Le projet d’accord sur la sécurisation de l’emploi remis sur table jeudi matin par le patronat aux syndicats comportait quelques changements : côté sécurisation, des améliorations sur la complémentaire santé, mais aussi sur les temps partiels ; côté flexibilité, le renoncement à assouplir l’obligation de motiver un licenciement, ou encore l’allongement du délai à compter duquel un salarié ne peut plus contester une modification de son contrat de travail. Mais cette troisième version ne comportait rien de plus sur la taxation des contrats courts, réclamée par les syndicats et promesse de campagne de François Hollande.
Actant ce sujet majeur de désaccord, les partenaires sociaux n’en ont pas moins poursuivi leurs discussions pendant dix heures. Sans grand résultat puisqu’à l’issue de la réunion, les partenaires sociaux ont convenu… de se retrouver pour une 10ème séance de négociation le 10 janvier et, éventuellement, le 11 aussi, sur la base d’un nouveau texte patronal.
A l’issue de la journée de jeudi, Patrick Bernasconi, le chef de file de la délégation patronale, a donné par oral des pistes d’évolution : généraliser la complémentaire santé, permettre au salarié de demander à bénéficier d’un congé de mobilité hors de l’entreprise, développer l’information prospective pour les élus du personnel, améliorer les garanties en cas de mobilité hors de l’entreprise du salarié. Rien, donc, sur l’essentiel des sujets qui fâchent : la taxation des emplois précaires, donc, mais aussi sécurisation juridique des licenciements individuels et des plans sociaux, limitation du champ de ces derniers, accords de maintien dans l’emploi…
Déréglementation du marché du travail
« Personne ne peut signer un accord où il y a une telle déréglementation du marché du travail ; à vouloir tout, le patronat risque de n’avoir rien », résumait en milieu de soirée le cégétiste Maurad Rabhi. « Le patronat est droit dans ses bottes, nous aussi ! », a jugé Stéphane Lardy, de FO. « On est loin d’un accord », a estimé, « amer », Patrick Pierron, de la CFDT. « J’ai constaté des avancées des syndicats et on a fait des avancées », a voulu croire Patrick Bernasconi, le chef de la délégation patronale, à l’issue des discussions.
La négociation se heurte à deux grosses difficultés. La première, c’est la division patronale. Dans ce registre, il y a les petites entreprises arc-boutées contre la taxation de l’emploi précaire et les grandes entreprises sur une sécurisation juridique des restructurations. Cela se double d’une bataille feutrée mais musclée entre les compagnies d’assurances et les institutions de prévoyance, cogérées par le patronat et les syndicats, pour ce marché qui risque de cannibaliser celui des contrats individuels que se partagent assureurs et mutuelles.
La seconde difficulté de cette négociation tient à son troisième acteur, qui intervient par petites touches : le ministre du Travail, Michel Sapin. Certes, il a acté un délai supplémentaire alors que, au départ, les partenaires sociaux devaient aboutir pour la fin de l’année, affirmant que la négociation n’était « pas un pot de yaourt » et n’avait pas de date de péremption. Mais le problème, pour le patronat, est que, en l’absence d’accord, tout ce qu’il aura concédé sera retenu dans un éventuel projet de loi… De quoi soupeser chaque mot. (source AFP)
Archive pour décembre 2012
sécurisation des parcours pro : trêve des confiseurs
Jeudi 20 décembre 2012l’allongement des études retarde l’entrée en maternité…
Jeudi 20 décembre 2012Démographie : l’allongement des études retarde l’entrée en maternité, en France comme en Grande-Bretagne (Ined)
« Les femmes ont leur premier enfant de plus en plus tard dans les pays développés. L’âge moyen à la première maternité a ainsi reculé d’environ quatre ans en Angleterre, au Pays de Galles et en France depuis le milieu des années 1970. La diffusion de la scolarisation et l’allongement des études sont parmi les premiers facteurs évoqués pour expliquer ce retard « , concluent Máire Ní Bhrolcháin et Éva Beaujouan, auteurs d’une étude reprise et publiée, ce jeudi 20 décembre 2012, dans la revue « Population & Sociétés » (n° 495). Entre 1974 et 2010, l’âge moyen du premier enfant est passé de 24 ans à 28,1 ans en France, et 27,8 ans en Grande-Bretagne. Ce qui mécaniquement, note les deux auteurs, influe sur la démographie des deux pays étudiés, provoquant une « réduction temporaire du taux de natalité », « car les générations de femmes les plus âgées ont déjà eu leurs enfants, tandis que les plus jeunes attendent encore d’en avoir. » S’appuyant sur deux enquêtes nationales, Máire Ní Bhrolcháin et Éva Beaujouan démontrent que ce « retard » des naissances est étroitement corrélé non seulement à la durée des études, qui ne cesse de s’allonger, mais aussi au niveau de diplômes.
UN REPORT DES NAISSANCES CORRÉLÉ A LA DURÉE ET AU NIVEAU DES ÉTUDES
Concernant la corrélation entre maternité et études, l’analyse démontre un report moyen des naissances suivant étroitement la durée d’allongement des études. Sur la période 1980-1984 à 1995-1999, la première maternité a ainsi été reportée en moyenne de 1,4 ans. En France, alors que le report de la première naissance était de 2,4 ans sur la même période, les études s’allongeaient de 1,8 ans. « Le fait que l’âge de fin d’études et la première naissance subissent le même recul en quinze ans suggère que le second événement se règle sur le premier », en déduisent les auteurs. Une fois les études achevées, la durée moyenne avant la première naissance est par contre restée relativement stable dans le temps, « preuve que la durée depuis la fin des études est un bon indicateur de l’âge social ou, si l’on préfère, de l’âge socialement et économiquement pertinent. » Autrement dit, « les études et la formation initiale retardent et préparent tout à la fois le passage à la vie adulte. »
L’allongement de la durée moyenne des études n’est pas la seule variable influant sur le report moyen de la première maternité. Le niveau de diplôme joue également : dans les deux pays, les jeunes femmes sortant du milieu scolaire après 22 ans sont également celles qui retardent le plus l’entrée en maternité. Avec l’obtention d’un haut niveau de diplôme, « Les femmes peuvent maintenant espérer être actives économiquement en ayant une vie professionnelle bien plus longue qu’auparavant. Le manque de revenu lié au temps consacré aux enfants (le « coût d’opportunité » économique) est en conséquence plus élevé », note, entre autres raisons, l’analyse des auteurs.
Complémentaire santé et sécurisation de l’emploi: une victoire des assureurs?
Mardi 18 décembre 2012Posté par la rédaction de « La Lettre de l’Assurance » dans Le Blog d’Éric Verhaeghe
Lorsque le gouvernement, lors de la Conférence sociale de juillet, a demandé aux partenaires sociaux d’ouvrir une négociation interprofessionnelle sur la sécurisation de l’emploi, la suite des événements était éminemment prévisible pour les assureurs.
En effet, les principaux objets de négociation: les accords de flexibilité et la création d’une rupture conventionnelle collective appelaient à des compromis dont le contenu était évident. Pour obtenir la signature de la CFDT, le moment venait de concéder à une revendication forte de cette centrale: la généralisation de la protection sociale complémentaire des salariés.
Cette revendication ancienne et répétée à chaque grande négociation interprofessionnelle répond à une nécessité sociale qu’il est difficile de contester. Selon une enquête de l’IRDES publiée en juillet 2012, 44% des entreprises seulement proposent une couverture complémentaire à leurs salariés.
Ce chiffre varie fortement selon la taille de l’entreprise. Si 93,4% des entreprises de plus de 250 salariés satisfont à ce besoin de leurs salariés, cette proportion n’est même pas de 50% pour les moins de 50 salariés, et tombe à 33% pour les moins de 10 salariés. Une fois de plus, la forte différence de traitement entre salariés des grandes entreprises et salariés des TPE/PME contraint les pouvoirs publics et les partenaires sociaux à prendre position.
Au passage, l’enquête IRDES révèle que, parmi les entreprises qui ne proposent pas de complémentaire santé à leurs salariés, plus de la moitié des cas s’explique soit par de l’ignorance, soit par des questions de coût. Dans un tiers des cas, l’absence de complémentaire santé s’explique par un refus des employeurs (13,3% des cas) ou des salariés (17,9% des cas).
Assez logiquement, la CFDT réclame donc, en première contrepartie aux mesures dites de flexibilité de l’emploi, la généralisation d’un dispositif rendu de plus en plus opportun par le désengagement de l’assurance-maladie dans les remboursements de soin. Et assez logiquement, cette mesure est la première contrepartie lâchée par le MEDEF et la CGPME dans la négociation sur la sécurisation de l’emploi.
Cette évolution devrait normalement faire les affaires des assureurs, puisqu’elle crée une nouvelle obligation en matière d’assurance, et implicitement apporte une réponse à la délicate question des clauses de désignation.
Le texte déposé devant les partenaires sociaux vendredi est en effet libellé comme suit:
«Les branches professionnelles devront ouvrir des négociations en vue de permettre à tous les salariés qui, à la date de signature du présent accord, ne relèvent pas encore d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais de santé tant au niveau de leur branche que de leur entreprise, d’accéder à une telle couverture.
Cette négociation vise à instaurer une cotisation minimale à la charge de l’employeur et du salarié destinée à financer un ou plusieurs contrat(s) collectif(s) de remboursement de frais de santé pour les salariés non encore couverts, les branches laissant aux entreprises la liberté de choix du ou des organismes d’assurance et de la définition des garanties.
Afin de faciliter la mise en œuvre par les entreprises concernées des obligations résultant de l’alinéa précédent, un groupe de travail paritaire « technique » sera créé afin de définir un ensemble de garanties « repère », sur la base d’un cahier des charges figurant en annexe, cet ensemble de garanties « repère » d’entrée de gamme devant couvrir un panier de soins considérés comme essentiels.»
Cette rédaction est éminemment piquante. Elle prévoit en effet que l’échelon de mise en place des complémentaires santé «balais», c’est-à-dire destinées aux salariés non encore couverts par leur entreprise, sera la branche. Mais… Les branches devront signer des accords qui préserveront la liberté de choix des organismes d’assurance et des garanties.
Les amateurs de rédaction byzantine apprécieront au passage les nuances que le texte ouvre. Car si les entreprises devraient garder leur liberté de choix, un système de garanties «repère» qui rappelle la méthode employée dans certaines branches (notamment celle des salariés de la sécurité sociale) formalisera le plancher au-dessous duquel les contrats d’entreprise ne pourront descendre.
La mise en oeuvre de cet accord sera un sujet de choix pour l’ensemble de la profession. Au-delà des principes proclamés, deux sujets au moins seront à regarder de près:
1° les accords de branche profiteront-ils ou non aux assureurs? S’il est acté que les clauses de migration obligatoire seront interdites dans ces accords, rien n’interdit, selon la rédaction actuelle, de signer un accord de branche pour les entreprises non encore couvertes. La signature probable de l’accord en début d’année 2013 pourrait donc quand même se traduire par une augmentation des désignations au profit d’institutions de prévoyance ou de mutuelles. Rappelons que les compagnies d’assurance n’assurent, selon l’IRDES, que 25% des contrats collectifs d’entreprise.
De ce point de vue, l’enjeu de la rédaction de l’accord consiste aujourd’hui à préciser dans quelles conditions les accords de branche doivent intervenir. Selon les formulations retenues, les conséquences sur le marché pourraient être très différentes.
2° quel sera le contenu des contrats «repères» proposés par le groupe de travail à venir? Cette vieille idée d’établir une sorte de socle minimal de garanties complémentaires à offrir aux salariés est une vieille idée, défendue en son temps par la CNAM. Quelle en sera le contenu? Pour les assureurs, l’enjeu n’est pas mince, dans la mesure où leur avantage comparatif se dessine aussi sur leur capacité à proposer des produits originaux. A n’en pas douter, le groupe de travail aura la tentation inverse de «verrouiller» le marché en chargeant au maximum la barque du contrat repère.
Une fois de plus, le diable assurantiel se cachera dans les détails sociaux.
Bien entendu, cette phase conventionnelle n’entame en rien les possibilités d’influence lors de la phase législative. Une loi doit en effet intervenir au premier trimestre 2013 pour transposer l’accord entre partenaires sociaux. La rédaction du texte sera l’occasion d’un round supplémentaire pour les forces en présence.
Mariage pour tous et droit du travail…
Vendredi 14 décembre 2012Mariage pour tous : les DRH sont-ils prêts ?
Par Julie Le Bolzer | 14/12/2012
Dans les entreprises, le mariage pour tous (ou mariage gay) donnera l’égalité des droits sociaux aux couples gays et lesbiens, et à leurs enfants : jours de congés exceptionnels, primes, rapprochement de conjoint… Mais les futurs mariés de même sexe oseront-ils faire valoir ces droits dans des environnements hostiles ?
Crédits photo : shutterstock.com
La loi sur le mariage et l’adoption pour tous impactera le monde du travail et la vie des entreprises. Ce ne sera peut-être pas une révolution, mais, pour nombre de DRH, le mariage « gay » sera une sacrée évolution. Pour ou contre le mariage pour tous, peu importe. Les DRH ne pourront pas invoquer de « liberté de conscience ». Une fois adoptée par le parlement, la loi sur le mariage pour tous conduira à l’unification des droits octroyés par les entreprises. Les DRH ne pourront pas trainer des pieds, comme certains élus pourraient le faire en refusant de célébrer les mariages homos.
Ce texte mettra sur un pied d’égalité tous les salariés, quelle que soit leur orientation sexuelle. Les employés lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) bénéficieront des mêmes avantages sociaux que ceux accordés aux autres collaborateurs. Quelques exemples… Le nombre de jours « off » pour événements familiaux sera équivalent qu’il s’agisse d’une noce hétéro ou d’un mariage homo. Le congé de paternité pourra être accordé à la femme de la femme devenue mère. Le congé pour enfant malade s’appliquera également à tous les parents, même homos. Les indemnités versées en cas d’invalidité ou de décès du conjoint seront identiques. L’accompagnement à la mobilité géographique concernera aussi les couples homosexuels. Voilà ce qu’il en est, sur le papier. Mais dans les faits, la transition risque de ne pas être rose.
Le projet de mariage pour tous est « absurde »
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Certaines entreprises sont déjà « gay friendly »
Dura lex, sed lex. Le texte sera sans doute suivi à la lettre. Aucune organisation ne prendra le risque d’enfreindre la nouvelle législation. «La loi, c’est la loi, je serai bien obligé de l’appliquer, convient Jacques de Scorraille, directeur d’Ecclésia RH, cabinet de conseil « au service des employeurs, salariés et bénévoles de la communauté chrétienne ». Néanmoins, de mon point de vue, ce projet est absurde. Ce n’est pas sur ce sujet que j’attends le gouvernement. Au lieu de simplifier la vie des entrepreneurs, ce nouveau cadre législatif est davantage vecteur d’instabilité et d’incohérence. »
Evolution sociétale vs. droits sociaux ? La confusion règne parfois dans les esprits. Lorsqu’on demande à ce DRH d’un groupe familial industriel s’il est « gay friendly » (que l’on peut traduire par « bienveillant avec la communauté LGBT »), il répond par la négative, assimilant « gay friendly » avec « gay » tout court. De son avis, ce n’est pas à lui de se saisir de «ce dossier ». «Le mariage pour tous est une problématique sociétale, externe à l’entreprise. Ce n’est pas une mission pour les DRH, cela relève des syndicats, au travers des comités d’entreprises », estime-t-il.
Oser le coming-out
Dans certains environnements professionnels, les mentalités ne vont pas opérer un bond de géant en un simple claquement de doigts. Pour pouvoir bénéficier de ses nouveaux droits, un salarié LGBT nouvellement marié devra nécessairement aller taper à la porte de sa DRH, et dévoiler sa sexualité « différente ». Et ce qui serait considéré comme une demande légitime de la part d’un salarié hétérosexuel, pourrait être assimilé à une revendication, voire une provocation de la part d’un salarié homo.
Dès lors, on peut se poser la question : sachant que son boss, son DRH ou son top manager est hostile au mariage pour tous, le collaborateur osera-t-il se déclarer, s’exposant ainsi à une possible discrimination ? En effet, on peut parler de tout… mais pas avec n’importe qui. Dans les organisations empreintes de machisme ou de conservatisme, ou tout du moins éloignées de la philosophie du gouvernement actuel, quel choix auront les collaborateurs LGBT ? Se taire, être placardés, ou postuler ailleurs. (source Les Echos)
la clause de désignation dans un accord de prévoyance
Jeudi 13 décembre 2012Les arrêts de la Cour de cassation sur la clause de désignation dans un accord de prévoyance sont conformes aux textes (J. Barthélémy)
La Cour de cassation confirme une nouvelle fois, dans deux arrêts du 5 décembre 2012, qu’une clause d’un accord professionnel (ou interprofessionnel) de prévoyance, en l’espèce de la boulangerie pâtisserie artisanale, peut imposer aux entreprises d’adhérer au régime prévu par l’accord auprès de l’organisme de prévoyance désigné par celui-ci, même si les entreprises ont déjà souscrit un contrat auprès d’un autre organisme. Jacques Barthélémy, avocat associé fondateur du cabinet Barthélémy, estime, dans une note adressée à l’AEF, que la jurisprudence de la Cour de cassation est conforme à la lettre et à l’esprit des textes visés (C. trav., art. L. 2253-3, CSS., art. L. 912-1). Jacques Barthélémy adopte ainsi une position différente de celle de Frank Wismer pour qui les arrêts de la Cour de cassation prêtent à discussion (AEF n° 175586).
La Cour de cassation relève que selon l’article L. 912-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, lorsqu’un accord professionnel ou interprofessionnel de prévoyance s’applique à une entreprise qui, antérieurement, a souscrit un contrat auprès d’un organisme différent de celui prévu par l’accord « pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent », les dispositions du second alinéa de l’article L. 2253-2 du code du travail s’appliquent. Ce texte prévoit que si une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel s’applique dans l’entreprise après à la conclusion d’un accord d’entreprise, les dispositions de l’accord sont adaptées en conséquence.
Pour la Cour de cassation, l’adaptation en matière de garantie de niveau équivalent consiste nécessairement dans la mise en conformité de l’accord d’entreprise avec l’accord professionnel ou interprofessionnel de prévoyance imposant l’adhésion de l’entreprise au régime garanti par l’institution désignée par celui-ci.
Pour Frank Wismer, si l’article L. 2253-3 du code du travail interdit à un accord d’entreprise de déroger à un accord professionnel ou interprofessionnel de prévoyance, « cette interdiction ne vise pas explicitement l’hypothèse d’un accord d’entreprise de niveau supérieur conclu antérieurement à l’accord de branche. Considérer que cet article est de portée générale et interdit toute forme de dérogation à la désignation est pour le moins surprenant ».
DÉROGATION DE L’ACCORD D’ENTREPRISE À L’ACCORD DE BRANCHE
Pour Jacques Barthélémy, ce n’est qu’à l’accord de branche organisant une mutualisation pour pouvoir décliner un objectif de solidarité (donc assorti d’une clause de désignation) que l’accord d’entreprise ne peut pas déroger. Deux raisons justifient cette solution.
Il y a d’abord la lettre de l’article L. 2253-3 du code du travail, qui vise non l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, qui porte sur les accords de prévoyance en général, mais l’article L. 912-1, qui porte sur les seuls accords instaurant licitement une clause de désignation.
Il y a surtout l’esprit du texte. « Du fait du provisionnement des engagements résultant de la loi Évin du 31 décembre 1989, les systèmes de prévoyance résultant d’un accord collectif se contentant de fixer la nature et le niveau des garanties matérialisent un élément de rémunération. Celui-ci est identifié par le fait d’être assuré, et le montant de l’avantage, c’est la cotisation, car elle évalue actuariellement le risque. En matière de salaire, il n’y a qu’au salaire minimum professionnel (SMP) de branche qu’un accord d’entreprise ne peut pas déroger en vertu de la loi du 4 mai 2004, solution logique puisque d’un côté le SMP a la même fonction (sociale) que le Smic, d’un autre côté si on pouvait y déroger, il ne serait plus un minimum. »
Il n’y a donc, s’agissant de tous les autres éléments de rémunération issus de la convention de branche, interdiction de déroger (sous-entendu « in pejus », en moins favorable) que si un dispositif de ladite convention le prévoit, et bien sûr à condition que l’accord concerné ait été conclu postérieurement à la date de publication de la loi du 4 mai 2004.
Ce qui justifie qu’on ne puisse pas déroger, précise l’avocat, c’est que « l’accord de branche, en créant un régime, poursuit un objectif de solidarité qui exige la mutualisation, dans un pot commun, des cotisations de toutes les entreprises, faute de quoi, pour reprendre l’expression de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) dans son arrêt du 3 mars 2011, l’institution désignée ne pourrait pas assumer la mission d’intérêt général économique que les partenaires sociaux lui ont confiée ». Il reste possible de prévoir des niveaux de prestation plus élevés dans une entreprise, par accord collectif, référendum ou décision unilatérale, mais l’assureur retenu à ce niveau ne pourra gérer que les prestations additionnelles. Cette vision, on la retrouve dans l’arrêt Albany de 1999 de la CJUE (1).
POUR LA CJUE ET LA COUR DE CASSATION LA CLAUSE DE MIGRATION EST VALIDE
La validité de la clause de migration (obligeant les entreprises ayant mis en place des garanties similaires avant l’entrée en vigueur de l’accord de branche) a été admise par un arrêt de la CJUE (3 mars 2011), que les arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation des 21 et 27 novembre 2012 déclinent, ainsi que ceux du 5 décembre 2012, rappelle Jacques Barthélémy. « Elle est la conséquence naturelle d’un degré élevé de solidarité qui écarte tout caractère abusif à l’éventuelle position dominante. »
« Au plan du droit interne, la clause de migration a été considérée par la chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 10 octobre 2007, comme la concrétisation de l’adaptation, au sens de l’article L. 2253-2 du code du travail (ex-L 132-23). Cette interprétation au sens du 2e alinéa de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale est forte, dans la mesure où elle a été exprimée à l’occasion d’une question préjudicielle posée par le Conseil d’État. » En outre, l’expression utilisée dans ces arrêts de 2012 est celle figurant déjà dans cet arrêt de 2007.
« Cette interprétation ne saurait être appauvrie par les attendus d’un autre arrêt de 2005 de la 2e chambre civile de la Cour de cassation, au constat de ce que les signataires d’un accord de branche n’avaient pas prévu de clause de migration, l’arrêté d’extension du ministre du Travail ne pouvant être annulé, au vu de la seule exigence légale d’adaptation, par le fait que cet acte administratif ne visait pas les entreprises ayant déjà mis en place des garanties similaires. » En d’autres termes, et contrairement à ce qui est parfois écrit, il n’y a pas contradiction de jurisprudences entre ces deux chambres. (source AEF)
Cour de cassation, deuxième chambre civile, 5 décembre 2012, n° 11-24.233 et n° 11-18.716.
L’état de la France 2012
Jeudi 13 décembre 2012Le système de protection sociale contribue largement au soutien de l’activité économique (rapport sur l’état de la France 2012 du Cese)
« Alors que les pouvoirs publics successifs ont utilisé depuis 30 ans et de manière récurrente des mesures ‘court-termistes’ », le rapport annuel sur l’état de la France en 2012 (1), du Conseil économique, social et environnemental présenté ce mercredi 12 décembre « met en garde contre un danger : la crise économique majeure que nous visons pourrait favoriser des comportements excessifs d’aversion au risque, peu propices à un redémarrage de l’activité et des investissements ». En conséquence, le rapport s’inquiète de voir les prochaines années « marquées uniquement par le besoin de rééquilibrer les comptes publics ». Le rapporteur, Roger Mongereau, membre de la section de l’économie et des finances du Cese (groupe des entreprises), insiste ainsi sur « la nécessité de ne pas oublier l’importance des politiques micro-économiques, attentives à l’offre, si on veut élever le niveau, désormais faible, de la croissance potentielle et de l’emploi ». Le Cese met notamment en avant le fait que le système de protection sociale français, malgré son coût élevé, permet d’amortir les chocs conjoncturels et contribue largement au soutien de l’activité économique. Le rapport note ainsi que ce système a permis à la France de mieux résister à la crise que d’autres pays développés.
« Une part du déficit commercial s’explique par ailleurs par l’écart entre les demandes internes. La France, dont la demande interne est dynamique en raison notamment de la robustesse de la protection sociale, importe davantage pour satisfaire cette demande et exporte un peu moins car la production trouve sur place un marché plus porteur. La population est ainsi mieux protégée au détriment des résultats de la balance des paiements », analyse Roger Mongereau.
LE « VIVRE-ENSEMBLE » NE SUSCITE PLUS LA MÊME ENVIE
Le cru 2012 sur l’état de la France s’est également intéressé à la dégradation des relation humaines en France. « Dans les années récentes, le manque de vision claire sur la sortie de crise et la crainte de réformes structurelles ressenties comme inéluctables ont contribué à renforcer une angoisse collective. Au final, les Français sont plus méfiants vis-à-vis d’autrui que les populations des autres pays », précise le rapport. Qui note que « le vivre ensemble » ne suscite plus la même envie.
Ce constat étant fait, le Cese formule quatre séries de préconisations visant à approfondir l’union européenne, adapter l’économie et le pacte français, conforter le sens du collectif et tenir compte du fait régional. Il estime que si des solutions existent pour redresser notre économie et notre pacte sociale, elles devront être complétées par la création d’un ensemble d’indicateurs non économiques, notamment sur la notion de bien-être.
Et si le Cese salue les propositions du rapport Gallois qui « devraient participer à la prise de conscience des efforts à accomplir pour retrouver la compétitivité de notre industrie », il s’interroge aussi sur les « conséquences économiques et sociales des mesures destinées à compenser l’instauration d’un crédit d’impôt aux entreprises. Enfin, il souligne l’importance de réaffirmer l’objectif essentiel d’une société, « à savoir accroître la solidarité et le bien-être de tous ». (dépêche AEF)
Parfois, la vie est simple…
Mardi 4 décembre 2012Airbus et Boeing ont calculé que, sur les 150 plus grands aéroports du monde, les avions gaspillent jusqu’à 6,6 milliards d’euros par an en kérosène pour leurs manoeuvres au sol, qui requièrent 17 minutes de roulage en moyenne. Un énorme gâchis : « Cela représente l’équivalent des bénéfices cumulés de toutes les compagnies aériennes », argumente Antoine Maguin, PDG de TLD, l’industriel français qui va fabriquer le Taxibot, un tracteur d’avions semi-robotisé développé par Airbus, Lufthansa, Siemens et l’israélien IAI (Israel Aerospace Industries). Le prototype a été présenté la semaine dernière sur l’aéroport de Châteauroux (Indre), à plusieurs compagnies aériennes.
Ce programme qui a nécessité une centaine de millions d’euros en R&D, a mobilisé pas moins de 100 ingénieurs. Le fonds européen Clean Sky a apporté 1 million d’euros au projet et Oséo a soutenu TLD. Dans quel contexte est né le Taxibot ? En 2006, IAI s’est rapproché d’Airbus au moment du lancement du programme A380. « Nous avons créé un département aéroportuaire pour répondre aux défis que génère un avion de 580 tonnes », raconte Isabelle Devatine-Lacaze, directrice de ce département opérations aéroportuaires chez l’avionneur. Principal défi : réduire la consommation lors du convoyage de l’appareil. Pour l’heure, Airbus et Boeing interdisent aux engins aéroportuaires de conduire les avions jusqu’à la piste. Ils n’interviennent que sur quelques mètres pour les repousser sur le tarmac après l’embarquement et le débarquement des passagers. « Les jambes de train d’atterrissage ne supporteraient pas l’effort produit par un roulage plus long. Or leur durée de vie équivaut à celle de l’avion, soit quarante ans », ajoute-t-elle.
L’effet « Jack-Knife »
Autre défi : l’effet « Jack-Knife » que les routiers redoutent quand les poids lourds se retrouvent en portefeuille. En clair, un freinage mal réparti et tout le poids se reporte sur les roues avant. La cabine se retrouve écrasée par la remorque. Pour résoudre ce problème, IAI a donc sollicité l’un des principaux fabricants de tracteurs, le tourangeau TLD, qui emploie 1.350 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 310 millions d’euros. Cette PME, qui a réussi son internationalisation en s’implantant près des grands constructeurs aéronautiques avec six usines réparties entre la France, la Chine et l’Amérique du Nord, a planché sur la chaîne de commandes électroniques. Solution : après l’amarrage du tracteur sous les roues de l’avion, le pilote prend la main de ce robot de 25 tonnes (50 tonnes pour les gros-porteurs). Les roues du Taxibot sont toutes articulées, pour une maniabilité accrue. Et toutes les roues freinent en même temps, y compris à l’arrière de l’avion. L’effort est donc réparti, l’effet « Jack- Knife » éliminé. A ce jour, le Taxibot qui a séduit la Lufthansa et un loueur, Bankers Capital, a engrangé 54 commandes pour un montant de 101 millions d’euros. British Airways, Air France et 2 compagnies chinoises sont très intéressées. Sa première mise en service, par la Lufthansa, est prévue au printemps 2013.
Stéphane Frachet, Les Echos (4/12/2012)