif. C’est une mine.

Evidemment la protection sociale n’est pas oubliée. Comment ne pas souscrire à tout ce qui est proposé… Allez voir.

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SI L’AGIRC-ARRCO M’ETAIT COMPTE

Mardi 12 avril 2016

Comme toujours lumineux et précis, voici un article de François Charpentier, paru dans la Tribune cette semaine.

La baisse annoncée des retraites complémentaires doit être relativisée. Le rapport entre la pension et le dernier salaire reste plus favorable en France que dans beaucoup de pays européens. Par François Charpentier
Il fallait être ou bien sot ou bien naïf pour ignorer que l’accord sur les retraites complémentaires du 30 octobre 2015 se traduirait par une diminution des pensions futures. Toutes les réformes qui se sont succédé à partir de 1993 ont visé à réduire la croissance des retraites qui avait été continue depuis la Libération, jusqu’à 1973. Cette année marquait de ce point vue un point haut après les loi Boulin de 1971 et 1972 et certains s’inquiétaient même à l’époque du fait que la retraite d’un cadre pouvait être supérieure au revenu d’un couple avec deux enfants. Une estimation au doigt mouillé sans doute, mais qui traduisait bien le fait que le système mis en place trente ans plus tôt avait permis de sortir les personnes âgées de la misère. Personne évidemment ne songeait à s’en plaindre.

Toutes les réformes sont allées dans le même sens
Après 30 ans de croissance continue des pensions, les 20 années qui vont suivre de 1973 à 1993 vont être consacrées à convaincre les Français que « l’âge d’or des retraites », comme on disait à l’époque, était derrière eux. Rapports, colloques en tous genres, jusqu’au libre blanc Rocard de 1991, ont contribué à cette opération de sensibilisation de l’opinion publique. Non sans un certain succès puisque c’est sans grève et sans drame – et , il faut le dire, sans publicité en plein mois d’août… – que la première réforme est intervenue sous la houlette d’Edouard Balladur et de Simone Veil en 1993. Elle touchait la seule assurance vieillesse, donc le seul secteur privé, et immédiatement l’Arrco s’est aligné, l’Agirc faisant de même un an plus tard.

À partir de là, toutes les réformes des régimes de base (2003 et 2010) et des régimes complémentaires (1996, 2001, 2003, 2011 et 2013) sont allées dans le même sens. Toutes ont combiné dans des proportions variables des relèvements de cotisation, des allongements de durée d’assurance, des économies de gestion et, dans la phase la plus récente, les mesures les plus impopulaires, autrement dit les baisses dans la croissance des pensions. Et toutes se sont efforcées de répartir à peu près équitablement les sacrifices entre les actifs, les retraités et les entreprises.

Les retraités paient le gros de la facture
Si l’accord de 2015 marque une rupture c’est peut-être d’abord parce que dans le contexte d’une crise économique plus profonde et plus durable que ne l’imaginaient les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, l’effort a été cette fois partagé différemment. Certains diront qu’il a été moins bien partagé. Dans une première période, jusqu’au 1er janvier 2019 ce sont essentiellement les retraités qui sont mis à contribution à travers une mesure de sous indexation des pensions qui prolonge le précédent accord et un décalage de la revalorisation annuelle des pensions au 1er novembre. Rappelons qu’en 2020, l’addition de ces deux mesures représente une économie de 3,4 milliards d’euros sur les 3,6 attendus.

Ce n’est donc qu’à partir de 2019 que s’appliquent les coefficients de solidarité -visant à inciter les cadres à partir en retraite plus tard- pour une économie estimée à 0,5 milliard d’euros en 2020. Cette fois, ce sont les actifs qui paieront, les entreprises étant pour l’essentiel épargnées. Ce chiffre conduit-il à penser que la pension d’un cadre né en 1990 pourrait être de ce fait réduite de 17 %, comme la presse l’a évoqué ? Une « mauvaise » lecture des travaux du COR (Conseil d’orientation des retraites) pourrait le laisser supposer. Mauvaise, car la mise en œuvre de ces coefficients de solidarité n’a pas pour seul effet de réduire le montant de la pension sur une période de temps limitée. À supposer en effet qu’un cadre entre dans le système et prolonge son activité, il va acquérir des droits supplémentaires au titre du régime de base, mais aussi des régimes complémentaires. L’un dans l’autre, l’opération resterait donc négative pour le retraité, mais selon les experts la perte nette ne dépasserait pas 5 %.

La répartition en France a encore de beaux restes
Seconde remarque, les travaux du COR selon leurs auteurs eux-mêmes sont marqués par une forte incertitude. En revanche, ce qui est vrai c’est que la France est plutôt mieux placée que ses voisins en matière de retraite. Non seulement parce que le maintien d’un taux de fécondité élevé (aux environs de 2 enfants par femme), même s’il ne renouvelle pas tout à fait les générations, permet de penser que la répartition a encore un sens. Mais aussi parce que le taux de remplacement par rapport au dernier salaire reste nettement plus élevé en France (63 %), qu’il ne l’est en Grande-Bretagne ou en Suède (environ 53 %), sans parler de l’Allemagne (47 %)[1].

Au-delà, comment et peut-on imaginer aujourd’hui ce que sera le régime de retraite d’un cadre né en 1990 donc à peine entré dans la vie active ? Peut-on sérieusement faire des projections à 40 ans de distance ? Évidemment oui quand il s’agit de prévoir les effets de l’arrivée de la générations du baby-boom à l’âge de la retraite, les données démographiques étant réputés robustes à 20 ans de distance. En revanche, il est beaucoup plus aléatoire de s’exprimer sur le montant des pensions dans 40 ans qui dépend de l’emploi, des salaires, de la démographie et surtout de comportements dont on voit bien avec les coefficients de solidarité qu’ils sont très difficiles à anticiper.

Cette dernière remarque conduit à souligner que l’importance des coefficients de solidarité tient sans doute beaucoup moins dans leur impact mécanique sur le montant des pensions que sur les effets que l’on est en droit d’attendre d’une mesure dont le principal mérite est d’introduire de la flexibilité dans la sortie de la vie active. La « retraite à la carte » qu’elle favorise, constitue à cet égard une liberté à laquelle les salariés seront très attachés. À eux en effet de faire un choix entre rester au travail ou poursuivre une activité en fonction de critères propres à chacun, à commencer par l’état de santé de la personne et sa situation matrimoniale et patrimoniale. Il y a là une vraie conquête sociale, mais dont les effets sont pour le moment très difficiles à apprécier.

Ce qui est certain en revanche, c’est qu’on comprendrait mal que cet aspect le plus nouveau et sans doute le plus porteur de la dernière réforme ne s’applique pas comme prévu en 2019. Non seulement ce serait une première si un accord paritaire signé par trois organisations syndicales ne s’appliquait pas et ce faisant une grave entorse au mode de gestion paritaire des régimes de retraite complémentaire. Mais surtout ce serait une occasion manquée d’introduire un peu de souplesse et de modernité dans des mécanismes qui pour certains d’entre eux ont tout de même 70 ans d’âge.

Le plus dur est à venir
Il reste enfin l’essentiel dans cette réforme dont on semble vouloir éviter de parler à savoir la mise en place d’un régime de retraite complémentaire unifié à compter du 1er janvier 2019. Une telle transformation, qui implique un reprofilage du régime des cadres, est sur les rails. Conformément aux orientations contenues dans l’accord du 30 octobre 2015, des discussions se sont ouvertes en février dernier et des groupes de travail ont été mis en place pour donner un contenu au futur régime et redéfinir la notion de cadre. Un statut à vrai dire qui n’a jamais été précisé, sauf à dire qu’était cadre celui qui gagnait plus que le plafond de la sécurité sociale. Cette fois il faudra aller plus loin dans la définition avec l’obligation de contenir les engagements du futur régime, dont le périmètre s’était considérablement élargi au fil des ans avec les techniciens et autres « assimilés ».

La négociation sera évidemment délicate. D’une certaine façon, d’ailleurs, elle fait déjà une victime en la personne de Carole Couvert, présidente sortante de la CFE-CGC, qui n’ayant pas eu le feu vert de sa fédération d’origine, celle de l’énergie, ne pourra briguer un second mandat au congrès confédéral de Lyon les 1er et 2 juin prochain. Bien des raisons autres qu’une conduite aléatoire de la négociation sur les retraites Agirc de 2015 expliquent sa disgrâce. Il n’empêche que cette question des retraites pèsera sur le déroulement du prochain congrès.

Deux candidats sont en lice pour succéder à la présidente sortante : François Hommeril, fédération de la chimie, qui avait été candidat à Saint-Malo contre Carole Couvert et Alain Giffard, actuel secrétaire national à l’économie et à l’industrie (fédération de la banque), qui semble tenir la corde. En tout état de cause et quel que soit l’élu, sa principale tâche sera d’une part d’éviter d’apparaître comme le « fossoyeur » du régime des cadres de 1947, d’autre part de parvenir à mettre en place un régime qui a légitimé depuis le 14 mars 1947 l’existence d’un syndicat catégoriel.

[1] La protection sociale en France et en Europe en 2013, édition 2015, Drees

Un accord-cadre « interbranches » en protection sociale pourrait redonner une marge d’action aux branches

Mardi 12 avril 2016

Voici le texte de l’interview paru dans AEF :

Par Grégoire Faney

Pour retrouver une marge d’action en matière de pilotage de la protection sociale, les branches professionnelles, dans un contexte de disparition des clauses de désignation, doivent se doter de nouveaux outils. Dans une interview accordée à l’AEF, Laurence Lautrette, avocate associée au sein du cabinet d’avocats Laurence Lautrette & Associés, explique en quoi la création d’associations souscriptrices, à un niveau interbranches, permettrait de répondre aux besoins actuels des partenaires sociaux. Ces nouvelles instances, qui nécessiteraient toutefois une modification législative, permettraient de piloter les régimes au niveau interbranches, et joueraient le rôle d’intermédiaire avec les assureurs. Seule contrainte : « Cela nécessite que les partenaires sociaux négociateurs au niveau de la convention collective nationale, s’engagent à respecter les décisions prises au niveau interbranches. »

AEF : Quel serait l’intérêt d’utiliser les questions de protection sociale dans une optique de rapprochement interbranches ?

Laurence Lautrette : La protection sociale a l’avantage d’être une piste de coopération qui peut être menée sans impliquer forcément un rapprochement en termes de droit du travail. Étant traditionnellement un vecteur assez consensuel de négociations, la protection sociale peut donc servir de premier pas pour expérimenter un processus de rapprochement ultérieur sur d’autres champs. À la différence de la fusion intégrale, la conclusion d’un accord-cadre « interbranches » propre à la protection sociale permet également d’envisager un processus de rapprochement brique par brique, qui permette en même temps de maintenir des spécificités pour chaque branche. C’est un facteur de souplesse.

AEF : Mais vous dites que, d’un point de vue juridique, les branches manquent d’outils pour mener ces expériences de mutualisation sur la protection sociale ?

Laurence Lautrette : Il n’existe pas de commission paritaire interbranches. Dans le cadre d’un accord « interbranches », il faut donc mettre en œuvre une gouvernance permettant de piloter les couvertures de protection sociale au niveau interbranches spécifiques. On peut le faire par des dispositions spécifiques insérées dans l’accord interbranches. On peut aussi inventer au niveau interbranches un outil juridique, doté d’une personnalité morale, avec une gouvernance particulière, qui puisse prendre des décisions, se déclinant ensuite de manière obligatoire au niveau des branches parties prenantes. Une entité juridique répond en fait à ce type de besoin : Il s’agit de l’association souscriptrice. C’est un outil, prévu dans le code des assurances, qui est déjà utilisé, notamment pour souscrire des couvertures collectives à adhésion facultative. Cette association répond notamment aux contraintes de gouvernance démocratique.

AEF : Quel serait le rôle précis de cette association souscriptrice interbranches ?

Laurence Lautrette : Dotée d’une personnalité morale, à la différence d’une commission paritaire de branche, cette association pourrait contractualiser avec les assureurs au nom des branches représentées, se doter de personnels, éventuellement héberger des bases de données, etc. Elle serait l’intermédiaire des partenaires sociaux avec les assureurs. Son statut lui permet aussi d’être contrôlée par l’ACPR, ce qui serait nécessaire au vu de ses responsabilités et de son rôle et constitue un gage de sécurité vis-à-vis des assurés. Elle représente également un bon niveau pour mettre en œuvre une politique d’action sociale et de prévention identique pour tous les salariés de la branche. Enfin, elle peut servir de plate-forme de partage de moyens pour différentes branches avec de proches problématiques.

AEF : Votre proposition ne se traduit-elle pas par une perte de pouvoir pour les branches, du fait de cette délégation de tâches ?

Laurence Lautrette : L’élargissement de la mutualisation renforce les moyens au niveau interbranches, mais elle implique d’être prêts à une forme de délégation de pouvoirs du niveau des branches vers le niveau interbranches. Le niveau de gouvernance doit correspondre au périmètre de mutualisation. Cela nécessite que les partenaires sociaux négociateurs au niveau de la convention collective nationale, s’engagent à respecter les décisions prises au niveau interbranches. Cela sous-entend donc que la gouvernance interbranches représente bien correctement toutes les parties pour éviter les problèmes de légitimité.

AEF : Pourquoi le besoin d’une telle structure se ferait-il plus sentir aujourd’hui qu’hier ?

Laurence Lautrette : Il y a bien sur le contexte actuel d’incitation au rapprochement entre branches. Mais sur le champ plus précis de la protection sociale, la fin des assureurs désignés a aussi laissé un vide. Jusqu’ici, ces derniers jouaient souvent le rôle d’outil de mise en œuvre pour le compte de la CPN La désignation permettait aux partenaires sociaux d’avoir un interlocuteur unique pour centraliser leur politique de branche. Aujourd’hui, cette relation privilégiée avec un seul assureur désigné n’est plus possible et l’association souscriptrice devient donc une vraie réponse, qui redonne des marges d’actions aux branches.

AEF : Quels obstacles restent-ils pour la mise en place d’une telle solution ?

Laurence Lautrette : Il n’est pas possible juridiquement, à ce jour, de créer des associations souscriptrices à forme paritaire pour des couvertures prévoyance. Cela demanderait donc une évolution législative pour donner une forme paritaire à ces associations, sur le champ de la prévoyance. Pour la couverture santé, c’est déjà techniquement faisable, mais cela demande d’articuler la mise en œuvre d’une couverture obligatoire avec la liberté d’adhésion à une association.