Affiliation obligatoire du salarié.

Jusqu’ici la jurisprudence, tant interne que communautaire, a pu s’intéresser à l’obligation faite aux employeurs d’une branche de relever de l’assureur unique désigné par les partenaires sociaux dans l’accord collectif professionnel de prévoyance. Mais se pose aussi la question de l’opposabilité de l’affiliation obligatoire à tous les salariés entrant dans le champ d’un accord de prévoyance, que celui-ci soit de branche ou d’entreprise…

 Un arrêt de la cour d’appel de Limoges en date du 17 octobre 2011 éclaire sous un angle différent la question de la validité des clauses de désignation d’un organisme assureur unique pour gérer les garanties collectives de prévoyance. Jusqu’ici la jurisprudence, tant interne que communautaire, a pu s’intéresser à l’obligation faite aux employeurs d’une branche de relever de l’assureur unique désigné par les partenaires sociaux dans l’accord collectif professionnel de prévoyance. Mais se pose aussi la question de l’opposabilité de l’affiliation obligatoire à tous les salariés entrant dans le champ d’un accord de prévoyance, que celui-ci soit de branche ou d’entreprise ». Sur cette question très importante pour toutes les entreprises, Jacques Barthélémy, avocat conseil en droit social, ancien professeur associé à la Faculté de Droit de Montpellier et fondateur du cabinet Barthelemy (1965), livre son analyse à l’AEF (les intertitres sont de la rédaction).Le libre choix d’un salarié peut aisément être écarté si l’on positionne le débat sur le terrain de la libre concurrence. Au demeurant, et même si cela n’apparaît pas à première vue, on peut estimer que la question a déjà été réglée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), outre que la conjonction des articles L 912.1 et L 912.2 du code de la sécurité sociale autorise à penser qu’il en est de même en droit interne (I). Plus intéressante est la question de la compatibilité de cette affiliation obligatoire avec les droits fondamentaux du citoyen tirés de la convention européenne des droits de l’Homme, spécialement de la liberté d’association. Mais ici, le débat peut être biaisé dans la mesure où l’argument avancé dans cette discipline par le demandeur repose essentiellement sur le droit de la Mutualité, alors que peuvent gérer de telles garanties d’autres assureurs (II).

I – Sous l’angle de la libre concurrence

Ceux qui, au nom du droit de la concurrence, contestent le bien-fondé d’un accord de branche désignant un assureur dont doivent relever toutes les entreprises pour gérer les garanties collectives de prévoyance, n’ont pas conscience que leur argumentation justifie le refus de salariés d’une entreprise d’être affiliés à l’organisme avec lequel l’employeur a contracté pour le même objet.Aux sceptiques, il convient d’indiquer les arguments qui justifient l’identité, au plan juridique, de ces deux situations.

 1/ D’abord, il aura sans doute échappé aux acteurs du marché de l’assurance que l’article L 912.1 du code de la sécurité sociale – qui rend licite, en droit interne, la mutualisation auprès d’un organisme unique des contributions de toutes les entreprises d’une branche destinées à financer des garanties collectives de prévoyance – est suivi d’un article L 912.2, lequel est relatif aux conditions et limites du choix d’un organisme d’assurance pour couvrir les garanties de prévoyance mises en place au niveau de l’entreprise. La justification de cet article L 912.2 ne peut évidemment se trouver que dans l’opposabilité de l’adhésion à tous les salariés parce que par définition, étant donné que le système est mis en place au niveau d’une seule entreprise, ce n’est pas de l’opposabilité aux employeurs qu’il s’agit.

Ceci conduit à rappeler que les articles L 912.1 et L 912.2 du code de la sécurité sociale matérialisent une loi d’exception dérogeant, en vertu de l’article 10 de l’ordonnance de décembre 1986 sur la concurrence, codifié en L 420.4 du code de commerce, aux dispositifs interdisant les constitutions d’entente (Article 7 codifié en L 420.1), ainsi que les positions dominantes abusives (article 8 codifié en L 420.2). Autrement dit, en droit interne, l’argument de l’atteinte à l’exigence de libre concurrence est irrecevable s’agissant de systèmes de garanties collectives obligatoires de prévoyance qui ont juridiquement la qualification d’éléments du statut collectif. Au contraire, si l’adhésion y est facultative, qu’elle nécessite une initiative individuelle, on est en présence d’une activité sociale dont le comité d’entreprise pourrait revendiquer la gestion directe au nom de ses attributions dans l’ordre social (L 2323.83 du code du travail).

Ni « entente illicite » ni « position dominante »

2/ Ensuite, il ressort d’une jurisprudence communautaire aujourd’hui bien assise que :- les accords collectifs de travail ne peuvent pas constituer une entente illicite, sous-entendu entre entreprises de la branche, en raison à la fois de leur nature (de contrat entre partenaires sociaux, qui déclinent donc la démocratie sociale) et de leur objet (l’amélioration des conditions de travail, qui s’inscrit dans l’objectif de progrès social poursuivi par l’Union Européenne). La CJUE considère de ce fait que les clauses de désignation d’un assureur dans un accord de prévoyance ne contournent pas l’article 101 du traité de fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).- Ces mêmes accords ne concrétisent pas davantage une position dominante, à tout le moins abusive au profit dudit assureur en raison de la finalité sociale poursuivie, mais à condition que soit poursuivi un objectif de solidarité. La CJUE considère alors que le dispositif mis en place ne contrevient pas aux exigences de l’article 102 du même traité.Les arrêts sont suffisamment nombreux – et leurs conclusions convergentes – pour qu’on puisse parler de jurisprudence constante, même si, sur certains points – et parce que certaines questions n’ont pas encore été posées aux juges de Luxembourg – subsistent des incertitudes.On notera simplement les arrêts :- Albany 21/09/1999 C 67/96 Rec. p I 5751 ;- Brenjens C 115/97 à C 117/97 Rec. p I 6025 ;- Drijvende Bokken C 219/97 Rec p I 6125 qui traitent des régimes de retraite supplémentaire, précisément des fonds de pension hollandais ;- Van der Woude 21/09/2000 C222/98 Rec. p I 711 ;- AG2R c/ Beaudout 03/03/2011 C 437/09 traitant de prévoyance collective, précisément de systèmes de remboursements de frais de santé.Dans ce dernier arrêt, la CJUE non seulement considère que la clause de désignation d’un assureur unique ne contrevient pas aux prohibitions des ententes et des positions dominantes abusives au vu de la nature et de l’objet des accords et du fait de l’objectif de solidarité poursuivi, mais encore elle admet qu’un objectif très élevé de solidarité justifie une clause de migration par laquelle les entreprises ayant mis en place des garanties similaires avant la signature de l’accord de branche sont tenues de changer d’assureur. Sur cette justification et ce droit, cf. Jacques Barthélemy « clause de désignation et de migration au regard du droit communautaire de la concurrence » JSL 24/03/2011 n°296 et surtout « Clause de désignation et droit de la concurrence » Droit Social juin 2011, p 853.Concurrence et solidarité3/ Enfin et plus fondamentalement, une réflexion de fond a été conduite en doctrine sur les conditions de la compatibilité entre exigences du droit de la concurrence et objectif de solidarité. On notera à cet égard tout spécialement J.J. Dupeyroux « les exigences de la solidarité » Droit Social 1990, n°11 p 742.Les accords ayant comme objet de seulement définir la nature et le niveau des garanties sont des conventions collectives de travail dans la mesure où, par le biais du provisionnement des engagements, les avantages consentis aux salariés sont non seulement individualisables mais encore acquis durant l’exécution du contrat de travail ; la rente pouvant être allouée postérieurement à sa rupture est alimentée par un capital individualisé constitué précédemment. En pareil cas, le principe d’égalité de traitement, dégagé par la jurisprudence, doit être pleinement respecté. Mais les parties d’un accord de prévoyance peuvent poursuivre un objectif de solidarité.Il ne s’agit pas alors d’une solidarité interprofessionnelle et généralisée du type de celle mise en œuvre dans la retraite complémentaire obligatoire ; celle-ci positionne le régime dans le champ de l’intérêt général et écarte d’autant plus la qualification d’entreprise des institutions gestionnaires que les accords fondateurs mettent en œuvre les modalités d’application du droit légal à une retraite complémentaire (Loi du 29 décembre 1972, codifiée aujourd’hui en L 921.1 et 2 du code de la sécurité sociale). Ces régimes relèvent donc du premier pilier de la protection sociale, au même titre que les régimes de base : au demeurant, se substituant à eux par certains aspects (en particulier du fait de la faiblesse de la pension du régime général et de la limitation de son assiette au plafond de sécurité sociale), Ils entrent dans le champ du règlement 1408.71 relatif à la coordination, au plan européen, des régimes de sécurité sociale dans la perspective de la libre circulation des travailleurs, c’est-à-dire des articles 39 à 51 du traité dans sa formulation initiale.

La dispense d’affiliation n’est pas déterminante

La solidarité est ici seulement professionnelle. Elle se manifeste – dans la mesure ou les droits de base sont, du fait du recours à la technique assurantielle, individualisés à partir du provisionnement des engagements – par des droits non contributifs, une politique de prévoyance, une action sociale, etc ; ces avantages nécessitent la constitution d’un « pot commun » par la mise en œuvre d’une mutualisation unique (peu important la désignation éventuelle de plusieurs opérateurs) sur laquelle les « travailleurs intéressés », expression de l’ancien article 44 du décret du 8 juin 1946 pris en vertu de l’article « L4 » de l’ordonnance de 1945, texte abrogé du fait de la loi Evin du 31 décembre 1989 dont l’objet principal était la transposition, en droit interne, des directives vie et non vie sur la libre prestation de services en matière d’assurance collective des personnes. La solidarité se manifeste aussi – mais pas seulement comme certains veulent le croire – par un taux uniforme de cotisations, lequel permet de gommer les écarts liés à des réalités différentes du risque entre les différentes entreprises. (Jacques Barthélemy « solidarité et accord de protection sociale complémentaire » in « analyses juridiques et valeurs en droit social » Études offertes à Jean Pélissier – Dalloz 2004)Bref, en se positionnant sur le strict terrain de la libre concurrence, la prétention d’un salarié entrant dans le champ d’un accord collectif de prévoyance de s’exclure de l’obligation de relever de l’assureur désigné ne peut prospérer. Au demeurant, cela résulte expressément, s’agissant du droit communautaire, d’un des arguments de l’arrêt Albany de 1999 qui est, en la matière, le socle de toute la jurisprudence. En effet, la contestation était relative à la faculté offerte aux salariés et organisée par l’accord de ne pas être intégré dans le régime, ce qui faisait disparaître le bénéfice de l’abondement patronal. De cette faculté, le juge de Périgueux s’est saisi, dans l’affaire AG2R objet de l’arrêt du 3 mars 2011, pour justifier une saisine de la cour de Luxembourg au motif que la situation de fait était différente, dès lors que la dispense d’affiliation n’était ici pas prévue. Or, dans ce dernier arrêt, la CJUE souligne que la dispense ou non d’affiliation n’est pas un élément déterminant.

Une « convention collective de sécurité sociale »

Bref, la solidarité joue en la matière un rôle essentiel au point que, notamment en matière de droits non contributifs et de politique de prévention qui en sont les manifestations principales, on peut soutenir que l’accord collectif est alors une « convention collective de sécurité sociale », tant solidarité et sécurité sociale sont consanguines (J.M. Belorgey « logique de l’assurance, logique de solidarité » Droit Social 1995 n°09/10 p 731). De ce fait, l’exigence d’égalité de traitement peut s’effacer au nom de la volonté de protection des plus faibles, des plus exposés, des plus démunis. À tout le moins, les instruments qui déclinent l’objectif de solidarité vont constituer une raison objective justifiant la différence.Sous l’angle de la libre concurrence, la prétention de M. Maillot n’avait donc aucune chance de prospérer. Au demeurant, cet argument n’était pas expressément formulé. Et même si on peut le décliner de la référence à « l’inconstitutionnalité » de la loi Évin du 31 décembre 1989, l’argumentation développée est particulièrement inconséquente. L’opposition entre la loi Évin et l’article L 242.1 du code de la sécurité sociale n’a par exemple strictement aucune pertinence puisque l’objet de l’une et de l’autre sont radicalement différents. La loi Évin (il eut fallu du reste viser aussi la loi du 8 août 1994 qui a le même objet et en amplifie et le champ et la portée) est relative à l’organisation des droits et opérations en matière de garanties collectives de prévoyance tandis que cet article du code est relatif à la définition de l’assiette des cotisations de sécurité sociale !

II – Sous l’angle des droits fondamentaux du citoyen

L’objet premier de l’acte fondateur des garanties de prévoyance, c’est de définir la nature et le niveau des prestations, éventuellement la clé de répartition de la cotisation totale, d’autant plus essentiels que depuis la loi Évin du 31 décembre 1989, l’auto-assurance est interdite. L’avantage n’est pas ici la prestation dont la fourniture s’impose directement à l’employeur comme ce peut être le cas pour le maintien du salaire en cas de maladie (mensualisation) ou les indemnités de fin de carrière (IFC) ; c’est le fait d’être assuré. Dès lors, même si, en cas d’insuffisance ou d’absence d’assurance, l’employeur doit verser directement les prestations, le simple fait de ne pas être assuré pour couvrir les risques constitue une faute susceptible d’engager sa responsabilité ; des dommages et intérêts indépendants des montants des prestations sont potentiellement dus en raison de la perte de chance et une action en référé est parfaitement concevable.C’est au vu de cette considération préliminaire qu’il convient d’analyser la seconde série d’arguments avancés par M. Maillot pour s’exonérer de la tutelle de l’assureur désigné – au cas précis conjointement par la direction de la Banque Populaire et les organisations syndicales de salariés en application d’un accord collectif – pour gérer les garanties collectives de prévoyance. Le demandeur à l’instance invoque la violation de la liberté d’association garantie par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). L’argument n’est pas nouveau ; il a déjà été invoqué par le passé devant la Cour de Cassation pour contester le caractère obligatoire de l’adhésion aux caisses gérant le régime de base de sécurité sociale, qui sont des personnes de droit privé fonctionnant, selon la loi, comme des mutuelles (1). Il invoque aussi la méconnaissance, par cette obligation, de la liberté de presse, d’opinion et d’expression proclamées par les articles 9 et 10 de la CEDH (2). Il va plus loin en stigmatisant une violation du respect de la vie privée (article 8 de la CEDH), ainsi que du droit à la non-discrimination dans la jouissance de ces dispositions de la CEDH (3).

Le droit à la liberté d’association est absolu

Tous les arguments ont été balayés par la cour d’appel : elle l’a fait en utilisant – par référence à la jurisprudence de la CJUE – la contribution de tout système de prévoyance à l’amélioration des conditions de travail et du rôle joué par les partenaires sociaux dans leur confection. Elle conclut – de manière quelque peu laconique – que la loi française qui autorise de telles constructions (spécialement même s’il n’est pas cité, l’article L 912.2 du code la sécurité sociale) ne constitue pas, du fait de ces arguments, une violation des dispositions de la CEDH. Même si la solution doit être approuvée, l’argumentation n’est pas des plus convaincante ; de ce fait, la situation appelle une analyse plus fine.1/ Toute personne a droit à la liberté d’association et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles contribuant à la sécurité nationale, à la santé publique, à la défense de l’ordre et à la prévention des crimes, à la protection de la santé ou de la morale ainsi qu’à la protection des droits et libertés d’autrui, donc à ce que, sous l’impulsion des idées des philosophes des Lumières, on qualifie d’intérêt général pour marquer, dans l’ordre public classique, la seule limite à la liberté contractuelle.

Il est donc logique que la cour de Strasbourg en ait déduit que le droit d’association s’exerçe aussi bien négativement par celui de ne pas s’associer que positivement par la protection du droit de s’associer (CEDH 30 juin 1993, 29 avril 1999 ou plus récemment dans le très médiatique arrêt Sorensen et Rasmussen du 11 janvier 2006). S’appuyant sur l’idée, dégagée par la cour de Strasbourg, que les termes de l’article 11 sont d’interprétation stricte, M. Maillot rejette comme contraire au droit d’association l’obligation qui lui est faite d’adhérer à la mutuelle retenue pour gérer les garanties collectives de prévoyance dans l’entreprise.

Un « élément du statut collectif du personnel »

Malgré son caractère séduisant, cette analyse ne peut prospérer et ceci pour de multiples raisons :- La première, la plus importante, vient du droit de la Mutualité lui-même. Certes, lorsqu’un citoyen entend être couvert contre certains risques liés à la vie humaine par l’intermédiaire d’une mutuelle, il en devient adhérent, ce qui lui permet de participer à la vie démocratique de la personne morale. Il en accepte les règles, les déviations à l’égard de celles qui sont essentielles pouvant justifier son exclusion, donc la perte de sa qualité d’adhérent. Tout ceci est exprimé dans le deuxième alinéa de l’article L 114.1 du code de la Mutualité selon lequel toute personne qui souhaite être membre d’une mutuelle fait acte d’adhésion dans des conditions définies réglementairement.Oui mais l’alinéa suivant précise que « par dérogation, les droits et obligations résultant d’opérations collectives font l’objet d’un contrat écrit entre la personne morale souscriptrice et la mutuelle ». Ici les assurés sont seulement des participants. Cette situation est, par excellence, celle des contrats d’assurance mettant en œuvre les garanties collectives de prévoyance résultant, en application de l’article L 911.1 du code de la sécurité sociale, d’un accord collectif de travail, d’un référendum ou d’une décision unilatérale de l’employeur. Au demeurant, il y a une incompatibilité de principe à engager la responsabilité de l’employeur dans la mise en œuvre de telles garanties qui ont la qualification d’éléments du statut collectif du personnel et possibilité pour chaque membre du personnel de se soustraire à leur application.

Les trois familles d’assureurs dans le même sac

- La deuxième. L’intervention d’une structure mutualiste dans un tel contexte la place dans une situation similaire à celle d’une institution de prévoyance (L 931.1 et suivants du code de la sécurité sociale) qui est caractérisée, comme une société mutualiste, par le but non lucratif de son activité mais par une gestion paritaire, alors que le droit de la Mutualité est celui de l’autogestion par les assurés. Dès lors, l’argument tiré du droit d’association n’a aucune pertinence lorsque la relation de la mutuelle n’est pas nouée avec chaque salarié mais avec l’entreprise, dans le cadre d’un contrat au bénéfice d’une collectivité, représentée par des délégués.- La troisième : l’objectif premier de la loi Évin du 31 décembre 1989 était la transposition des textes communautaires sur la concurrence en droit interne ; cela s’est traduit notamment par la mise à parité des droits et devoirs des trois types d’assureurs que sont les compagnies, les institutions et les mutuelles. Si l’on admettait que, au nom du droit d’association, un salarié peut s’exclure du système de garanties collectives, une différence serait introduite car cette règle ne pourrait prospérer si l’assureur est une institution qui relève du paritarisme, le salarié étant seulement participant de la personne morale ou d’une compagnie d’assurance qui, en quelque sorte, gage les obligations de l’employeur, le salarié étant un tiers au contrat.

une amélioration des conditions de travail

2/ La mise en place, par accord collectif, de garanties collectives de prévoyance concrétise une finalité sociale en contribuant, par la négociation, à l’amélioration des conditions de travail. La critique d’atteinte à la liberté de presse, d’opinion, d’expression ne peut sérieusement prospérer à l’encontre des actes fondateurs de ces garanties. Les salariés s’expriment ici par l’intermédiaire des délégués syndicaux. Il n’est alors pas inutile de rappeler que le droit à la négociation des conditions de travail par l’intermédiaire de leurs délégués est un droit constitutionnel des travailleurs. Et que les avantages d’une convention collective s’appliquent aux contrats en cours, sauf dispositions plus favorables (L.2254.1 du Code du travail).C’est donc l’obligation faite aux salariés d’être assurés par l’opérateur désigné que l’on vise par la critique au nom des droits du citoyen. Mais le contrat d’assurance collective n’est que l’instrument permettant de gager les obligations imposées à l’employeur par l’acte fondateur des garanties collectives. La cotisation destinée à la couverture du risque est acquittée par l’employeur, qui prélève sur le bulletin de paye la quote-part salariale. Si chaque salarié pouvait s’extraire de l’obligation d’assurance, le système serait à adhésion facultative et changerait de ce fait de qualification juridique, n’étant plus un élément du statut et devenant une activité sociale, de surcroît dont la gestion pourrait être revendiquée par le comité d’entreprise dans le cadre de ses attributions d’ordre social.Et si, en dissociant artificiellement l’acte fondateur des garanties de prévoyance et le contrat d’assurance les gageant, on considère que c’est seulement le choix de l’assureur qui est laissé à chaque salarié, la contribution patronale n’est plus une cotisation sociale mais un abondement de l’employeur à un contrat personnel du salarié.

Le cumul de deux assurances est possible

Il n’est pas indifférent, au regard des raisons à l’origine de la contestation de M. Maillot, que l’objet de l’accord est de mettre en place un système de remboursement de frais ; c’est traditionnellement dans ce domaine que prospère l’action mutualiste. Le mutualiste ne vit pas, et à juste raison, l’adhésion à sa mutuelle comme la signature d’un contrat d’assurance mais comme l’entrée dans une association ayant des valeurs propres. Voilà du reste pourquoi M. Maillot insiste sur le fait que l’accord d’entreprise l’oblige à quitter sa mutuelle, donc à renier ses convictions. La cour d’appel précise à juste titre qu’il n’en est rien, d’autant que les prestations des deux assurances peuvent se cumuler avec comme seule limite de ne pas dépasser les frais réels en tenant compte des prestations du régime général.Au demeurant, la Banque Populaire a mis en place depuis longtemps – et cela n’a rien d’original – des garanties de prévoyance lourdes (décès, incapacité, invalidité) servies par un même assureur sans que M. Maillot ou un autre salarié n’ait jamais eu l’idée de contester cette obligation. Et on chercherait en vain les raisons, d’ordre juridique, qui justifieraient une différence suivant que les risques couverts soient le décès ou l’invalidité d’un côté, le remboursement des frais de santé de l’autre : l’article L911.2 du code de la sécurité sociale, en énumérant, de manière non limitative, les risques concernés par l’expression garanties collectives de prévoyance vise les deux.

Le grief de discrimination n’existe pas

3/ L’argumentation déployée pour justifier un état de discrimination est des plus spécieuse. La mutuelle concernée est une mutuelle d’entreprise : une partie du personnel y adhérait à titre personnel. M. Maillot estime qu’obliger les autres à y adhérer est discriminatoire.La mutuelle créée dans une entreprise est une activité sociale : ayant la personnalité morale, le comité d’entreprise la contrôle et participe à ses instances dirigeantes. Si elle est chargée de mettre en œuvre des garanties collectives et obligatoires de prévoyance, son régime juridique, fiscal, social en est profondément modifié :- En vertu de l’article 4 de la loi Évin, les anciens salariés (retraités, invalides, chômeurs) et les ayants droits (en cas de décès) bénéficient du droit au maintien des mêmes garanties sans être soumis à un examen médical et en vertu de l’article 14 de l’ANI du 11 janvier 2008 les anciens salariés licenciés continuent à bénéficier des régimes des actifs pendant un certain temps à condition de percevoir les indemnités ASSEDIC.- La cotisation patronale est neutre socialement et fiscalement dans la limite d’un plafond alors que si le système est facultatif, elle est un sursalaire ; la cotisation salariale est déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu ce qui n’est pas le cas si elle est à adhésion facultative. Non seulement en conséquence, on cherchera en vain les éléments d’une quelconque discrimination, mais en outre, organiser une possible différence suivant que les salariés disposent par ailleurs d’un contrat couvrant le même risque, c’est remettre en cause l’égalité de traitement sans disposer d’une raison objective pour le faire.

Remarques conclusives

L’obligation faite à un salarié de relever de l’assureur choisi au niveau de l’entreprise ou désigné par une convention de branche pour gérer des garanties collectives et obligatoires de prévoyance ne peut être contestée au nom ni du droit de la concurrence ni du droit d’association. Elle pourrait par contre l’être au nom de la modification d’un élément du contrat de travail, par le biais de la quote-part salariale de la cotisation ; La Cour de Cassation considérant – même si cela peut être critiqué – que la structure de la rémunération est un élément du contrat, on peut admettre que le salaire net ne peut être réduit sans l’accord individuel de chaque salarié. C’est au demeurant ce que prévoit la loi pour un salarié en fonction à la date de mise en place de telles garanties par décision unilatérale de l’employeur. Le recours au raisonnement a contrario donnerait l’illusion que cette retenue s’impose si ces garanties naissent d’un référendum ou d’un accord collectif. Fausse sécurité si l’on prend en considération que le référendum est légalement présenté comme une ratification à la majorité des intéressés d’un projet de l’employeur et que les avantages nés d’un accord collectif ne s’incorporent pas au contrat de travail.L’impossibilité pour le salarié de refuser son affiliation et de verser la cotisation, telle qu’elle a été consacrée par la jurisprudence, l’a été sous l’empire des textes antérieurs à la loi Evin, c’est-à-dire sous celui de l’article L4 de l’ordonnance de 1945. Celui-ci avait jeté les bases d’une sécurité sociale de nature conventionnelle, dont ne relèvent aujourd’hui que les grands régimes de retraites complémentaires obligatoires (L 921.1 et suivants du code de la sécurité sociale). Le double paritarisme, de conception (par accord collectif ou référendum) et de gestion (l’organe de direction composé de représentants des employeurs et des salariés) donnait naissance à une institution dont les employeurs étaient adhérents et les salariés participants. En d’autres termes, la collectivité des « travailleurs intéressés » (expression retenue par l’article 51 du décret du 8 juin 1946 codifié en R 731.8 aujourd’hui abrogé) acquérait une certaine consistance juridique au travers de l’institution, à laquelle le double paritarisme conférait la personnalité morale.Du fait de l’impérialisme du droit de la concurrence, ce droit a été profondément altéré. L’acte unique créant l’institution a été remplacé par deux actes : Le premier créant les garanties collectives et relevant du droit du travail, le second contrat d’assurance gageant les obligations de l’employeur. Ceci est facteur de graves turbulences. 

jacques barthelemy

17 réponses à to “Affiliation obligatoire du salarié.”

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