• En vertu de l’article L. 311-3, 23°, du code de la sécurité sociale, sont affiliés obligatoirement au régime général les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées ; il en résulte que les cotisations dues pour ceux-ci doivent être calculées pour l’ensemble de leur rémunération selon les dispositions de l’article L. 242-1 ; pour débouter la société de son recours, le jugement retient que la directrice générale n’avait pas la qualité de salarié, mais bien celle de mandataire social et que le collège des cadres et cadres dirigeants visé à l’article L. 3111-2 du code du travail n’englobe pas le mandataire social, et que c’est, dès lors, à bon droit que l’URSSAF a exigé la réintégration dans l’assiette des cotisations des sommes versées par la société au titre du contrat souscrit pour le compte de son dirigeant ; en statuant ainsi par des motifs inopérants à écarter l’application de l’exonération de cotisations propre aux contributions de l’employeur au financement d’avantages complémentaires de retraite et de prévoyance, le tribunal a violé les textes susvisés (Cass. civ., 19 déc. 2013, n° 12-28.429 P).
Archive pour décembre 2013
Mandataire social et PSC
Vendredi 27 décembre 2013Obligation d’information des caisses de retraite : une décision bienvenuee
Vendredi 27 décembre 2013• L’obligation d’information pesant sur la caisse en application de l’article L. 161-17 ne peut être étendue au-delà des prévisions de ce texte et celle générale découlant de l’article R. 112-2 lui impose seulement de répondre aux demandes qui lui sont soumises (Cass. civ., 19 déc. 2013, n° 12-27.467 P).
Saine concurrence et concurrence « malsaine »… décision du conseil constitutionnel et suite…
Vendredi 20 décembre 2013Chacun le sait, de tous temps la fonction des conventions collectives a été d’organiser un « saine » concurrence entre les entreprises du secteur.
Qu’est-ce qu’une « malsaine » concurrence ? c’est une concurrence immorale.
Chaque entreprise a le droit d’être meilleure que les autres ; parce qu’elle est mieux organisée, parce qu’elle a la meilleure R et D, parce que ses process sont plus rigoureux ou ses actionaires moins gourmands, etc… c’est une « saine » concurrence.
La concurrence est malsaine quand l’avantage de l’entreprise se fait sur des points qu’il est immoral d’exploiter.
Tenter d’être meilleur que les autres en payant ses salariés en dessous du niveau de subsistance, c’est une concurrence « malsaine » car elle fait de la faiblesse économique des individus un vecteur de différenciation entre entreprises du même secteur. C’est pourquoi les conventions collectives déterminent des niveaux minimum de rémunération en dessous desquels les entreprises s’interdisent de descendre.
Tenter d’être meilleur que les autres en se gardant d’embaucher ou en licenciant des salariés dont l’état de santé (ou l’âge) risque d’allourdir la masse salariale en raison du coût des couvertures de protection sociale c’est une concurrence « malsaine » car elle fait de la santé des individus un vecteur de différenciation entre entreprises du même secteur.
C’est pourquoi les conventions collectives déterminent le même coût/prestation pour les couvertures collectives santé ou prévoyance, quelle que soit l’entreprise qui emploie ceux des salariés qui sont en plus mauvaise santé.
Le Conseil Constitutionnel vient de valider le nouvel article L. 912-1 du code de la sécurité sociale tel qu’il ressort de la rédaction de l’article 14 du la loi de finance de la sécurité sociale en ce qu’il laisse le champ à une « saine » concurrence entre organismes assureurs sur le marché de l’assurance collective.
Pour que cette évolution ne conduise pas à développer une concurrence « malsaine » entre entreprises du meme secteur il faudra – encore et toujours – définir et fixer un même coût/prestation applicable à toutes les entreprises quel que soit l’état de santé des salariés qu’elle emploie. Il faudra organiser des mécanismes de mutualisation ET de solidarité et trouver les moyens juridiques pour obliger chacun à payer pour tous.
Même s’il ne valide pas le mécanisme du forfait social, le conseil constitutionnel ouvre cette voie. Une prime fiscale aux vertueux est acceptable et une obligation pour les mécanismes de solidarité aussi, si elle est justifiée.
Nöel sera chaud.
En attendant le conseil constit….
Jeudi 19 décembre 2013Vous cherchez la décision du conseil constit ?
vous êtes impatient ?
vous n’avez rien à lire ?
voici en apéritif un article que j’ai rédigé et qui est paru dans le droit social de novembre.
il fait bien le point sur les principes fondamentaux du droit collectif de la protection sociale et les dangers qu’il court aujourd’hui….
… et il permet d’éclairer les enjeux du plat de résistance…
Décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013
Loi de financement de la sécurité sociale 2014
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, le 4 décembre 2013, par MM. Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Gérard BAILLY, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Joël BILLARD, Jean BIZET, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Christian COINTAT, Gérard CORNU, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Philippe DOMINATI, Michel DOUBLET, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul EMORINE, André FERRAND, Alain FOUCHE, Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Patrice GÉLARD, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, François GROSDIDIER, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Mmes Sophie JOISSAINS, Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Michel MAGRAS, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Mme Hélène MASSON-MARET, MM. Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Philippe NACHBAR, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Xavier PINTAT, Ladislas PONIATOWSKI, Mme Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Michel SAVIN, Bruno SIDO, Mmes Esther SITTLER, Catherine TROENDLE, MM. François TRUCY et Jean-Pierre VIAL, et, le 12 décembre, par MM. François ZOCCHETTO, Jean ARTHUIS, Jean-Marie BOCKEL, Vincent CAPO-CANELLAS, Vincent DELAHAYE, Yves DÉTRAIGNE, Mme Muguette DINI, MM. Daniel DUBOIS, Jean-Léonce DUPONT, Mmes Françoise FÉRAT, Sylvie GOY-CHAVENT, Chantal JOUANNO, Valérie LÉTARD, MM. Hervé MARSEILLE, Hervé MAUREY, Jean-Claude MERCERON, Michel MERCIER, Aymeri de MONTESQUIOU, Henri TANDONNET et Jean-Marie VANLERENBERGHE, sénateurs ;
Et, le 5 décembre 2013, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Élie ABOUD, Bernard ACCOYER, Benoist APPARU, Julien AUBERT, Jean-Pierre BARBIER, Sylvain BERRIOS, Xavier BERTRAND, Étienne BLANC, Marcel BONNOT, Mme Valérie BOYER, MM. Dominique BUSSEREAU, Olivier CARRÉ, Gilles CARREZ, Yves CENSI, Guillaume CHEVROLLIER, Alain CHRÉTIEN, Philippe COCHET, Jean-Louis COSTES, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Bernard DEFLESSELLES, Rémi DELATTE, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Mme Sophie DION, MM. Jean-Pierre DOOR, David DOUILLET, Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Yves FROMION, Laurent FURST, Claude de GANAY, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Mme Arlette GROSSKOST, MM. Serge GROUARD, Mme Françoise GUÉGOT, MM. Jean-Jacques GUILLET, Christophe GUILLOTEAU, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Guénhaël HUET, Christian KERT, Mme Valérie LACROUTE, MM. Jacques LAMBLIN, Jean-François LAMOUR, Mmes Laure de LA RAUDIÈRE, Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Bruno LE MAIRE, Jean LEONETTI, Pierre LEQUILLER, Céleste LETT, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Gilles LURTON, Jean-François MANCEL, Thierry MARIANI, Olivier MARLEIX, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, Philippe MEUNIER, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Dominique NACHURY, MM. Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Mme Bérangère POLETTI, MM. Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Arnaud ROBINET, Mmes Sophie ROHFRITSCH, Claudine SCHMID, MM. André SCHNEIDER, Thierry SOLÈRE, Claude STURNI, Lionel TARDY, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Dominique TIAN, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Jean-Pierre VIGIER, Éric WOERTH, Francis VERCAMER et Arnaud RICHARD, députés.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de l’action sociale et des familles ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ;
Vu l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;
Vu la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;
Vu la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;
Vu la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie ;
Vu la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion ;
Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
Vu la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 ;
Vu la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;
Vu la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 ;
Vu l’avis du Haut conseil des finances publiques n° 2013-03 du 20 septembre 2013 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées les 12 et 13 décembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les sénateurs et les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ; qu’ils mettent en cause la conformité à la Constitution de ses articles 8, 14 et 47 ; que les sénateurs contestent en outre la conformité à la Constitution de ses articles 13, 48 et 82 ainsi que la place de l’article 49 dans la loi de financement de la sécurité sociale ; que les députés contestent également sa sincérité ainsi que l’article 32 ;
- SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE :
2. Considérant que les députés requérants soutiennent que la loi de financement de la sécurité sociale est insincère compte tenu de l’avis du Haut conseil des finances publiques ; qu’ils font également valoir que les modifications introduites lors de l’examen de l’article 8 ont eu pour effet de réduire les recettes que cet article devait produire en 2014 à hauteur de 200 millions d’euros sans que cette réduction du montant des recettes ait été prise en compte pour la fixation des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ; qu’il en résulterait une atteinte à la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ;
3. Considérant qu’aux termes de la première phrase du 2° du C du paragraphe I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale « détermine, pour l’année à venir, de manière sincère, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible » ; qu’il en résulte que la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine ; qu’il s’ensuit, d’une part, que les prévisions de recettes doivent être initialement établies par le Gouvernement au regard des informations disponibles à la date du dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale et des dispositions contenues dans ce projet de loi ; que, d’autre part, il appartient au Gouvernement d’informer le Parlement, au cours de l’examen de ce projet de loi, lorsque surviennent des circonstances de droit ou de fait de nature à remettre en cause les conditions générales de l’équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et, dans ce cas, de corriger les prévisions initiales ;
4. Considérant, en premier lieu, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a été fondé sur des prévisions de croissance de 0,1 % en moyenne annuelle pour 2013 et de 0,9 % pour 2014 ; que, dans son avis susvisé, le Haut conseil des finances publiques a estimé que si « les prévisions de croissance sont plausibles », « le scénario macroéconomique présente des éléments de fragilité » ;
5. Considérant qu’il ne ressort ni de l’avis du Haut conseil des finances publiques ni des autres éléments soumis au Conseil constitutionnel que les hypothèses économiques sur lesquelles est fondée la loi de financement de la sécurité sociale soient entachées d’une intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre de la loi déférée ;
6. Considérant, en second lieu, que les modifications introduites lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ont eu pour effet de diminuer les recettes attendues des dispositions de son article 8 pour l’année 2014 ; que le Gouvernement, après avoir présenté, par voie de conséquence, lors de cette même nouvelle lecture, un amendement à l’article 6 prenant en compte la correction de l’exécution de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie pour l’année 2013, a également présenté des amendements aux articles 22, 23 et 24 ainsi qu’à l’état figurant en annexe C à la loi de financement de la sécurité sociale notamment afin de prendre en compte l’impact négatif sur les prévisions de recettes résultant des modifications introduites à l’article 8 ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés du défaut de sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 doivent être écartés ;
- SUR L’ARTICLE 8 :
8. Considérant que l’article 8 modifie, à compter du 26 septembre 2013, les règles relatives aux taux de prélèvements sociaux applicables à certains produits de contrats d’assurance-vie ; qu’il modifie également les règles relatives aux modalités de recouvrement des prélèvements sociaux sur les produits de placement par les établissements payeurs ainsi que celles relatives à la date de paiement de l’acompte d’impôt sur le revenu dû sur certains produits de placement ; qu’il modifie enfin les règles relatives aux prélèvements sociaux applicables à Mayotte ;
9. Considérant que, selon les sénateurs et députés requérants, la suppression des taux de prélèvements sociaux « historiques » applicables à certains produits de contrats d’assurance-vie exonérés d’impôt sur le revenu, alors que dans le même temps l’application de ces taux « historiques » de prélèvements sociaux serait maintenue pour les produits perçus sur les plans d’épargne en actions, sur les plans et comptes d’épargne-logement et sur l’épargne salariale lesquels sont également exonérés d’impôt sur le revenu, institue une différence de traitement qui ne repose pas sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l’objectif poursuivi par le législateur ; qu’il en résulterait une atteinte à l’égalité devant les charges publiques ;
10. Considérant que les requérants font également valoir que les dispositions contestées instaurent sur ces gains une imposition rétroactive qui ne respecterait pas les exigences de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’il ressortirait de la « pratique législative » constante que les augmentations successives des taux de prélèvements sociaux n’ont jamais été rendues applicables à ces gains, traduisant ainsi « la volonté du législateur de préserver des situations qu’il estimait légalement acquises » ; que, par suite, l’application des taux de prélèvements sociaux en vigueur lors du dénouement des contrats d’assurance-vie porterait « atteinte à une situation ainsi qu’à une espérance légalement acquises » sans être justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité :
11. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;
12. Considérant qu’en prévoyant l’application des taux de prélèvements sociaux en vigueur au jour du dénouement du contrat ou du décès de l’assuré pour l’ensemble des produits de contrats d’assurance-vie qui n’ont pas fait l’objet d’un assujettissement à ces prélèvements sociaux lors de leur inscription au contrat, le législateur a entendu prélever des recettes supplémentaires sur les gains provenant de ces produits de placement ; que le Conseil constitutionnel n’a pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu’il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé ; que les contrats d’assurance-vie sont des contrats d’assurance ; qu’ils ne sont soumis à aucun plafonnement et qu’ils présentent une diversité très grande ; qu’en modifiant les taux de prélèvements sociaux applicables aux gains issus de ces contrats exonérés d’impôt sur le revenu, sans modifier dans le même temps les taux de prélèvements sociaux applicables aux produits issus des plans d’épargne en actions, aux primes versées dans le cadre des comptes et plans d’épargne logement, aux intérêts acquis sur les plans d’épargne logement de moins de 10 ans souscrits avant le 1er mars 2011 ainsi qu’aux produits de l’épargne salariale, le législateur a, bien que tous ces produits soient également exonérés d’impôt sur le revenu, traité différemment au regard des prélèvements sociaux des gains provenant de produits de placement aux caractéristiques et à l’objet différents ; que la différence qui en résulte entre les différents gains provenant de produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu ne méconnaît pas le principe d’égalité ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance des exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 :
13. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ;
14. Considérant qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu’en particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations ;
15. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du 2° du A du paragraphe I, du 1° du paragraphe III, du paragraphe IV et des B et C du paragraphe V de l’article 8 prévoient, pour les produits de contrats d’assurance-vie acquis ou constatés à compter du 1er janvier 1997 exonérés d’impôt sur le revenu et pour lesquels les prélèvements sont acquittés lors du dénouement du contrat ou du décès de l’assuré, une modification des taux de prélèvements sociaux applicable aux « faits générateurs intervenant à compter du 26 septembre 2013 » ; qu’en prévoyant d’appliquer les taux de prélèvements sociaux modifiés pour des contrats dont le dénouement ou la transmission sont intervenus à compter du 26 septembre 2013, date à laquelle les dispositions contestées ont été rendues publiques, le législateur a entendu éviter que l’annonce de cette réforme n’entraîne, avant l’entrée en vigueur de la loi, des effets contraires à l’objectif de rendement poursuivi ; que, par suite, l’effet rétroactif qui résulte de ces dispositions est justifié par un motif d’intérêt général suffisant ;
16. Considérant, en second lieu, que le législateur a institué, pour les contrats d’assurance-vie souscrits avant le 26 septembre 1997 pour les primes versées avant cette date ou, dans certaines conditions particulières, ultérieurement, un régime particulier d’imposition des produits issus de ces primes, afin d’inciter les titulaires à conserver ces contrats pendant une durée de six ou huit ans prévue au paragraphe I bis de l’article 125-0 A du code général des impôts ;
17. Considérant que, d’une part, le législateur a prévu une exonération totale d’impôt sur le revenu sur les produits correspondant à ces primes versées sur des contrats souscrits avant le 26 septembre 1997 ; que, d’autre part, les taux de prélèvements sociaux applicables aux produits de contrats d’assurance-vie acquis ou constatés à compter du 1er janvier 1997 exonérés d’impôt sur le revenu et pour lesquels les prélèvements sont acquittés lors du dénouement du contrat ou du décès de l’assuré sont, pour chaque fraction de produits correspondant à une période donnée, les taux en vigueur lors de cette période ; que le bénéfice de l’application de ces taux « historiques » de prélèvements sociaux est attaché, tout comme le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu sur ces mêmes gains, au respect d’une durée de conservation du contrat de six ans pour les contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 et de huit ans pour ceux souscrits entre le 1er janvier 1990 et le 25 septembre 1997 ; que les dispositions contestées ont entendu mettre fin à cette règle d’assujettissement aux prélèvements sociaux « nonobstant les articles 5 et 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (n° 97-1164 du 19 décembre 1997), l’article 19 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, l’article 72 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, l’article 28 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, l’article 6 de la loi n° 2010-1657 du 9 décembre 2010 de finances pour 2011, l’article 10 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011, l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 et l’article 3 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 » ; qu’il ressort de l’ensemble des dispositions législatives énumérées que l’application des taux de prélèvements sociaux « historiques » aux produits issus de certains contrats d’assurance-vie est l’une des contreparties qui sont attachées au respect d’une durée de six ou huit ans de conservation des contrats, accordées aux épargnants pour l’imposition des produits issus de ces contrats ; que, par suite, les contribuables ayant respecté cette durée de conservation pouvaient légitimement attendre l’application d’un régime particulier d’imposition lié au respect de cette durée légale ;
18. Considérant que le législateur, en poursuivant l’objectif d’augmentation du rendement des prélèvements sociaux appliqués aux produits des contrats d’assurance-vie, a pu prévoir une augmentation des taux de ces prélèvements pour la partie de ces produits acquise ou constatée au-delà de la durée légale nécessaire pour bénéficier du régime d’exonération d’impôt sur le revenu ; qu’en revanche, un tel motif, exclusivement financier, ne constitue pas un objectif d’intérêt général suffisant pour justifier que les produits des contrats d’assurance-vie acquis ou constatés pendant la durée légale nécessaire pour bénéficier du régime particulier d’imposition de ces produits fassent l’objet d’une modification des taux de prélèvements sociaux qui leur sont applicables ;
19. Considérant que, par suite, les dispositions du 2° du A du paragraphe I, du 1° du paragraphe III, du paragraphe IV et des B et C du paragraphe V de l’article 8 ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences précitées de l’article 16 de la Déclaration de 1789, permettre que les produits de contrats d’assurance-vie acquis ou constatés à compter du 1er janvier 1997 exonérés d’impôts sur le revenu et pour lesquels les prélèvements sont acquittés lors du dénouement du contrat ou du décès de l’assuré soient soumis aux taux de prélèvements sociaux applicables à la date du fait générateur de l’imposition pour ceux de ces produits qui ont été acquis ou constatés au cours des huit premières années suivant l’ouverture du contrat d’assurance-vie pour ceux de ces contrats souscrits entre le 1er janvier 1990 et le 25 septembre 1997 ;
20. Considérant, qu’il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 19, les dispositions du 2° du A du paragraphe I, du 1° du paragraphe III, du paragraphe IV et des B et C du paragraphe V de l’article 8 doivent être déclarées conformes à la Constitution ; que, pour le surplus, les dispositions de l’article 8 doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 13 :
21. Considérant que l’article 13 a pour objet de modifier la contribution à la charge des établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques et des entreprises assurant l’exploitation d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques prévue par les articles L. 138-1 à L. 138-9 du code de la sécurité sociale ; qu’il modifie l’article L. 138-2 pour prévoir, au titre de cette contribution, une troisième part assise sur la fraction du chiffre d’affaires hors taxes réalisée par l’entreprise « correspondant au montant de la marge rétrocédé aux pharmacies » sur « les spécialités autres que celles mentionnées aux deux dernières phrases du premier alinéa de l’article L. 138-9 » ; qu’il abaisse le taux applicable à la première part d’assiette de 1,9 % à 1,75 % et fixe le taux applicable à la troisième part d’assiette à 20 % ; qu’il modifie la fourchette dans laquelle doit être comprise le montant de la contribution correspondant aux deux premières parts d’assiette en prévoyant que ce montant ne peut excéder 2,55 % ni être inférieur à 1,25 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé par l’entreprise ; qu’il prévoit enfin que l’entreprise soumise pour la première fois à la contribution sera redevable tant de la première que de la troisième part ;
22. Considérant que, selon les sénateurs requérants, en créant une troisième tranche de la contribution dont l’assiette correspond à la marge rétrocédée aux pharmacies d’officine, les dispositions contestées auraient pour effet de créer une distorsion de concurrence entre les ventes directes et les ventes par l’intermédiaire de grossistes des spécialités pharmaceutiques remboursables et de conduire « mécaniquement à une situation monopolistique en faveur des grossistes contraire au principe de libre concurrence » ; qu’il en résulterait une atteinte aux principes de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle ;
23. Considérant que la contribution prévue par les articles L. 138-1 à L. 138-9 du code de la sécurité sociale est, en vertu du premier alinéa de l’article L. 138-2, « assise sur le montant du chiffre d’affaires hors taxes défini à l’article L. 138-1 » ; que le second alinéa de l’article L. 138-1 prévoit que « pour la détermination de l’assiette de la contribution, il n’est tenu compte que de la partie du prix de vente hors taxes aux officines inférieure à un montant de 150 euros augmenté de la marge maximum que les entreprises visées à l’alinéa précédent sont autorisées à percevoir sur cette somme en application de l’arrêté prévu à l’article L. 162-38 » ;
24. Considérant que l’assiette de la troisième tranche de taxation au titre de la contribution prévue par les articles L. 138-1 à L. 138-9 du code de la sécurité sociale correspond à « la fraction du chiffre d’affaires hors taxes réalisée par l’entreprise au cours de l’année civile correspondant au montant de la marge rétrocédé aux pharmacies mentionnées au premier alinéa de l’article L. 138-1 », pour les seules « spécialités autres que celles mentionnées aux deux dernières phrases du premier alinéa de l’article L. 138-9 » ; que, pour ces spécialités pharmaceutiques, la première phrase du premier alinéa de l’article L. 138-9 limite la marge à 2,5 % du prix fabricant hors taxes ;
25. Considérant qu’il ressort des travaux parlementaires qu’en instaurant une nouvelle tranche de taxation au titre de la contribution prévue par les articles L. 138-1 à L. 138-9 du code de la sécurité sociale, le législateur a entendu faire porter la charge de cette imposition de manière plus significative sur les établissements et entreprises qui rétrocèdent des marges commerciales importantes aux pharmacies sur certaines spécialités pharmaceutiques ; qu’il a ainsi poursuivi un objectif d’adaptation de l’assiette de la taxe pour faire varier son produit en fonction de l’importance des marges commerciales rétrocédées ; qu’il n’a ainsi porté aucune atteinte ni à la liberté d’entreprendre ni à aucune autre exigence constitutionnelle ; que l’article 13 doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 14 :
26. Considérant que le paragraphe I de l’article 14 a pour objet de modifier le code de la sécurité sociale ; que le 1° de ce paragraphe I donne une nouvelle rédaction de l’article L. 912-1 que le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à la Constitution dans sa décision du 13 juin 2013 susvisée ;
27. Considérant qu’en vertu du premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 912-1 dans sa nouvelle rédaction, les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale peuvent prévoir, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, « l’institution de garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité et comprenant à ce titre des prestations à caractère non directement contributif, pouvant notamment prendre la forme d’une prise en charge partielle ou totale de la cotisation pour certains salariés ou anciens salariés, d’une politique de prévention ou de prestations d’action sociale » ; que le deuxième alinéa du même paragraphe prévoit que, dans ce cas, ces accords « peuvent organiser la couverture des risques concernés en recommandant un ou plusieurs organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou une ou plusieurs institutions mentionnées à l’article L. 370-1 du code des assurances, sous réserve du respect des conditions définies au II du présent article » ; qu’en vertu du dernier alinéa de ce paragraphe, ces organismes ou institutions adressent annuellement au ministre chargé de la sécurité sociale un « rapport sur la mise en oeuvre du régime, le contenu des éléments de solidarité et son équilibre, dont le contenu est précisé par décret » ;
28. Considérant que le premier alinéa du paragraphe II de l’article L. 912-1 précise que la recommandation précédemment mentionnée doit être précédée d’une procédure de mise en concurrence des organismes ou institutions intéressés « dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats » et renvoie à un décret le soin d’en prévoir les modalités ; qu’en vertu du second alinéa de ce paragraphe, les organismes ou institutions « recommandés » ne peuvent refuser l’adhésion d’une entreprise relevant du champ d’application de l’accord et « sont tenus d’appliquer un tarif unique et d’offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et pour tous les salariés concernés » ;
29. Considérant que le paragraphe III de l’article L. 912-1 précise que les accords précédemment mentionnés comportent une clause qui fixe dans quelles conditions et selon quelle périodicité sont réexaminées les modalités d’organisation de la recommandation ; qu’il prévoit que la périodicité ne peut excéder cinq ans et que la procédure de mise en concurrence prévue au premier alinéa du paragraphe II est applicable à ce réexamen ;
30. Considérant que le paragraphe IV de l’article L. 912-1 dispose que les accords précédemment mentionnés peuvent prévoir que certaines des prestations nécessitant la prise en compte d’éléments relatifs à la situation des salariés ou sans lien direct avec le contrat de travail les liant à leur employeur sont financées et gérées de façon mutualisée, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, pour l’ensemble des entreprises entrant dans leur champ d’application ;
31. Considérant que les 2° et 3° du paragraphe I de l’article 14 de la loi déférée complètent les articles L. 137-15 et L. 137-16 du code de la sécurité sociale relatifs à l’assiette et aux taux du forfait social ; que le 2° complète, par coordination avec les dispositions introduites par le 3°, le dernier alinéa de l’article L. 137-15 ; que le 3° insère trois alinéas après le deuxième alinéa de l’article L. 137-16 ; qu’il prévoit que « lorsque l’entreprise est couverte par un accord professionnel ou interprofessionnel comportant une clause de recommandation, dans les conditions prévues à l’article L. 912-1, mais choisit de souscrire un contrat auprès d’un autre assureur que le ou les organismes assureurs recommandés, les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance sont assujetties au forfait social » au taux de 20 % pour les entreprises d’au moins dix salariés et au taux de 8 % pour celles de moins de dix salariés ;
32. Considérant que le paragraphe II de l’article 14 précise que le 1° du paragraphe I qui porte sur la nouvelle rédaction de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale s’applique aux accords conclus à compter du 1er janvier 2014 ; qu’il précise également que les 2° et 3° du même paragraphe entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015, pour les sommes et les contributions versées à compter de cette même date ;
33. Considérant que selon les sénateurs requérants, l’article 14 a pour seul objectif de « contourner les précédentes décisions du Conseil constitutionnel » et méconnaît ainsi l’autorité qui s’attache à ses décisions ; que le législateur aurait également méconnu l’étendue de sa compétence en ne définissant pas lui-même le contenu des garanties collectives présentant « un degré élevé de solidarité » et en déléguant cette compétence aux partenaires sociaux et au pouvoir réglementaire ; que l’article 14 serait ainsi contraire à « l’exigence constitutionnelle d’intelligibilité de la loi » ;
34. Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent que l’article 14 ne trouve pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale ; qu’en prévoyant une clause de recommandation assortie d’une modulation du forfait social incitant les entreprises de la branche à adhérer aux organismes ou institutions recommandés, le législateur méconnaîtrait la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle ; qu’en fixant, selon la taille de l’entreprise, à 8 % ou à 20 %, le taux de forfait social que doivent acquitter les entreprises couvertes par un accord professionnel ou interprofessionnel comportant une clause de recommandation lorsque ces entreprises choisissent un autre assureur que le ou l’un des organismes assureurs recommandés, l’article 14 porterait en outre atteinte à l’égalité devant les charges publiques ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l’article 62 de la Constitution :
35. Considérant qu’en vertu du troisième alinéa de l’article 62 de la Constitution les décisions du Conseil constitutionnel « s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » ; que l’autorité des décisions visées par cette disposition s’attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même ;
36. Considérant que si l’autorité attachée à une décision du Conseil constitutionnel déclarant inconstitutionnelles des dispositions d’une loi ne peut en principe être utilement invoquée à l’encontre d’une autre loi conçue en termes distincts, il n’en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi, bien que rédigées sous une forme différente, ont, en substance, un objet analogue à celui des dispositions législatives déclarées contraires à la Constitution ;
37. Considérant que, par sa décision du 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ; qu’il ressort des motifs de cette décision que « si le législateur peut porter atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle dans un but de mutualisation des risques, notamment en prévoyant que soit recommandé au niveau de la branche un seul organisme de prévoyance proposant un contrat de référence y compris à un tarif d’assurance donné ou en offrant la possibilité que soient désignés au niveau de la branche plusieurs organismes de prévoyance proposant au moins de tels contrats de référence, il ne saurait porter à ces libertés une atteinte d’une nature telle que l’entreprise soit liée avec un cocontractant déjà désigné par un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédéfini » ; qu’il ressort également de cette décision que méconnaissent la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle les dispositions permettant « d’imposer que, dès l’entrée en vigueur d’un accord de branche, les entreprises de cette branche se trouvent liées avec l’organisme de prévoyance désigné par l’accord, alors même qu’antérieurement à celui-ci elles seraient liées par un contrat conclu avec un autre organisme » ;
38. Considérant que les dispositions de l’article 14 de la loi déférée renvoient aux accords professionnels ou interprofessionnels la faculté d’organiser la couverture des risques en « recommandant » un ou plusieurs organismes assureurs et incitent les entreprises à s’assurer auprès de l’organisme ou de l’un des organismes recommandés par l’accord, sans imposer la désignation d’un tel organisme ; que ces dispositions n’ont pas, en substance, un objet analogue à celui des dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à celle que lui donne l’article 14 de la loi déférée ; qu’elles ne méconnaissent pas l’autorité qui s’attache, en vertu de l’article 62 de la Constitution, à la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 ;
39. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 62 de la Constitution doit être écarté ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la place de l’article 14 en loi de financement de la sécurité sociale :
40. Considérant que les dispositions des 2° et 3° du paragraphe I de l’article 14 modifient les articles L. 137-15 et L. 137-16 du code de la sécurité sociale relatifs au forfait social ; que ces dispositions ont pour objet de fixer le taux du forfait social auquel sont assujetties les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance prévues par la clause de recommandation à 8 % pour les entreprises de moins de dix salariés et à 20 % pour celles de dix salariés et plus lorsque, couvertes par un accord professionnel ou interprofessionnel comportant une clause de recommandation prévue au 1° du paragraphe I de cet article, ces entreprises choisissent de s’assurer auprès d’un autre assureur que le ou l’un des organismes assureurs recommandés ; que les dispositions de l’article 14 modifient les règles relatives à une contribution affectée au régime obligatoire de base d’assurance maladie ; que, par suite, elles trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale ;
. En ce qui concerne le grief tiré de l’incompétence négative :
41. Considérant qu’aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » ; qu’il est loisible au législateur, dans le cadre des compétences qu’il tient de l’article 34 de la Constitution, de renvoyer au décret ou de confier à la négociation collective le soin de préciser, en matière de détermination collective des conditions de travail, les modalités d’application des règles qu’il a fixées ;
42. Considérant que le premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de l’article 14 de la loi déférée renvoie aux accords professionnels et interprofessionnels mentionnés à l’article L. 911-1 du même code le soin, dans des conditions prévues par décret, de « prévoir l’institution de garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité et comprenant à ce titre des prestations à caractère non directement contributif » ; que les mêmes dispositions précisent que ces prestations peuvent « notamment prendre la forme d’une prise en charge partielle ou totale de la cotisation pour certains salariés ou anciens salariés, d’une politique de prévention ou de prestations d’action sociale » ; que le législateur a pu, sans méconnaître sa compétence, renvoyer au décret et à la négociation collective le soin de préciser les modalités d’application des règles ainsi fixées qui ne sont entachées d’aucune inintelligibilité ; que le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu sa compétence doit être écarté ;
. En ce qui concerne le grief tiré de l’atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle :
43. Considérant qu’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ;
44. Considérant que les dispositions de l’article 14 n’imposent pas aux entreprises, lorsqu’elles sont couvertes par un accord professionnel ou interprofessionnel comportant une clause de recommandation, d’être assurées par l’organisme ou l’un des organismes assureurs recommandés ; qu’en l’espèce, les dispositions de l’article 14 ne portent pas, en elles-mêmes, atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle ;
45. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le grief tiré de l’atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle doit être écarté ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques :
46. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d’inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d’intérêt général, pourvu que les règles que le législateur fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ; que, dans tous les cas, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;
47. Considérant qu’il ressort des dispositions du 3° du paragraphe I de l’article 14 qui complètent l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale que les entreprises couvertes par un accord professionnel ou interprofessionnel comportant une clause de recommandation peuvent choisir de s’assurer, en matière de protection complémentaire maladie, maternité ou accident, auprès d’un assureur autre que le ou l’un des organismes recommandés lesquels sont tenus d’appliquer un tarif unique et d’offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et tous les salariés concernés ; que les entreprises qui choisissent de s’assurer auprès d’un autre assureur que le ou l’un des organismes recommandés sont, de ce seul fait, assujetties, pour les contributions de l’employeur destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance prévues par l’accord, à un taux de forfait social différent de celui auquel sont assujetties les entreprises couvertes par le même accord qui ont souscrit un contrat avec le ou l’un des organismes recommandés, sans que cette différence de taux de forfait social, de 8 % pour les entreprises de moins de dix salariés et de 12 % pour celles qui en comptent dix et plus, soit liée aux prestations garanties par l’organisme assureur ;
48. Considérant qu’il ressort des dispositions du paragraphe II de l’article L. 912-1 que la recommandation doit être précédée d’une procédure de mise en concurrence des institutions ou organismes assureurs « dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats » ; que cette procédure de mise en concurrence doit, sur la base d’un cahier des charges, porter sur des prestations contributives ainsi que sur « des prestations à caractère non directement contributif, pouvant notamment prendre la forme d’une prise en charge partielle ou totale de la cotisation pour certains salariés ou anciens salariés, d’une politique de prévention ou de prestations d’action sociale » ; qu’aucune disposition ne prévoit que le choix de l’organisme recommandé sera fait en fonction du seul montant du tarif de cotisation ;
49. Considérant, d’une part, que, par les dispositions de l’article 14 de la loi déférée, le législateur a entendu faciliter l’accès de toutes les entreprises d’une même branche à une protection complémentaire et assurer un régime de mutualisation des risques par le renvoi aux accords professionnels et interprofessionnels de la faculté d’organiser la couverture de ces risques en recommandant un ou plusieurs organismes de prévoyance ; qu’il a ainsi poursuivi un but d’intérêt général ;
50. Considérant que les dispositions de l’article L. 912-1 permettent qu’un accord professionnel recommande, pour une seule branche, un organisme n’offrant les garanties de protection complémentaire qu’aux salariés des entreprises de cette branche ; que l’incitation des entreprises à adhérer à ce mode de mutualisation par des mesures fiscales ne saurait, au regard de l’égalité devant les charges publiques, justifier une différence de traitement que dans une mesure réduite compte tenu de la limitation du champ de la solidarité ainsi défini ;
51. Considérant, d’autre part, que la majoration du taux de forfait social s’appliquerait à toutes les entreprises faisant le choix de ne pas s’assurer auprès de l’organisme recommandé et notamment à celles qui font déjà bénéficier leurs salariés d’une couverture collective à adhésion obligatoire répondant aux conditions fixées par l’accord, en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident et qui décideraient de conserver cette couverture ;
52. Considérant qu’en outre, les conditions, notamment financières, dans lesquelles les entreprises assurent à leurs salariés des garanties au-delà du niveau prévu par l’accord ou pour d’autres actions de prévoyance que celles prévues par celui-ci ne pourraient également qu’être modifiées ;
53. Considérant qu’enfin, cet accord, dans les cas où il prévoirait une couverture collective à adhésion obligatoire pour d’autres modalités de protection dans le domaine de la prévoyance que les prises en charge complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, aurait, en application des dispositions combinées des articles L. 912-1 et L. 137-16 du code de la sécurité sociale, pour effet que les contributions afférentes au financement de la protection complémentaire pour toutes les actions de prévoyance rendues obligatoires par l’accord seraient soumises au même régime de taux différents de forfait social en fonction des seuls choix effectués au niveau de la branche ;
54. Considérant qu’ainsi, les règles retenues par le législateur auraient des conséquences très importantes pour les entreprises ne choisissant pas l’organisme recommandé ;
55. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’au regard tant de l’objectif d’intérêt général qu’il s’est fixé que des conséquences des règles qu’il a retenues, le législateur pouvait, dans une mesure très limitée, assujettir les entreprises à des taux de forfait social différents ; qu’en prévoyant au 3° du paragraphe I de l’article 14 des écarts de taux de 8 % et de 12 %, le législateur a institué des différences de traitement qui entraînent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; que les dispositions du 3° du paragraphe I de l’article 14 doivent être déclarées contraires à la Constitution ; que, par coordination, les dispositions du 2° du paragraphe I et la seconde phrase du paragraphe II de l’article 14 doivent également être déclarées contraires à la Constitution ;
56. Considérant que, pour le surplus, les dispositions de l’article 14 doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 32 :
57. Considérant que l’article 32 complète la section 6 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale par un article L. 162-31-1 qui autorise la mise en oeuvre d’expérimentations de nouveaux modes d’organisation des soins, pour une durée n’excédant pas quatre ans, dans le cadre de projets pilotes visant à optimiser les parcours de soins des patients souffrant de pathologies chroniques ;
58. Considérant que, selon les députés requérants, en définissant un cadre général applicable aux expérimentations des nouveaux modes d’organisation des soins, l’article 32 ne contribue pas à la détermination des conditions générales de l’équilibre financier des organismes de sécurité sociale et n’a pas sa place en loi de financement de la sécurité sociale ; que, par ailleurs, en renvoyant au pouvoir réglementaire l’essentiel des conditions de mise en oeuvre des expérimentations autorisées par l’article 32, le législateur aurait insuffisamment défini l’objet et les conditions de l’expérimentation et aurait ainsi méconnu l’étendue de sa compétence ;
59. Considérant, en premier lieu, qu’au regard de l’incidence attendue sur les dépenses d’assurance maladie des expérimentations de nouveaux modes d’organisation des soins autorisées par l’article 32, cet article a sa place en loi de financement de la sécurité sociale ;
60. Considérant, en second lieu, que si, sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l’objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle ;
61. Considérant qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a restreint le champ des expérimentations de nouveaux modes d’organisation des soins à l’optimisation des parcours de soins des patients souffrant de pathologies chroniques ; qu’il a précisément énuméré, au paragraphe II de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, les règles législatives auxquelles ces expérimentations peuvent déroger ; qu’il a fixé à quatre ans la durée maximale des expérimentations qu’il a autorisées ; que le législateur a ainsi défini de façon suffisamment précise l’objet et les conditions des expérimentations en cause ;
62. Considérant que l’article 32 doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 47 :
63. Considérant que, selon le 15° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, constitue un médicament biologiquement similaire « tout médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu’un médicament biologique de référence mais qui ne remplit pas les conditions. . . pour être regardé comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication et nécessitant que soient produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire » ; que l’article 47, d’une part, modifie cet article pour prévoir que l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé peut établir une liste de groupes biologiques similaires ; que, d’autre part, il insère dans le code de la santé publique un article L. 5125-23-3 qui fixe les conditions dans lesquelles le pharmacien peut, lors de la délivrance du médicament, substituer au médicament prescrit un médicament biologiquement similaire ;
64. Considérant que, selon les requérants, cet article n’a pas sa place en loi de financement de la sécurité sociale ; qu’ils soutiennent également qu’en permettant au pharmacien de substituer un médicament biologiquement similaire comme il peut le faire pour un médicament générique, le législateur a méconnu le principe d’égalité et le droit à la protection de la santé garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
65. Considérant qu’aux termes du onzième alinéa du Préambule de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
66. Considérant, en premier lieu, qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu favoriser la prescription et la délivrance de médicaments biologiquement similaires dont le prix est inférieur aux médicaments biologiques de référence ; qu’au regard de l’incidence attendue sur les dépenses d’assurance maladie, cet article a sa place en loi de financement de la sécurité sociale ;
67. Considérant, en second lieu, que le pouvoir reconnu au pharmacien par les dispositions contestées, de substituer un médicament biologiquement similaire ne s’exerce qu’à l’intérieur d’un même groupe biologique similaire défini par l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ; que le médecin peut exclure la possibilité de substitution en s’y opposant lors de la prescription ; que la substitution n’est possible qu’en « initiation de traitement » ou en renouvellement d’un traitement déjà initié avec le même médicament biologique similaire ; qu’il appartiendra au décret en Conseil d’État de préciser notamment « les conditions de substitution du médicament biologique et d’information du prescripteur à l’occasion de cette substitution de nature à assurer la continuité du traitement avec le même médicament » ; que, par suite, manque en fait le grief tiré de ce que les conditions de cette substitution ne seraient pas entourées de garanties assurant que le droit à la protection de la santé n’est pas méconnu ; que l’article 47 ne méconnaît pas davantage le principe d’égalité ;
68. Considérant que l’article 47, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 48 :
69. Considérant que l’article 48 insère dans le code de la santé publique un article L. 162-16-5-2 qui fixe les conditions dans lesquelles des médicaments ayant bénéficié d’une autorisation temporaire d’utilisation peuvent être pris en charge avant la fixation de leur prix ou tarif par le comité économique pour les produits de santé ; qu’en outre, le 1° du paragraphe I de cet article 48 modifie l’article L. 162-16-5-1 du même code pour prévoir que le laboratoire est tenu de reverser à l’assurance maladie la différence entre l’indemnité demandée aux établissements de santé et le prix ou tarif fixé par le comité économique pour les produits de santé si celui-ci est d’un montant inférieur et ce, depuis l’octroi de l’autorisation de mise sur le marché jusqu’à la décision de remboursement et la fixation du prix ou du tarif ;
70. Considérant que, selon les sénateurs requérants ces dispositions portent atteinte au droit à la protection de la santé en ce qu’elles vont « empêcher les patients sans alternative thérapeutique de bénéficier » des autorisations temporaires d’utilisation ;
71. Considérant que l’article L. 162-16-5-2 du code de la santé publique permet la prise en charge d’un médicament qui, préalablement à l’autorisation de mise sur le marché, a bénéficié d’une autorisation temporaire d’utilisation notamment dans l’une des conditions suivantes : « 1° L’indication a fait l’objet de l’autorisation temporaire d’utilisation et est mentionnée soit dans l’autorisation de mise sur le marché, soit dans une extension d’autorisation de mise sur le marché en cours d’évaluation par les autorités compétentes ;
« 2° L’indication n’a pas fait l’objet de l’autorisation temporaire d’utilisation, est mentionnée dans l’autorisation de mise sur le marché et soit il n’existe pas d’alternative thérapeutique prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale identifiée par la Haute Autorité de santé, soit le patient est en échec de traitement ou présente une contre-indication aux alternatives thérapeutiques prises en charge identifiées. »
72. Considérant que, par suite, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’empêcher les « patients sans alternative thérapeutique » de bénéficier des autorisations temporaires d’utilisation ; que les dispositions de l’article 48, qui ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR L’ARTICLE 49 :
73. Considérant que le 1° du paragraphe I de l’article 49 modifie l’article L. 138-9 du code de la sécurité sociale ; qu’il supprime, dans l’article L. 138-9, le plafonnement, fixé à 17 % du prix fabricant hors taxes, des remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature, consentis, par tout fournisseur des officines en spécialités pharmaceutiques remboursables, sur les spécialités génériques, les spécialités inscrites au répertoire des groupes génériques et les spécialités non génériques soumises à un tarif forfaitaire de responsabilité ; qu’il prévoit que ce plafonnement, d’une part, sera fixé par décret dans la limite de 50 % et, d’autre part, s’appliquera également aux spécialités dont le prix de vente au public est identique à celui des autres spécialités du groupe générique auquel elles appartiennent ; que le 2° de ce même paragraphe I insère dans ce même code un article L. 138-9-1 qui oblige ces fournisseurs à déclarer au comité économique des produits de santé les montants totaux, par année civile et par spécialité pharmaceutique, des chiffres d’affaires hors taxes réalisés en France et des remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers précités, au titre des ventes de ces spécialités pharmaceutiques remboursables aux officines de pharmacie ;
74. Considérant que, selon les sénateurs requérants, cet article n’a pas sa place en loi de financement de la sécurité sociale ;
75. Considérant qu’il ressort des travaux préparatoires de l’article 49 qu’en imposant aux laboratoires de déclarer les remises accordées aux pharmaciens pour chacune des spécialités génériques et en permettant de faire varier le plafonnement des avantages consentis en fonction des informations recueillies, le législateur a entendu permettre de « faire évoluer les tarifs des médicaments génériques sur des bases plus proches des prix réellement pratiqués par les laboratoires » ; qu’au regard de l’incidence attendue sur les dépenses d’assurance maladie, cet article a sa place en loi de financement de la sécurité sociale ;
- SUR L’ARTICLE 82 :
76. Considérant que le premier alinéa de l’article L. 731-30 du code rural et de la pêche maritime dispose que les personnes non-salariées des professions agricoles et assimilées énumérées par l’article L. 722-10 du même code « sont assurées, à leur choix, soit par les caisses de la mutualité sociale agricole, soit par tous organismes d’assurances mentionnés à l’article L. 771-1 ou au code de la mutualité, ou par tous autres organismes d’assurances, dès lors, d’une part, que lesdits organismes auront été habilités par arrêtés de leurs ministres de tutelle respectifs et, d’autre part, qu’ils auront adhéré au règlement prévu à l’article L. 731-34 » ; que l’article L. 731-31 du même code dispose : « Les organismes assureurs, en fonction de leur statut propre, devront se grouper par catégories, en vue de l’accomplissement de leurs obligations légales et réglementaires, notamment en ce qui concerne le respect des clauses des contrats, l’application des tarifs, l’exercice du contrôle médical et les opérations de compensation » ; que les articles L. 752-13 et L. 752-14 du même code prévoient des règles comparables pour les risques accidents du travail et maladies professionnelles ;
77. Considérant que l’article 82 supprime ces dispositions et prévoit que, pour la branche « maladie, invalidité et maternité » et pour la branche « accidents du travail et maladies professionnelles », les non-salariés agricoles seront assurés uniquement par les caisses de mutualité sociale agricole ; qu’en outre, le deuxième alinéa du paragraphe IV de l’article 82 prévoit qu’à une date fixée par décret entre le 30 juin 2014 et le 30 juin 2015, les droits et obligations des groupements d’organismes assureurs mentionnés aux articles L. 731-31 et L. 752-14 sont transférés aux organismes de mutualité sociale agricole ; que le troisième alinéa de ce paragraphe IV dispose qu’à compter de cette même date, la gestion des réserves antérieurement constituées pour le compte des branches sus-évoquées par les groupements d’organismes assureurs mentionnés aux articles L. 731-31 et L. 752-14 dudit code est exercée par la caisse centrale de la mutualité sociale agricole ; que le dernier alinéa de ce paragraphe IV dispose : « Le préjudice susceptible de résulter, pour les groupements mentionnés aux mêmes articles L. 731-31 et L. 752-14, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, du transfert de la gestion du régime obligatoire d’assurance maladie et du régime d’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des non-salariés agricoles aux caisses de mutualité sociale agricole à la date fixée en application du premier alinéa du présent IV, et notamment du transfert de leurs droits et obligations mentionné au deuxième alinéa du présent IV, fait l’objet d’une indemnité fixée dans le cadre d’un constat établi à la suite d’une procédure contradictoire. Les conditions et le montant de l’indemnité sont fixés par décret » ;
78. Considérant que, selon les sénateurs requérants, ce transfert constitue une expropriation qui n’est pas justifiée par la nécessité publique et ne donne pas lieu à une indemnisation juste et préalable comme l’exige l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; qu’en outre, la liberté d’association des groupements d’assureurs serait méconnue ;
79. Considérant, en premier lieu, que la propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu’aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ; qu’en l’absence de privation du droit de propriété au sens de l’article 17, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ;
80. Considérant, d’une part, que le transfert de l’ensemble des droits et obligations attachés à un régime obligatoire de base de la sécurité sociale ne constitue pas, pour les organismes à qui cette gestion était antérieurement confiée, une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de cet article est inopérant ;
81. Considérant, d’autre part, qu’en confiant aux caisses de la mutualité sociale agricole le monopole de la gestion de la couverture des risques « maladie, invalidité et maternité » et « accidents du travail et maladies professionnelles » des non-salariés agricoles, le législateur a entendu améliorer l’efficacité et la gestion du service public de la sécurité sociale ; qu’il a poursuivi un but d’intérêt général ; que le législateur a prévu une indemnisation du préjudice susceptible de résulter de ce transfert pour les groupements mentionnées aux articles L. 731-31 et L. 752-14 ; qu’il a renvoyé au décret la détermination des conditions et du montant de cette indemnité en précisant qu’elle serait fixée dans le cadre d’un constat établi à la suite d’une procédure contradictoire ; qu’indépendamment de la fixation du montant de l’indemnité, il appartient également au décret de fixer, en vertu du paragraphe VI, les modalités d’application de ce transfert ; que, par suite, il lui appartient de déterminer, sous le contrôle de la juridiction compétente, le montant des réserves des groupements qui ont été constituées pour le compte des branches et qui seules peuvent être transférées ; qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789 ;
82. Considérant, en second lieu, que ni le transfert aux caisses de la mutualité sociale agricole de la gestion de la couverture des risques « maladie, invalidité et maternité » et « accidents du travail et maladies professionnelles » des non-salariés agricoles, ni la suppression de l’obligation faite aux assureurs de se grouper pour assurer la gestion de ces risques ne portent atteinte à la liberté d’association des organismes assureurs ;
83. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 82, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI :
84. Considérant que le premier alinéa de l’article 47-1 de la Constitution dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique » ;
85. Considérant que l’article 37 prévoit la remise annuelle d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur la situation des zones médicalement sous-dotées en France ;
86. Considérant que ces dispositions n’ont pas pour objet d’améliorer l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale ; que, par suite, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale ;
87. Considérant que l’article 34 impose un réexamen des conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie et les représentants des centres de santé et les incite à examiner les conditions de l’intégration dans ces accords des forfaits de rémunération ; que l’article 57 modifie le champ des produits et prestations concernés par les accords conclus entre l’assurance maladie et les distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel, relatifs notamment aux prix maximum pratiqués et aux modalités de dispense d’avance de frais ; que l’article 58 modifie les démarches administratives des bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées pour le renouvellement de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ;
88. Considérant que ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement et ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale ;
89. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune autre question de constitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 :
- à l’article 14, les 2° et 3° du paragraphe I et la seconde phrase du paragraphe II ;
- les articles 34, 37, 57 et 58.
Article 2.- À l’article 8, les 2° du A du paragraphe I et 1° du paragraphe III, le paragraphe IV et les B et C du paragraphe V sont conformes à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 19.
Article 3.- Les articles 13, 32, 47, 48 et 82 et le surplus des articles 8 et 14 de la même loi sont conformes à la Constitution.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 décembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d’ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
ECLI:FR:CC:2013:2013.682.DC
Pourquoi les marchés ne tueront jamais la France
Jeudi 19 décembre 2013A l’heure du bilan, François Hollande risque d’avoir quelques maux de tête. L’année se solde en France par une croissance bien flasque, très insuffisante pour enrayer durablement la montée du chômage. Le déficit budgétaire ne diminue pas autant que le gouvernement – et ses partenaires européens – le voudrait. Standard & Poor’s vient de déclasser une nouvelle fois la note du pays, les autres agences pourraient bientôt l’imiter et le « French bashing » ne faiblit pas. Quant à la promesse d’une grande réforme fiscale, plus personne ne semble vraiment y croire.
Il y a pourtant un indicateur sur lequel le président doit se pencher avec bonheur. Un indicateur dont son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, avouait qu’il le regardait tous les matins avec attention. Cet indicateur, c’est celui des taux d’intérêt français. En 2013, le pays a emprunté auprès des marchés à un taux moyen de 1,54 % à moyen et long terme. Une misère et un plus bas historique. Jamais la France n’a bénéficié de conditions de financement aussi avantageuses. Le précédent record datait de 2012 (à 1,86 %). On était à 2,80 % l’année précédente, à plus de 4 % en 2007 et à plus de 5 % en 2000. Etonnant paradoxe. « Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance », avait clamé le candidat Hollande au Bourget. La finance a beaucoup de défauts, mais elle n’est visiblement pas rancunière.
Pourquoi les marchés sont-ils donc aussi indulgents – complaisants, diront certains – avec la France ? Pourquoi les investisseurs ignorent-ils l’avalanche de mauvais chiffres hexagonaux ? Pourquoi les avertissements lancés par nombre d’économistes et par les agences de notation n’ont-ils strictement aucun effet sur les taux français ? L’engagement du gouvernement à rééquilibrer les comptes publics, fût-ce sur un temps plus long que prévu, a assurément joué un rôle. Les mesures déjà engagées aussi (sur la compétitivité, le marché du travail ou les retraites), même si elles sont imparfaites. Mais la vérité oblige à dire que la bonne tenue de la dette française tient à bien d’autres facteurs. Trois facteurs, précisément, sur lesquels l’exécutif n’a quasiment aucune prise.
Si les taux français se portent aussi bien, c’est d’abord grâce aux grandes banques centrales. Ces dernières années, la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne (BCE), la Banque du Japon (BoJ) ou la Banque nationale suisse ont déversé des tombereaux de liquidités sur les marchés. Et comme, en parallèle, les réglementations ont poussé les banques, les assureurs et fonds de pension à acheter des actifs sûrs, une véritable manne d’argent frais est venue s’investir sur les dettes d’Etat. Les Japonais ont été particulièrement friands d’obligations du Trésor cette année, après que la BoJ a ouvert ses vannes en grand. Et les argentiers de la planète ne semblent pas pressés de refermer le robinet.
Si les investisseurs apprécient autant nos OAT, c’est ensuite pour une autre raison : le manque d’alternative. La dette française bénéficie encore d’une bonne « signature » – le risque de défaut est très faible – et d’une grande « profondeur » – le fait de pouvoir toujours trouver un vendeur ou un acheteur est une qualité essentielle aux yeux des acteurs de marché. L’Allemagne est certes plus solide, mais ses obligations ne rapportent presque rien. La Finlande est un très bon élève, mais sa dette est trop petite et s’échange peu. L’Italie offre un marché très liquide, mais le pays est toujours trop risqué. Les investisseurs continuent donc de se tourner vers la dette française… presque par défaut, si l’on ose dire.
Si les marchés sont bienveillants avec la France, c’est enfin pour une dernière raison, beaucoup moins avouable. Avec un stock de près de 1.900 milliards d’euros (dont les trois quarts sont négociables sur les marchés), l’Hexagone est troisième mondial du classement des pays notés AA ou plus, et premier en Europe. Et personne n’a intérêt à ce qu’il soit attaqué sur les marchés : ni les grands investisseurs domestiques ni les internationaux, qui détiennent les deux tiers des encours. Une remontée brutale des taux d’intérêt coûterait cher à tous ces créanciers. Autrement dit, la dette française est devenue « too big to fail », trop grosse pour faire faillite : sa taille constitue une forme de rempart contre les spéculateurs. Tous ceux qui avaient parié sur une sanction des marchés après l’élection de François Hollande s’y sont d’ailleurs cassé les dents.
Jusqu’à présent, aucune crise, aucune dégradation, aucune étincelle n’a déclenché d’embrasement des marchés contre la France. Et, pour ces trois raisons, cet état d’apesanteur pourrait durer un long, voire un très long moment encore. On peut évidemment y voir une bonne nouvelle. Pour le budget en particulier, qui va faire des économies substantielles sur la charge de la dette. On peut aussi se dire que, faute de pression des marchés, la France accumule les retards sur le front des réductions de la dépense publique, des efforts de compétitivité ou des évolutions institutionnelles. François Hollande est à l’abri d’un scénario « à l’italienne », comme à l’automne 2011 quand la flambée des taux poussa Berlusconi vers la sortie. Mais s’il ne profite pas de ce répit pour engager des réformes plus profondes, l’autre scénario, celui du lent délitement de notre économie et de son déclin dans la hiérarchie mondiale, n’est guère plus réjouissant.
Guillaume Maujean
Rédacteur en chef Finance-Marchés LES ECHOS
Saint François d’assise et la peur…
Mardi 10 décembre 2013Le pays qui avait peur de tout
Dans ce pays, on s’inquiétait d’une offre 4G, du bitcoin, du premier tour du Mondial de foot. En réalité, on y avait peur de tout, à commencer par l’innovation et la concurrence. Au risque de finir par accepter la perte de la liberté.
Une offre 4G ? Danger ! Le bitcoin ? Attention ! Le tirage du Mondial ? Piège ! C’est l’histoire d’un étrange pays béni des dieux, avec un doux climat et des paysages magnifiques, héritier d’une longue et riche histoire, emplis de talents humains et de champions économiques mondiaux, mais où tout semblait n’être devenu que périls et ténèbres. Des prophètes de malheur, de déclin et de repli arpentaient à longueur d’année ses villes et ses campagnes, ses plateaux de télé et ses colonnes de journaux, ses partis politiques et ses couloirs de ministères. Trente ans plus tôt, un journaliste avait fameusement ouvert le JT de la chaîne de télévision la plus puissante de ce pays en affirmant que « La France a peur » , pour préciser juste après que « c’est un sentiment qu’il faut déjà que nous combattions ». Ce combat-là semblait perdu de toute éternité : les ancêtres gaulois de ce pays avaient déjà peur que le ciel leur tombe sur la tête.
Les fans de football, eux, auraient pu se réjouir d’un heureux hasard. Pour le Mondial 2014, le sort leur avait façonné un premier tour abordable, envoyant leur équipe nationale affronter celles du Honduras, de l’Equateur et de la Suisse. Trop beau pour être vrai ! Au micro de la radio la plus écoutée du pays, le grand ancien Bixente Lizarazu tira aussitôt la sonnette d’alarme sur le danger helvétique. Bien sûr, la suite des événements lui donnera peut-être raison. Ladite équipe a prouvé il n’y a pas si longtemps qu’elle était capable du pire et même de l’encore pire. Mais la crainte n’aurait pas dû être la première réaction.
Ainsi donc, dans ce pays, un opérateur de télécoms enchaînait les audaces. Free, car tel était son nom, avait cassé les prix sur l’accès à Internet, les communications sur téléphone fixe, le téléphone mobile 3G, tout en dégageant de plantureux bénéfices. Puis il avait annoncé une offre 4G plus tôt que prévu. Deux ministres de son gouvernement, affairés l’un au Redressement productif et l’autre à l’Economie numérique, se fendirent d’ un communiqué pour saluer « un pari audacieux et risqué ». Exactement ce qu’il faut dans un vieux pays perclus de principes et de règles, au point de sembler avoir perdu le goût de l’innovation ! Sauf que ce pari devint sous la plume des gouvernants la promesse d’une offre « douteuse », de « sous-investissement », de « dégradation du service » et de « destruction d’emplois ». Fermez le ban ! Tous les audacieux, tous les preneurs de risque se dirent qu’ils éviteraient désormais soigneusement cette contrée bizarre.
Ainsi donc, dans ce pays, la plus haute autorité monétaire s’inquiéta du bitcoin. Elle publia donc une note consacrée aux « dangers liés au développement des monnaies virtuelles ». Pour être franc, cette inquiétude-là n’était pas nouvelle. La Banque centrale européenne avait commencé à s’en soucier avant même d’exister, au sein de l’Institut monétaire qui l’avait préfigurée. Pour être honnête, cette inquiétude-là avait aussi de solides fondements. Sans garantie de sécurité ou de valeur, sans traçabilité, le bitcoin est un vecteur parfait pour tous les blanchiments, toutes les spéculations. Mais l’émergence de nouvelles monnaies s’inscrit logiquement dans un monde de technologies de l’information échappant à l’emprise des Etats. Et d’autres banques centrales auraient dû pointer ce risque bien avant : celles des Etats-Unis, du Japon, du Royaume-Uni qui fabriquent sans vergogne et sans limite de la monnaie pour acheter des obligations publiques, à rebours de toutes les leçons de l’histoire. Leurs devises sont a priori bien plus menacées par une monnaie dont la promesse première est d’être émise en quantité plafonnée. Elles laissèrent cependant la crainte à la plus craintive. Sa consoeur chinoise , elle, se contenta de prohiber l’usage du bitcoin par les banques.
Dans ce pays, la peur dépassait largement les frontières du sport, de l’entreprise et de la monnaie. En vérité, on avait peur de tous les changements : OGM, ondes, fils à haute tension, enseignements en ligne, éoliennes, etc. On avait encore plus peur de la concurrence, comme le révéla incidemment le ministre de l’Education en opposant « la connaissance, le dévouement, la solidarité » aux « valeurs de l’argent, de la concurrence, de l’égoïsme » (1). La seule innovation souhaitée était donc l’innovation qui tue cette concurrence. Le Concorde, un avion qui alliait technique et esthétique au détriment de la rentabilité et hélas de la solidité, suscita ainsi un rare moment de fierté nationale. Les autres innovations, celles qui naissent de la rivalité entre entrepreneurs, entre chercheurs, ou pire encore entre vendeurs, y étaient suspectes. Même si chacun en raffolait, croquant allégrement Big Mac ou Apple. Dans ce pays, il y avait souvent une grande différence entre l’individuel et le collectif, entre une relative sérénité sur son sort d’un côté et un profond désarroi de la communauté – deux tiers des habitants étant pessimistes sur le pays, contre un gros tiers sur leur propre situation.
Les fouilleurs de l’âme avaient parfaitement identifié l’origine de cette peur : avec des institutions fondées sur la hiérarchie et le statut, ce pays avait perdu confiance en lui (2). Pour rebâtir cette confiance, il fallait reconstruire une école plus juste, avoir des pouvoirs publics plus exemplaires. Mais les gouvernants, eux aussi, eux surtout, avaient peur des changements. La peur gagnant, les citoyens de ce pays en vinrent à perdre le goût de la liberté. Des centaines de milliers de normes enserrèrent leur existence, la tentation totalitaire montait. La liberté, pourtant, était le premier mot de leur devise.
Jean-Marc Vittori
(1) Interview au « Journal du dimanche », 2 septembre 2013. (2) « La Fabrique de la défiance », par Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg, Albin Michel, 2012.
PORTABILITÉ : PREMIERS ARRÊTS
Lundi 2 décembre 2013La chambre sociale de la Cour de cassation considère, dans un arrêt du 20 novembre 2013, que l’employeur a l’obligation d’informer un salarié licencié de la portabilité de la couverture santé et prévoyance de l’entreprise après la rupture de son contrat de travail. À défaut, l’intéressé est en droit de demander des dommages intérêts.
Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12-21.999, non publié