Pour améliorer la santé psychologique au travail, il est « indispensable de repenser des modes de management [...] dans l’entreprise ». C’est ce qui ressort du rapport « Bien-être et efficacité au travail » remis, le 17 février, au Premier ministre. Rédigé à sa demande par Muriel Pénicaud, directrice générale des ressources humaines de Danone, Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric, et Christian Larose (CGT), vice-président du Conseil économique, social et environnemental, avec l’appui de Marguerite Moleux, membre de l’Igas, ce rapport propose des mesures pour améliorer les conditions de santé psychologique au travail . Il sera examiné , le 24 février, lors de la prochaine réunion du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct), et contribuera au futur plan santé au travail 2010-2014.
Une direction générale plus impliquée
L’implication de la direction générale et de son conseil d’administration est indispensable pour définir et mettre en oeuvre une « véritable politique de santé, en repensant notamment les modes de management et d’organisation », selon le rapport. Les entreprises sont donc encouragées à : - sensibiliser et impliquer le conseil d’administration sur ces problématiques en rendant compte chaque année de la responsabilité sociale de l’entreprise (incluant la santé des salariés), ou en créant un comité de responsabilité sociale qui examinerait aussi les questions de santé et sécurité ; - compléter les critères d’attribution de la rémunération variable aux managers dirigeants par des indicateurs de santé, de sécurité et de conditions de travail (le turnover, les accidents du travail, etc.).
Le manager garant de la santé des salariés
« La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne s’externalise pas », notent les auteurs. C’est le manager qui « organise le collectif de travail » ou fait « remonter les difficultés rencontrées par les salariés ». Constatant qu’ils sont confrontés à de nouvelles difficultés de positionnement (éloignement géographique, insuffisante association des managers aux décisions, etc.), les auteurs recommandent aux entreprises de réinvestir sur la proximité du management en : - atténuant le caractère excessivement matriciel de certaines organisations, tout salarié devant pouvoir identifier son supérieur hiérarchique ; - réaffirmant « les compétences de décision et pas seulement d’exécution du manager de proximité ». En outre, « les salariés promus managers ne sont souvent ni préparés ni formés à leurs responsabilités de leader d’équipe ». Aussi, les entreprises devraient investir dans la formation de leurs managers à la conduite d’équipes et aux comportements managériaux. Les managers promus devraient suivre systématiquement une formation adéquate.
L’accompagnement des salariés
Afin de donner aux salariés les moyens de se réaliser dans le travail, il faut restaurer des espaces de discussion et d’autonomie dans le travail. Selon les experts, cela suppose de : - généraliser les espaces de discussion sur les pratiques professionnelles ; - systématiser les marges d’autonomie dans l’organisation, y compris dans l’application des process et dans les métiers les plus répétitifs et contraints ; - systématiser les possibilités de recours au supérieur n + 2, afin d’agir contre le stress généré par des relations interpersonnelles difficiles. Par ailleurs, les entreprises doivent développer le collectif en valorisant les solutions collectives apportées aux difficultés dans le travail, ou en introduisant des critères collectifs dans la rémunération variable des managers. De même, pour éviter de laisser le salarié seul face à ses problèmes, le rapport propose de l’accompagner en sensibilisant le plus largement possible l’ensemble des acteurs à la santé au travail.
Le dialogue social, une priorité
Autre proposition : relancer la négociation sur les sujets de santé au travail à tous les niveaux. Les branches pourraient mener des négociations sur les facteurs de risques pour la santé psychologique propres à chaque métier. Elles pourraient aussi être investies d’une mission particulière de soutien à la prise en charge des risques psychosociaux au sein des très petites entreprises en négociant des plans d’action. Les entreprises de plus de 50 salariés devraient prévoir un bilan et un plan d’action annuels sur les risques psychosociaux pour nourrir le programme de prévention. Pour mieux associer les CHSCT à cette problématique, le rapport propose de renforcer la formation de ses membres sur les sujets de santé psychologique et de donner une nouvelle légitimité au comité par l’élection directe de ses membres. Il faut aussi clarifier la répartition de ses compétences avec les autres IRP, voire dans certains cas regrouper les compétences des comités d’entreprise et CHSCT dans une instance unique.
Études d’impact et outils de mesure
« Tout projet de réorganisation ou de restructuration doit mesurer l’impact et la faisabilité humaine du changement ». Une étude d’impact humain doit analyser les conséquences du changement, y compris les risques psychosociaux et les besoins de compétences, en associant les partenaires sociaux et les managers de proximité. De même, « sans outils de mesure, il n’est pas possible de modifier les comportements ». Ces outils doivent être adaptés à l’entreprise et « simples pour se traduire en plan d’action ». Les entreprises sont notamment invitées à élaborer « un diagnostic objectivé et discuté par l’ensemble des parties prenantes ». Enfin, les entreprises ne doivent pas transférer les risques psychosociaux sur leurs fournisseurs, et doivent intégrer l’impact humain dans les délais de mise en oeuvre des décisions économiques.