Archive pour janvier 2015

Pamphlet, satire et caricature : Pilier de la République

Dimanche 18 janvier 2015

Le 17 janvier 2015, dans son Blog toujours si passionnant Pascale Robert-Diard rappelle pour Le Monde le combat judiciaire des caricatures. En ce temps de confusion, un peu de droit ne fait pas de mal.

« Le texte mériterait d’être affiché, étudié, débattu dans toutes les écoles de France, aux côtés de la Déclaration des droits de l’homme et du ­citoyen de 1789. Une dizaine de ­pages, celles du jugement rendu le 22 mars 2007 par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire des caricatures de Mahomet, constituent une magistrale leçon d’instruction civique.

Elles s’ouvrent sur ce rappel solennel : « Attendu qu’en France, ­société laïque et pluraliste, le respect de toutes les croyances va de pair avec la liberté de critiquer les religions quelles qu’elles soient et avec celle de représenter des sujets ou objets de vénération religieuse ; que le blasphème, qui outrage la divinité ou la religion, n’y est pas réprimé (…)  ». Elles concluent : « Attendu que Charlie Hebdo est un journal satirique, contenant de nombreuses caricatures, que nul n’est obligé d’acheter ou de lire (…) ; que toute caricature s’analyse en un portrait qui s’affranchit du bon goût pour remplir une fonction parodique (…) ; que le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce titre à la liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions (…) ; qu’ainsi, en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal Charlie Hebdo apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans ; que les limites admissibles de la liberté d’expression n’ont donc pas été dépassées. »

Le journal, qui était poursuivi pour « injure envers une religion » par deux associations musulmanes, est donc relaxé. Le jugement est confirmé un an plus tard par la cour d’appel de Paris. Il dit deux siècles d’histoire nationale, de tensions politiques et religieuses qui ont bâti, pierre après pierre, la forteresse de la ­liberté d’expression et son pendant, le droit à l’humour et à la caricature.

La Révolution française l’avait proclamée avant de l’étouffer bien vite. L’Empire puis la Restauration n’ont cessé de lui fixer des limites. Dans les années 1830, Honoré Daumier, Charles Philipon – avec ses dessins de poires représentant le roi Louis-Philippe – sont condamnés à des peines de prison ferme pour leurs caricatures.

La loi de 1835, préparée par Adolphe Thiers, alors ministre de l’intérieur, accorde à la caricature le statut protecteur de « genre littéraire », mais prévoit que « l’offense au roi, lorsqu’elle a pour but d’exciter à la haine ou au mépris de sa personne ou de son autorité constitutionnelle, est un attentat à la sûreté de l’Etat ».

Cinquante ans plus tard, la loi sur la liberté de la presse de 1881, votée sous la IIIe République, encadre très strictement l’irrévérence entre les bornes de l’injure, de l’atteinte aux bonnes mœurs, de l’offense au président de la République ou aux chefs d’Etat étrangers et du droit à l’image.

Il faut enjamber le siècle et deux guerres pour qu’une autre révolution, celle de mai 1968, fasse franchir un pas décisif à la ­liberté d’expression et au droit à l’humour. « Ce sont bien Cabu, Wolinski et les autres qui, les premiers, ont porté l’outrance et l’irrévérence dans des dessins jusqu’alors proscrits, car considérés comme trop vulgaires ou licencieux », ­observe l’avocat spécialiste du droit de la presse Basile Ader. C’est d’ailleurs à Charlie Hebdo que l’on doit un attendu de principe qui a aujourd’hui force de loi, souligne l’avocat ; il figure dans un arrêt rendu en 1991 par la cour d’appel de Paris, selon lequel :
« on doit tolérer l’inconvenance grossière et provocatrice, l’irrévérence sarcastique sur le bon goût desquelles l’appréciation de chacun reste libre, qui ne peuvent être perçues sans tenir compte de leur ­vocation ouvertement satirique et humoristique, qui permet des exagérations, des déformations et des présentations ironiques ».

La caricature, qui vient étymologiquement du verbe italien caricare (« charger »), est une charge, rappelle l’avocat Frédéric Gras dans un article très documenté, « La tradition française de protection de la caricature ». Parce qu’elle est forcément désagréable, voire douloureuse ou insupportable, le juge ne peut faire dépendre son appréciation de la susceptibilité de ­celui qui s’en estime victime, sauf à restreindre considérablement le principe de la liberté d’expression et le droit à l’humour. A rebours de ce que relevait en 1913 le juriste Henri Fougerol – le caricaturiste « s’attachera toujours à conserver le ton de la fine plaisanterie et de l’ironie gauloise » – la jurisprudence née avec Charlie Hebdo admet que l’humoriste peut ne pas être drôle. La même précaution vaut pour le juge, qui n’a pas à se déterminer en fonction de sa propre susceptibilité. « Le juge n’est pas le juge du bon goût », observe Basile Ader.

C’est surtout à la Cour européenne des droits de l’homme que l’on doit la consécration du principe de la liberté d’expression. Dans un ­arrêt fondateur de 1976, elle souligne que « la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec ferveur ou considérées comme inoffensives, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance ou l’esprit d’ouverture, sans lesquels il n’y a pas de société démocratique ». C’est à cette aune que la 17e chambre juge chaque jour les plaintes qui lui sont soumises.

Mais si elles n’ont cessé de reculer, les frontières de la liberté d’expression et du droit à l’humour existent bel et bien. « La caricature et la satire étant par ­nature abusives, les limites du droit à l’humour doivent être considérées comme des abus d’abus», relève Me Basile Ader.

Pour les personnalités publiques, qui doivent admettre que la caricature est la contrepartie de la notoriété, les limites à ne pas franchir sont la diffamation, l’injure, l’outrage, le dénigrement ou l’atteinte à la vie privée. Les journaux satiriques disposent, à ce titre, d’une ­ « présomption humoristique », qui les protège ­davantage que les publications dites sérieuses.

L’humour ne saurait non plus servir à masquer ce que le droit appelle des « buts illégitimes », tels que la provocation à la haine raciale, l’injure faite à un groupe en raison de son ­appartenance religieuse, l’atteinte à la dignité humaine ou l’animosité personnelle. Cette distinction subtile entre buts légitimes et illégitimes est au cœur des malentendus et de la polémique qu’entretiennent les partisans de Dieudonné.

Pour les juges, la ligne jaune est franchie quand l’injure, même prononcée par quelqu’un revendiquant le statut d’humoriste, atteint une communauté « dans son ensemble ». Dans une décision rendue en 2007, la cour considère ainsi que les propos de Dieudonné – « Les juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des plus graves parce que c’est la première » – ne relèvent pas « de la libre critique du fait religieux, participant d’un débat d’intérêt général, mais constituent une injure visant un groupe de personnes en raison de son origine, dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté d’expression dans une société démocratique ».

En 2006, les juges déboutent en revanche de leurs poursuites des associations catholiques qui s’estimaient injuriées par deux documents : une image représentant « sainte ­Capote », une religieuse aux épaules nues à côté d’un préservatif, et une affiche, parodie commerciale de La Cène de Léonard de Vinci. Dans les deux cas, les juges relèvent que ces documents, même s’ils avaient pu être ressentis comme offensants, n’ont pas « pour objectif d’outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience » et qu’en conséquence ils ne dépassent pas les limites de la ­liberté d’expression.

C’est le même raisonnement qui conduit, l’année suivante, la 17e chambre à relaxer Charlie Hebdo à propos de la publication de certaines caricatures de Mahomet. Ces caricatures, estime alors le tribunal, ne sont pas une injure raciale, car elles « visent clairement une fraction et non l’ensemble de la communauté musulmane ».

Mardi 6 janvier 2015, les représentants des principaux cultes de l’Alsace et de la Moselle, dont l’islam, participaient à une audition commune à Paris devant l’Observatoire de la laïcité. A l’unanimité, ils ont demandé l’abrogation du délit de blasphème, une survivance du droit allemand resté en vigueur dans ces ­départements, même après leur rattachement à la France en 1918. Ce délit, soulignaient-ils, est complètement tombé en désuétude.

Le lendemain de cette réunion, les frères Chérif et Saïd Kouachi quittaient le siège de Charlie Hebdo, dont ils venaient de décimer la rédaction, en hurlant dans la rue : « On a tué Charlie, le Prophète est vengé. » »

Appel d’offre Protection Sociale des branches : le décret au JO

Mardi 13 janvier 2015

Le voilà….
 
 
DECRET
Décret n° 2015-13 du 8 janvier 2015 relatif à la procédure de mise en concurrence des organismes dans le cadre de la recommandation prévue par l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale
 
NOR: AFSS1419916D
 
Version consolidée au 13 janvier 2015
 
 
 
 
Publics concernés : organisations syndicales de salariés, organisations professionnelles d’employeurs, organismes d’assurance relevant du code des assurances, du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale.
 
Objet : détermination de la procédure de mise en concurrence préalable au choix du ou des organismes assureurs recommandés par les accords professionnels ou interprofessionnels pour gérer des garanties collectives complémentaires.
 
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication.
 
Notice : les partenaires sociaux qui recommandent un ou plusieurs organismes assureurs pour assurer la gestion des garanties obligatoires de protection sociale complémentaire qu’ils instituent doivent procéder à une mise en concurrence préalable de ces organismes.
 
Le présent décret a pour objet de définir la procédure applicable, afin notamment d’en garantir la transparence. Ainsi, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs devront publier un avis d’appel à la concurrence qui comprendra les conditions de recevabilité et d’éligibilité des candidatures ainsi que les critères d’évaluation des offres.
 
Le décret prévoit également des règles visant à assurer l’égalité de traitement des candidats tout au long de la procédure et l’impartialité des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs lors du choix du ou des organismes recommandés, notamment en prohibant les situations de conflits d’intérêts.
 
Références : le présent décret est pris pour l’application de l’article 14 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014. Le code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du présent décret, peut être consulté sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr/).
 
Le Premier ministre,
 
Sur le rapport du ministre des finances et des comptes publics, de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social,
 
Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L. 911-1 et L. 912-1 ;
 
Vu le code du travail, notamment son article L. 2261-19 ;
 
Vu la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 modifiée renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ;
 
Vu la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 ;
 
Vu l’avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières en date du 7 juillet 2014,
 
Décrète : 
 
 
Article 1
 
A modifié les dispositions suivantes :
 
Article 2
 
en cours de traitement
 
 
Fait le 8 janvier 2015. 
 
Manuel Valls 
Par le Premier ministre : 
 
La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, 
Marisol Touraine 
 
Le ministre des finances et des comptes publics, 
Michel Sapin 
 
Le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, 
François Rebsamen 
 
Le secrétaire d’Etat chargé du budget, 
Christian Eckert 
 
 
 

2015… QUOI DEMAIN ?

Samedi 3 janvier 2015

Depuis maintenant une vingtaine d’années, la diffusion d’Internet modifie en profondeur nos comportements. Nous accédons à un espace quasi-infini de données dont un grand nombre sont gratuites. Les réseaux et les plates-formes collaboratives déplacent les frontières des marchés. Il est possible d’échanger des biens et des services au sein de larges communautés. La gratuité et le travail collaboratif se multiplient avec comme symbole comme Wikipédia. Ainsi, par facilité, par goût ou par rationalité économique, la société du partage qui peut être lucratif se met en place. Mais comment la comptabiliser pour le calcul du PIB ?
Internet avec son principe du coût marginal décroissant change la donne économique. Le secteur de la musique a été le premier à être confronté à cette révolution avec la diffusion gratuite de millions de morceaux. Il en a résulté une chute des ventes de disques et une atrophie du chiffre d’affaires des majors avec en parallèle une explosion de l’écoute de la musique. La vidéo et le livre sont également concernés. Le numérique permet aux producteurs de mettre en ligne pour un coût marginal nul ses créations.
Les technologies de l’information aboutissent à affaiblir de nombreux intermédiaires. Ainsi, les agences de voyage ont perdu de leur raison d’être. Le travail est réalisé par des plates-formes en ligne. Il en résulte une baisse du chiffre d’affaires au moment même où le marché du tourisme explose.
Le recours à des plates-formes dotées d’outils logiciels de calcul, de comparaison se développe. Le secteur de la banque et de l’assurance est aujourd’hui touché. Des sites offrent la possibilité à des Internautes d’accéder à des techniques qui étaient, jusqu’à maintenant réservées aux professionnels. En 2015, une jeune société, Anatec, proposera aux épargnants une gestion de portefeuille automatisée.
Les techniques d’information, de géolocalisation permettent à tout un chacun de devenir hôtelier, chambre d’hôte, d’être chauffeur de voiture, de prêter ses outils, de financer son voisin ou une Pme en Sibérie orientale. Les succès de AirBnB, de Blablacar, des sites de crowdfunding prouvent qu’il y a bien un changement d’attitude vis-à-vis de la consommation. La comptabilisation de ces nouvelles activités n’est pas évidente tout comme leur taxation, d’autant plus que ces sites n’ont pas toujours leur siège social en France.
Ce mouvement de consommation alternative aboutit à réduire la demande en biens traditionnels. Il peut être destructeur brut d’emplois. Certes, le pouvoir d’achat libéré ou créé par ses activités devrait générer un surcroît de demande. Or, ce n’est pas le cas. La consommation par habitant baisse en France depuis plusieurs années. La montée du chômage, les augmentations des prélèvements avec en parallèle le maintien d’un taux élevé d’épargne expliquent cette situation.