Elle s’est éteinte le 24 mars vers minuit, après un cancer du fumeur qui l’a emportée en 6 mois, à l’âge de 67 ans. A deux paquets de gitanes par jour pendant 40 ans, on ne pouvait guère espérer mieux. Elle a quitté la vie, sereine, après 40 années de vie active, plus les 2×8 trimestres que ses deux enfants lui ont donnés en plus de tous ces bonheurs et soucis quotidiens d’une vie de travail et de maman, et de travail et de maman, et de travail et de maman. Une vie « active », un peu assombrie par un chômage d’autant plus douloureusement ressenti qu’elle faisait partie de cette génération de femmes qui ont progressé du certificat d’étude jusqu’au « statut cadre », à la faveur des trente glorieuses et de la libération féminine. Cette libération dont la cigarette est un symbole si chèrement acquis qu’elles sont nombreuses, celles qui sont prêtes à en mourir. Elle est morte chez elle, entourée des siens et des deux personnes à domicile qui l’ont si bien soutenue, et ont englouti en six mois la totalité de l’héritage qu’elle avait pris une vie pour accumuler. Une femme sans histoire. Une salariée sans histoire. Une retraitée sans histoire… qui traverse sans bruit l’Histoire de notre pays… et sans bruit la construit.
Archive pour mars 2009
De profundis : Une retraitée sans histoire
Mardi 24 mars 2009Retraite des femmes : trouver autre chose
Mardi 10 mars 2009Un Arrêt du 19 février 2009 de la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation vient boucler la boucle. Depuis plusieurs années on savait que les mesures de faveur réservées, par les régimes de retraite, aux femmes qui ont « élevé » des enfants sont vouées à disparaître comme contraires aux principes d’égalité des rémunérations entre hommes et femmes.Un ilot résistait toujours à ce rouleau compresseur : les pensions du régime général qui ne sont pas considérées comme une rémunération. C’est à la lumière de la JP de la CEDH sur l’égalité de traitement que la Cour crève cette dernière poche de résistance : » Mais attendu qu’il résulte de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, que, d’une part, dès lors qu’un Etat contractant met en place une législation prévoyant le versement automatique d’une prestation sociale, que l’octroi de celle-ci dépende ou non du versement préalable de cotisations, cette législation engendre un intérêt patrimonial relevant du champ d’application de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1, que, d’autre part, une différence de traitement entre hommes et femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances ne peut être admise qu’en présence d’une justification objective et raisonnable ; qu’en l’absence d’une telle justification, l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale qui réserve aux femmes le bénéfice d’une majoration de carrière pour avoir élevé un ou plusieurs enfants, est incompatible avec ces stipulations… » C’est peut-être juste pour l’espèce, c’est injuste pour la très grande majorité des femmes qui ne voient JAMAIS réparé, le préjudice de carrière qu’elle subissent incontestablement à chaque maternité… même si c’est un immense bonheur de faire et d’élever des enfants.Il faudra trouver autre chose pour continuer d’inciter les femmes à procréer. A défaut, on finirait par ne plus pouvoir payer de retraite du tout. Les enfants d’aujourd’hui sont les cotisants de demain, il ne faudrait pas l’oublier.