Le parcours du combattant de Jacques de Baudus mérite d’être partagé (à défaut du diagnostic)

UN PARCOURS DE SOINS…
PUBLIÉ LE 2 MAI 2014 PAR REDACTION DANS LE BLOG DE JACQUES DE BAUDUS AVEC 0 COMMENTAIRE
Le parcours de soins, les frais de santé sont des sujets d’actualité récurrents. Jusqu’à présent, je les suivais comme n’importe quel observateur ou organisateur de colloques professionnels. Et puis m’est arrivée la petite aventure suivante…

Depuis plusieurs années, je souffre chroniquement d’inflammations affectant les membres inférieurs. Je traitais généralement le problème avec quelques comprimés de Voltarène accompagnés de Paracétamol et en deux ou trois jours, tout était rétabli.

Début mars, nouvelle alerte, sauf que cette fois-ci, mon auto-thérapie dysfonctionne. Le mardi 11 mars, je me rends chez mon généraliste. Je peux à peine marcher : mes deux genoux me font atrocement souffrir à chaque fois que je les plie ou les déplie, ce qui est, on en conviendra, particulièrement handicapant pour tout acte de la vie quotidienne pédestre.

Mon généraliste reste sceptique devant mon cas. Il propose qu’un collègue rhumatologue officiant dans le même cabinet m’examine.

Après m’avoir fait exécuter quelques pas puis pratiqué quelques observations, le rhumatologue rend son verdict :

- Vos genoux ne sont ni chauds ni liquides. Je suis formel : vous êtes victime d’une intoxication pharmaceutique.

Le diagnostic est étonnant et je lui demande à quel type d’intoxication il pense.

- Il n’y a que trois possibilités : soit une réaction à un antibiotique ?

Je n’en prends pas.

- Soit une allergie à un traitement contre le cholestérol ?

Je n’en prends pas non plus.

Je sens le médecin presque satisfait. Il se carre dans son fauteuil avant d’affirmer, sûr de lui :

- Alors vous vous empoisonnez avec des génériques.

Depuis des années, je suis traité contre une hypertension artérielle et un diabète de type 2 pour lesquels effectivement je consomme des génériques qui me sont notamment prescrits par le généraliste que je viens de quitter. Je suis quand même très étonné par l’assurance avec laquelle ce praticien dénigre les génériques, allant jusqu’à évoquer « un scandale d’Etat de grande envergure ! » On sait à quel point l’enjeu est important pour les laboratoires pharmaceutiques lesquels organisent des campagnes de lobbying intenses pour lutter contre cette concurrence. Mais où est la part de vrai ? Mon généraliste est informé par son confrère du mal dont je souffre et de la cause de mes douleurs. Quelle réaction aura celui qui m’ordonnance ces génériques depuis des années ? Il hausse les épaules et s’en retourne à ses consultations les mains dans les poches… Dès lors, le rhumato me prescrit un corticoïde, « non substituable » à prendre pendant six jours au terme desquels tout ira bien.

A la pharmacie où je suis venu chercher le remède miracle, j’apostrophe le potard, que je connais bien, allant jusqu’à le traiter d’assassin pour m’avoir délivré des génériques responsables de mon état !

- Votre rhumato est un âne ! m’affirme l’apothicaire. Comment peut-il établir un tel diagnostic sans avoir préalablement ordonné des prises de sang, des radios, des IRM… ?

Je ne suis pas loin de partager cet avis mais si la cortisone peut me soulager, je suis preneur.

- Qui plus est, renchérit le pharmacie, vous êtes diabétique et la cortisone va exploser votre glycémie. Faîtes attention !

Faire attention ? Je m’apprête à suivre une prescription médicale ordonnée par un spécialiste avec la bénédiction tacite de mon généraliste. Je ne peux qu’être confiant…

Après six jours de traitement, l’amélioration est plus que notable. J’aborde le week-end avec sérénité et optimisme. Hélas, le dimanche la situation s’aggrave à nouveau. Je décide alors de moi-même de continuer la cortisone, risquant, sans le savoir, un coma diabétique.

Au début de la semaine suivante, je consulte un nouveau rhumatologue, une jeune femme, laquelle ne partage absolument pas le diagnostic de son confrère. Après un examen rapide ayant notamment révélé une tendinite au pied gauche doublée d’un œdème, elle m’ordonne une prise de sang et me délivre du Doliprane pour contrer la douleur. Intérieurement, je pense que des pastilles Vichy seraient tout aussi inefficaces… Elle m’ordonne aussi des radiographies et des échographies de mes genoux, chevilles et pieds. Pour ces dernières analyses, la rhumato insiste pour que je me rende au sein d’un « établissement sérieux » (sic !). Elle me conseille un institut dont le site précise qu’il est un centre « dédié à la traumatologie, la rhumatologie, et la chirurgie de l’appareil locomoteur ». Puis-je espérer mieux ? Cependant, les examens n’apporteront aucune explication au mal dont je souffre : les spécialistes ne retiendront pas « de signe inflammatoire intra-articulaire, pas d’anomalie tendineuse, pas de ténosynovite. » La seule anormalité consiste en une légère aponévrosite plantaire, relativement étalée, « qui n’explique cependant pas toute la symptomatologie actuelle et notamment l’œdème péri-articulaire sous cutané. »

En revanche, l’analyse de sang révèle un foyer infectieux. Je constate d’ailleurs une légère poussée de fièvre (38°3).

Le 31 mars, après un week-end particulièrement douloureux et difficile, je revois la rhumatologue qui décide alors de me placer sous antibiotique.

- D’ici deux ou trois jours, vous constaterez une amélioration notable, affirme-t-elle.

Le jeudi 3 avril, la situation a empiré.

Le médecin me revoit en urgence. Mon pied gauche a quasiment doublé de volume et mes deux genoux me font atrocement souffrir. Je la sens complètement dépassée.

Elle m’explique qu’elle ne peut plus rien pour moi, qu’elle a tout essayé, qu’elle ne comprend pas ce qui m’arrive et qu’elle n’a pas d’autre issue que de m’hospitaliser. Elle ajoute que le lendemain vendredi, elle ne travaille pas l’après-midi et que compte-tenu du week-end qui suit et de mon état aggravé par le fait que je suis diabétique, seule une hospitalisation est envisageable.

Le vendredi 4 avril, j’intègre le service rhumatologie d’un grand hôpital parisien.

J’y séjournerai 48 heures au cours desquelles je subirai quelques examens, notamment échographiques.

Au cours de la séance d’échographie justement, le rhumatologue que je verrai, (le troisième en trois semaines !) ponctuera plusieurs fois son analyse par les exclamations suivantes :

- Ils n’ont pas vu ça ! Mais comment ont-ils pu passer à côté ?

Sans doute évoque-t-il ses collègues de l’établissement sérieux, renommé et spécialisé dans l’appareil locomoteur chez qui j’ai dernièrement passé radiographies et échographies.

Au bout d’une petite demi-heure, le médecin conclut :

- Au moins le diagnostic est clair…

Je vais enfin savoir…

- Vous souffrez de nombreuses calcifications. Celles-ci provoquent des inflammations plus ou moins bien placées, ce qui explique qu’elles soient parfois difficiles à soigner. Je vais procéder à une injection de Kineret, un anti-inflammatoire puissant que l’on emploie dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, après quoi vous pourrez rentrer chez vous. Parallèlement, je vous prépare une ordonnance de sortie : il vous faudra prendre un autre anti-inflammatoire, l’Apranax 550, pendant une semaine. En principe vous devriez être tiré d’affaire d’ici huit jours. Pour le cas cependant où une gêne persisterait, revoyez votre rhumatologue pour une éventuelle infiltration.

La semaine du 7 avril se déroule relativement bien : j’honore tous mes rendez-vous en boitillant légèrement. Le samedi soir, je fête ce que je pense être la fin de ma galère. Je ne consomme cependant pas une goutte d’alcool compte tenu des traitements médicaux que je subis depuis maintenant près d’un mois.

Le dimanche, je me sens très fatigué : quand je me lève, ça tourne un peu et je dois m’accrocher pour ne pas tomber. Je mets cet état sur le compte d’une semaine où je ne me suis pas épargné. Je remarque que mes intestins semblent beaucoup travailler et que le résultat présente une couleur très sombre, quasiment noir.

Lundi 14 avril : ça ne va guère mieux. Dès le lever, je suis éreinté. Les symptômes remarqués la veille persistent. A contrecœur, je n’annule pas mon déjeuner au Pantruche, un bistro parisien typique et gourmand de la rue Victor Massé. J’effleurerai du bout des lèvres mon plat, une fricassée de volaille particulièrement goûteuse.

Mardi 15 avril : je me lève tôt. J’ai un petit déjeuner avec un dirigeant de l’assurance à 8h30. Cependant, quand j’ai un petit déjeuner de prévu à l’extérieur, je déteste partir de chez moi le ventre vide. Ce matin-là, je suis toutefois incapable d’avaler la moindre chose. Je suis vidé, crevé, infoutu d’effectuer le moindre pas sans vaciller.

Je décide de faire venir SOS Médecin.

Au téléphone, j’ai décrit mes symptômes et l’on me promet l’arrivée rapide d’un docteur.

Celui-ci sonne en effet à ma porte dans le quart d’heure qui suit.

Quelques secondes lui suffisent pour établir son diagnostic. Il est sans appel.

- Vous faîtes une hémorragie de l’estomac. Il faut vous hospitaliser immédiatement. Restez couché, je m’occupe de tout.

Dès lors, le processus d’urgence se met en route.

Très vite, deux ambulanciers débarquent ainsi qu’une voisine avec qui j’entretiens des relations amicales. Elle me confectionne un sac dans lequel elle met du linge propre, une trousse de toilette, mon Ipad et le chargeur de mon téléphone. Je règle les factures que l’on ne manque pas de me présenter : celle du médecin bien sûr mais aussi des ambulanciers. Puis ceux-ci m’embarquent sur un fauteuil roulant jusqu’à la voiture dans laquelle je suis étendu sur un brancard. Le parcours est rapide : l’établissement où je suis conduit est très proche de mon domicile.

Arrivé à l’hôpital, je suis poussé dans un dédale de couloirs. Je subis la scène et pense aussitôt à toutes ses séries dans lesquelles le réalisateur filme en caméra subjective, comme s’il était le patient. Je vois défiler des plafonds, je croise du personnel médical, mais je ne situe rien, ne reconnais rien.

Au bout d’un moment, cela se stabilise dans une pièce. J’entends des bruits de voix. On me change de brancard. Les ambulanciers viennent me saluer.

- Bon courage Monsieur, me disent-ils.

Je murmure un remerciement.

Cela s’agite pas mal dans la pièce, mais pas spécialement pour moi, du moins je ne le crois pas.

Différentes personnes me demandent mon nom et ma date de naissance. Par la suite, je comprendrai qu’il s’agit de vérifier le niveau de ma conscience.

Plusieurs fois, on me demandera aussi si je suis à jeun. Je réponds par l’affirmative.

On me branche une perfusion.

Un homme entre dans la pièce. Il s’approche de moi. J’essaie de le visualiser. Corpulent, de type maghrébin, il approche de la cinquantaine et porte une blouse blanche ouverte.

A son tour il me demande mon identité, mon âge et si je suis à jeun.

Je réponds.

Il enfile une paire de gants médicaux.

- Bien. Tournez-vous : je vais pratiquer un toucher rectal !

J’ignore qui est cet homme et quelle est sa fonction. Par la suite, je ne le reverrai plus jamais.

Malgré mon état, je suis quand même étonné par l’incongruité de la situation. Il doit s’en rendre compte et réitère donc sa requête.

Au point où j’en suis, je décide de me soumettre et, en me tournant sur le côté, allez savoir pourquoi, il me vient à l’esprit une phrase de Cicéron extraite de ses Catilinaires : Quaecum ita sint, perge quo coepisti !

Puisqu’il en est ainsi, continue dans la voie où tu t’es engagé !

Bienvenue aux urgences !

Je resterai à l’hôpital une semaine, dans une unité de soins continus (USC). J’y subirai notamment une fibroscopie qui confirmera l’existence d’un ulcère et d’une hémorragie, conséquence des anti-inflammatoires.

A cet égard, j’écouterai par hasard la chronique médicale que tient chaque matin sur Europe 1 le docteur Jean-François LEMOINE. Le 22 avril dernier, il choisit de traiter des ulcères à l’estomac. Selon lui, 20 à 30% des ulcères sont provoqués par des anti-inflammatoires délivrés sans protecteur gastrique, soit 20 à 30.000 ulcères responsables d’hémorragies de l’estomac et de… 15000 décès par an !

http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Europe-1-sante/Sons/Les-ulceres-de-l-estomac-2099207/

Edifiant !

Je quitte l’hôpital le samedi 19 avril, veille de Pâques.

J’ai perdu cinq ou six kilos, (personne ne s’en plaindra !). J’ai subi six ou sept transfusions sanguines. Je suis fortement anémié et très fatigué : dans une USC, on dort mal du fait des multiples branchements, des perfusions diverses et des visites nocturnes des infirmiers pour une prise de tension, une vérification de la glycémie ou toute autre raison.

Je savoure mon retour chez moi. Le répit sera de courte durée. Dès le dimanche de Pâques, mes rhumatismes inflammatoires se réveillent. C’est le genou droit qui est, dans un premier temps, atteint. Très vite, le pied droit s’y met aussi. Nous sommes en plein week-end pascal. Que faire ? Où aller ?

Sur les conseils d’un ami médecin-urologue, je contacte un quatrième rhumatologue, paraît-il excellent ! Sauf qu’il est en vacances et ne pourra donc me recevoir avant lundi 28 avril.

Je pars du principe que les anti-inflammatoires me sont prohibés. Je n’ai que du Doliprane pour me soulager. Autant dire rien. Sur une échelle de 0 à 10, je note la douleur à 7, parfois 8. Je me procure de l’Ixprim, un antalgique de niveau 2. Aucune amélioration. Le jeudi 24 avril, je me traine chez mon généraliste. Il me regarde hébété : lui qui exerce depuis des dizaines d’années après dix ans d’urgentiste ne comprend pas ce qui m’arrive.

- Et pourquoi pas l’hôpital ? me suggère-t-il.

- La dernière fois qu’on m’a hospitalisé pour ça, j’en suis sorti avec un billet express pour la morgue !

Il sourit. Il comprend mais ne sais pas quoi me dire.

Moi, je sais ce que je veux !

- Donnez-moi de la morphine !

Il hésite, bougonne puis fouille dans un tiroir. Il trouve une boîte entamée de sulfate de morphine. Et m’établit une ordonnance pour une boîte supplémentaire.

Il refusera que je lui règle la consultation.

Pendant plus de trois jours, je me bourre de morphine mais l’amélioration est inexistante.

Lundi 28 avril : je consulte donc un quatrième rhumatologue.

Après la cortisone, les antibiotiques, les anti-inflammatoires, le Doliprane, l’Ixprim et la morphine, que va-t-on me proposer ?

Une IRM et d’autres antidouleurs.

Vendredi 2 mai : j’achève de rédiger cette histoire qui n’est pour autant pas terminée.

Quand je suis immobile, je ne souffre pratiquement pas. Mais tout déplacement (d’une pièce à l’autre, chez moi !) demeure difficile et douloureux.

Le parcours de soins qu’il me reste à effectuer est encore long, très long.

Au moment de l’appréhender, je me plais à établir un parallèle entre les médecins et les assureurs : dans les deux cas, c’est malheureusement le plus souvent quand c’est trop tard qu’on s’aperçoit qu’ils sont mauvais !

Jacques de BAUDUS

16 réponses à to “Le parcours du combattant de Jacques de Baudus mérite d’être partagé (à défaut du diagnostic)”

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