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PLFSS : l’article 22 engendre-t-il de nouveaux risques ?

Samedi 31 octobre 2015

Par Grégoire Faney (AEF)

En modifiant l’article L911-7 du code de la sécurité sociale, relatif au contenu des complémentaires santé collectives, l’article 22 du PLFSS 2016 va-t-il engendrer une modification des règles de participation des employeurs à hauteur de 50 % du financement de ces couvertures santé ? Évoquée lors de la discussion parlementaire, cette question a fait l’objet le 26 octobre 2015 d’une prise de position du cabinet LPSB qui estime que le PLFSS procède à « un tour de passe-passe » qui pourrait bien contraindre certaines entreprises à revoir à la hausse leur participation financière pour se mettre en conformité. Au-delà, les spécialistes du droit social s’interrogent sur les risques juridiques qu’engendre cette modification, notamment quant à l’hypothèse de redressements Urssaf pour les entreprises qui ne se conformeraient pas aux nouvelles règles, d’ici l’adoption du PLFSS, fin 2015.

La question de la participation employeur à la couverture santé de ses salariés ressurgit à l’occasion d’un débat d’experts autour de l’article 22 du PLFSS, texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale mardi 27 octobre 2015. L’article en lui-même porte principalement sur la mise en place d’un « chèque santé », financé par les employeurs, pour les salariés avec des contrats précaires ou à temps très partiel. Mais certains passages du texte adopté laissent à penser que la modification de l’obligation de participation des employeurs pourrait être bien plus large que le seul cadre des salariés en CDD ou à temps partiel.

UN DÉBAT QUI N’EST PAS NOUVEAU

La problématique du niveau légal exact de participation de l’employeur au financement de la complémentaire santé des salariés avait déjà provoqué nombre d’interrogations, suite à l’adoption de la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 (1) : Au cœur du sujet, les experts du droit social se divisaient notamment sur la question de savoir si l’employeur devait obligatoirement couvrir 50 % du coût total de la complémentaire santé, ou seulement 50 % du coût équivalent au panier de soins minimum légal (lire sur AEF). La première interprétation – qui avait été défendue par des représentants de la DSS lors de colloques – aurait cependant pour désavantage d’être potentiellement dissuasive pour les entreprises qui ont mis en place une complémentaire avant la réforme et qui vont au-delà des obligations légales.

UNE MODIFICATION DU L911-7 LOIN D’ÊTRE ANODINE

Ce que dit le II de l’article 22
L’article L. 911-7 du même code est ainsi modifié :

1° (nouveau) À la première phrase du I, la référence : « au II » est remplacée par les références : « aux II et III » ;

2° Le II est ainsi modifié :

e La deuxième phrase du cinquième alinéa est supprimée ;

b) La dernière phrase du cinquième alinéa devient le IV et, au début de cette phrase, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Un décret » ;

c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :

– au début, est ajoutée la mention : « III. – » ;

– à la fin de la première phrase, les mots : « cette couverture » sont remplacés par les mots : « la couverture collective à adhésion obligatoire des salariés en matière de remboursement complémentaire des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident » ; – la seconde phrase du septième alinéa est supprimée ;
L’article 22 du PLFSS 2016 relance le débat en modifiant l’article L911-7 du code de la sécurité sociale, qui encadre la règle de participation de l’employeur à la complémentaire santé de ses salariés. Certains, comme le cabinet LPSB, ont relevé la modification, dans le titre II de l’article 22 (voir encadré), de la référence à la couverture minimale pour ce qui concerne l’obligation de participation de l’employeur. En apparence anodine, cette modification entraînerait une lecture en réalité entièrement différente de l’obligation de participation de l’employeur, puisque celle-ci porte désormais clairement sur l’ensemble de la couverture obligatoire, et non pas seulement sur la partie correspondant au panier de soins minimal – un changement d’interprétation du L911-7 qui a été confirmé par l’ensemble des avocats spécialisés interrogés par l’AEF.

Pour Laurence Lautrette, avocate associé au sein du cabinet d’avocats Laurence Lautrette & Associé, la rédaction antérieure du L911-7 était déjà sujette à interprétation, mais avec l’article 22 du PLFSS, « le législateur lève une ambiguïté qui avait conduit à s’interroger sur la doctrine. […] Cette ambiguïté n’existe plus aujourd’hui. » Laurence Lautrette en conclut que cela devait « nécessiter une rapide mise en conformité des accords d’entreprise » dans certains cas, ceux où l’entreprise par exemple ne contribuait qu’à hauteur de 40 % à la complémentaire santé de leurs salariés. Techniquement, le PLFSS devant être adopté d’ici fin décembre 2015 et entrer en vigueur début 2016, les entreprises pourraient ne bénéficier que d’un temps très court pour se mettre en conformité – en supposant toutefois qu’aucune circulaire ne prévoit un délai pour une mise en conformité.

Si les avocats interrogés par AEF se rejoignent sur le fait que l’article 22 du PLFSS pourrait donc bien changer la règle sur la participation employeur, leurs opinions divergent quant aux risques qu’encourent les entreprises qui ne souhaiteraient/pourraient pas se mettre en conformité. Se pose tout d’abord la question d’un possible redressement par les Urssaf, au motif que le non respect de l’obligation de participation à hauteur de 50 % serait un manquement susceptible de faire tomber le bénéfice des exonérations sociales et fiscales liées au statut des contrats collectifs.

DES AVOCATS DIVISÉS SUR LE RISQUE DE REDRESSEMENT URSSAF…

Sur ce premier point, Xavier Pignaud, avocat associé du cabinet Rigaud Avocats, estime qu’il y a bien « un risque majeur et non théorique de redressement » par les Urssaf du fait du non respect de ces nouvelles règles. Cependant, « si le redressement est tout à fait envisageable, il serait contestable », estime Xavier Pignaud, car, « fondé sur une analyse extensive des conditions encadrant le bénéfice du traitement social de faveur. » Cédric Jacquelet, du cabinet Proskauer, juge de même « très hypothétique » les suites d’un redressement se basant sur une participation insuffisante de l’employeur, car cette question ne figure pas dans l’article L242-1 du code de la sécurité sociale. « Cela étant, mieux vaut se mettre en conformité », tranche toutefois l’avocat, plus inquiet sur le risque prud’homal.

Laurence Lautrette estime de même que le risque de redressement par une Urssaf suffisamment zélée est loin de pouvoir être exclu, celle-ci pouvant juger que l’ensemble des dispositions légales et réglementaires liées au statut du contrat collectif n’ont pas été respectées. Mais là encore, l’avocate estime que la procédure pourrait être contestée. Pour Frank Wismer, avocat associé au cabinet Fromons Briens, « le législateur ne semble pas vouloir modifier la loi d’exonération sur ce sujet de telle sorte que la question de la répartition employeur-salarié ne doit pas constituer un motif de redressement, sauf pour les Urssaf à ajouter à la loi une condition qui n’y figure pas ».

… DE MÊME QUE SUR LE RISQUE PRUD’HOMAL

Un même débat s’articule autour du risque prud’homal : que risque une entreprise qui n’aurait pas pris en charge à hauteur de 50 % la complémentaire santé d’un salarié, si celui-ci réclamait devant les prud’hommes un dédommagement ? Si ce risque de contentieux devant les prud’hommes existe bel est bien en droit pour Frank Wismer, il reste « théorique », et l’avocat souligne :  » On admettra que sa survenance est très faible, compte tenu notamment des enjeux financiers en cause ». Le risque semble de même évident pour Xavier Pignaud même s’il lui semble également limité.

L’analyse diffère chez Laurence Lautrette et Cédric Jacquelet qui estiment quant à eux que le risque prud’homal pourrait avoir des conséquences importantes dans certains cas. Pour Laurence Lautrette, « le risque prud’homal existe, en cas de contentieux individuel il portera sur des enjeux financiers modérés, mais par contagion il peut aboutir à des sommes beaucoup plus élevées dans les entreprises plus importantes ». Cédric Jacquelet pointe quant à lui le fait qu’une organisation syndicale pourrait se saisir de cette non conformité pour contester la validité de l’accord collectif devant le TGI.

Au final, malgré l’existence de risques – dont l’impact est ainsi discuté – les entreprises, et certaines branches, auraient-elles toutes intérêt à se mettre en conformité dès 2016 ? Plusieurs avocats soulignent aussi un effet secondaire négatif pour les entreprises qui iraient dans ce sens : celles qui amenderaient leur accord pour se mettre en conformité – soit pour réduire le montant de la complémentaire santé obligatoire, soit pour augmenter leur participation à hauteur de 50 % – pourraient aussi de facto sortir de la période transitoire… pour les contrats responsables.

Au final, au vu des nombreuses incertitudes à ce stade, Frank Wismer estime qu’il « ne serait pas surprenant qu’un certain nombre d’entreprises décident, en toute connaissance de cause, de maintenir leur couverture actuelle », quitte à passer un certain nombre d’accords avec les syndicats pour parer aux risques prud’homaux. L’avocat juge par ailleurs contre-productive la manœuvre « antisociale » de l’article 22,  » puisqu’elle tend à décourager la pratique du mieux disant, au profit de couvertures standardisées, au profit de couvertures facultatives à option, que souscriront les salariés les mieux rémunérés ».

UN PLFSS QUI PEUT ENCORE BOUGER

Quid du Sénat ?
Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur UDI du Pas-de-Calais et rapporteur général de la commission des Affaires sociales du Sénat, a par ailleurs confirmé à l’AEF, ce 30 octobre 2015, son intention d’amender le PLFSS, qui paraîtra devant sa commission le 4 novembre prochain, en supprimant un autre article lié à la complémentaire santé, l’article 21 prévoyant des contrats labellisés pour les plus de 65 ans.
À noter enfin que le PLFSS n’en est encore qu’à sa première lecture et pourrait encore être amendé de manière conséquente d’ici son adoption finale. Lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, plusieurs amendements ont déjà été déposés – et notamment soutenus oralement par le député LR Dominique Tian qui a évoqué une possible remise en cause des équilibres dans les entreprises – pour demander une suppression de l’article 22.

L’amendement 336, rejeté par l’Assemblée nationale, avançait ainsi que « pour les branches ou les entreprises ayant conclu des accords prévoyant un niveau de garanties bien supérieur à ce qui est prévu dans le panier de soins minimum, (le changement de règles induit par l’article 22) représentera un surcoût financier qui n’a pas été provisionné et potentiellement très élevé. Pour faire face à ce surcoût, plusieurs entreprises pourraient être obligées de revoir à la baisse le niveau de garanties offertes, ce qui serait contraire à l’intérêt des salariés. »

L’ANTI SOLVA 2

Jeudi 15 octobre 2015

VOICI EN 30 MN TOUT CE QU’IL FAUT GARDER À L’ESPRIT POUR SURVIVRE À SOLVA 2 ET CONTINUER DE FAIRE… SON MÉTIER.

https://www.youtube.com/watch?v=Jmb8wCo0R0g

BON COURAGE