[ 26/03/10 ]
Le billet d’Eric Le Boucher dans les Echos d’aujourd’hui manifeste que la presse exprime ouvertement une interogation sur la légitimité des transferts intergénérationnels en faveur de nos aînés. Il y a là une tendance de fond que nous n’avons cessé d’annoncer depuis quelques années.
Bonne lecture, c’est roboratif !
« LA COMPETITIVITE AVANT LES RETRAITES.
La façon dont le président de la République a présenté ses deux dernières années de mandat en focalisant l’attention sur la réforme des retraites est dangereuse. Dangereuse vis-à-vis des partenaires sociaux car il en fait un test de leur combativité. Ils vont se sentir renforcés avant cette bataille « décisive ». Dangereuse vis-à-vis des marchés financiers qui en ont fait un test exactement inverse, celui de la volonté d’assainissement des comptes publics par la France. Nicolas Sarkozy s’est coincé d’avance à décevoir soit les syndicats soit les marchés, lesquels risquent de monter les taux d’intérêt sur les bons du Trésor. Pour un pays dont la dette atteint 1.500 milliards d’euros, un point de plus coûte 15 milliards, soit plus que les 12 milliards de déficit prévus en 2012 pour la caisse vieillesse…
Ce n’est pas très malin de mettre autant en avant cette réforme des retraites. Ce n’est pas non plus très sérieux. Car comme l’a dit avec raison François Chérèque, de la CFDT, la France a des problèmes plus graves. D’abord parce que, sur le fond, sauver les retraites c’est s’occuper encore et toujours des vieux et qu’il est temps, enfin, de s’occuper de ceux qui souffrent vraiment, c’est-à-dire les jeunes. Les dépenses de retraites représentent 12,4 % du PIB de la France contre 7,7 % en Suède, pays très « social », et 8,7 % au Japon, pays très « vieux ». Ne trouvez-vous pas qu’on devrait enfin changer de priorité et dire la vérité crue : il faut que les pensions baissent (pas les plus faibles bien sûr) pour décharger un peu les épaules de ceux qui travaillent ? Le débat est ouvert.
Le problème plus grave de la France est sa compétitivité. Christine Lagarde a reçu beaucoup de critiques pour avoir dénoncé la politique macroéconomique allemande qui, abaissant ses coûts et asséchant sa demande interne, pénalise ses voisins. « Ce n’était pas le moment », a-t-on reproché à la ministre. Au contraire, il n’était que temps ! Et la fin de non-recevoir que lui a sèchement renvoyée la chancelière Angela Merkel prouve que la patronne de Bercy pointait juste. L’Allemagne ne joue pas un jeu coopératif. On peut comprendre : il fallait à notre voisine se refaire une santé après la ruineuse réunification et reconstruire sa compétitivité.
Aujourd’hui, c’est fait. Or, Mme Merkel n’entend pas infléchir d’un iota cette politique de l’offre. Le syndicat IG Metall fait le même choix. Même si le sujet ne fait pas complètement consensus outre-Rhin - le président de la Bundesbank ayant mis des réserves, ce qui n’est pas rien ! -il faut que la France en tire la conséquence : la guerre des coûts est déclarée au sein de la zone euro.
Les exportations françaises représentaient 56 % des exportations allemandes en 2000 et seulement 37 % en 2006. Les industriels français vont continuer de perdre des parts de marché si la trajectoire n’est pas, ici aussi, « nolens volens », réorientée vers une politique de l’offre. Il ne sert plus à rien de se plaindre et d’argumenter que ce jeu non coopératif des Allemands est mauvais pour l’Europe dans son ensemble, il faut réagir. Dès que la reprise est assurée (à la rentrée ?), le curseur de la politique macroéconomique française devra se déplacer vigoureusement de la demande vers la compétitivité. Encore une fois, ce schéma n’est pas du tout idéal pour l’Europe mais la course de l’Allemagne impose à ses partenaires de lui emboîter son pas mercantiliste.
Concrètement, il faut que la France sorte de ce qu’on peut appeler sa grève des investissements. L’Etat, a souligné le président de la République, ne dépensait plus que pour son fonctionnement, il a créé le grand emprunt pour corriger le tir. On pouvait en débattre, mais c’est fait. Il reste maintenant à sortir le secteur privé de son sous-investissement chronique depuis plus de dix ans. Les entreprises françaises utilisent trois fois moins de robots que les allemandes, par exemple. Même réticence, hors exceptions, pour les dépenses de recherche-développement. En gros, nos géants du CAC distribuent trop de dividendes et n’investissent plus qu’à l’étranger.
Comment faire ? Mettre à plat la fiscalité : les impôts et taxes sont « peu orientés vers la compétitivité », résumait le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.
Réformer les retraites ? Certes ! Mais retrouver une stratégie de croissance post-crise est beaucoup plus fondamental que d’assurer aux baby-boomeurs retraités leurs douces croisières aux Caraïbes. »