Les dispositions de la caisse de retraite des clercs et employés de notaires qui lient le bénéfice de la bonification de durée d’assurance pour enfants à une interruption d’activité professionnelle d’une durée continue au moins égale à deux mois n’engendrent pas une discrimination indirecte à raison du sexe prohibée par le droit européen et le droit communautaire, du seul fait qu’un nombre plus élevé de femmes que d’hommes en bénéficient, en raison du congé de maternité. C’est ce que décident les magistrats de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 12 juillet 2012 qui figurera au rapport de la Cour.
Lors de la liquidation d’une pension de retraite anticipée, un clerc de notaire, père de trois enfants, demande à bénéficier, pour ses deux premiers enfants, de la bonification de quatre trimestres par enfant prévue par l’article 92 du décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 relatif à la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires. Le bénéfice de ces dispositions « est subordonné à une interruption ou une réduction d’activité d’une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d’un congé de maternité ou d’adoption, d’un congé parental d’éducation ou de présence parentale ». Or le père de famille n’a pas eu d’interruption d’activité pour ces deux enfants. Il se considère victime d’une discrimination indirecte en raison de son sexe. En effet, la condition d’un congé de deux mois étant de fait remplie par les femmes du fait de la grossesse et la maternité, un plus grand nombre de femmes que d’hommes en bénéficient.
INTERRUPTION D’ACTIVITÉ MINIMALE DE DEUX MOIS
Le bénéfice de cette bonification lui est refusé par la caisse de retraite, approuvée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). La cour d’appel constate en premier lieu qu’en l’état de « la législation applicable en France », ni le salarié « ni aucune de ses collègues » dépendant du régime de retraite des clercs et employés de notaire « ne peuvent bénéficier d’une majoration de la durée d’assurance s’ils ne justifient pas au préalable d’une interruption d’activité professionnelle pendant plus de deux mois à l’occasion de l’arrivée d’un ou plusieurs enfants à leur domicile ».
Les juges d’appel indiquent en second lieu « qu’aucun des congés susceptibles d’ouvrir droit à la majoration n’est obligatoire, pas même le congé maternité sur lequel l’appelant fonde l’essentiel de son argumentation ». Ils ajoutent « que par ailleurs, aucun homme ne se verrait refuser un congé parental d’au moins deux mois, si, respectant les conditions légales et réglementaires, il en faisait la demande à son employeur ». À situation égale, « et pour les deux premiers enfants de l’appelant, il n’existe donc, dans les textes, aucune discrimination sexuelle directe ou indirecte
dans l’application » des dispositions en cause.
LE CONGÉ DE DEUX MOIS EXISTE DE FACTO POUR LES FEMMES
Cependant, relève la cour d’appel, en raison des congés pris par les femmes à l’occasion de la grossesse et de l’accouchement, « le congé minimal de deux mois existe de facto [pour les femmes], et la majoration de la durée d’assurance est acquise dès que la femme demande sa mise à la retraite ». Cependant, « le congé maternité est destiné à compenser la fatigue au moins physique de la grossesse et de l’accouchement, fatigue dont les hommes sont exonérés de facto ».
Pour la cour d’appel, « si une discrimination existe, en pratique, elle est uniquement du fait des hommes qui, en s’abstenant de réclamer ce congé parental d’éducation, se privent du droit ultérieur à la majoration de la durée d’assurance pour leur retraite ».
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel. Pour les magistrats de la deuxième chambre civile, « les dispositions de l’article 92 du décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 qui lient le bénéfice de la bonification de durée d’assurance à une interruption d’activité professionnelle d’une durée continue au moins égale à deux mois n’engendrent pas une discrimination indirecte à raison du sexe prohibée par l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention, ni une inégalité de traitement entre les travailleurs des deux sexes au sens de l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, du seul fait qu’un nombre plus élevé de femmes que d’hommes en bénéficient, en raison du congé de maternité ». En l’espèce, l’assuré « n’avait pas été conduit à interrompre son activité professionnelle pendant une durée continue de deux mois au moins pour s’occuper de ses deux premiers enfants ». Dès lors, il ne pouvait prétendre à la bonification.
Cass. civ. 2e, 12 juillet 2012, n° 10-24.661, FS-P+B+R